Campagne de nettoyage du Mont-Blanc
Notice
Le tourisme croissant sur le Mont-Blanc entraîne une pollution de plus en plus importante. Les refuges sont souvent dans des états catastrophiques. Une campagne a été lancée par le maire de Saint-Gervais pour le ramassage des ordures.
Éclairage
Le 15 juin 2004, David Pujadas, le présentateur-vedette du Journal de 20 heures de France 2, décide de consacrer un reportage au toit de l'Europe, en associant démocratisation de l'accès au Mont-Blanc et pollution du site. Le prétexte en est l'opération de nettoyage des refuges et des pentes, rendue nécessaire par l'accumulation des ordures laissées par les alpinistes de passage et la campagne de sensibilisation qui l'accompagne dans les jours suivants. En faisant reculer le glacier, la dernière canicule a en effet dévoilé un paysage de bouteilles en plastique et autres emballages dont la vision, dans une décennie marquée par un réveil général de la sensibilité à la qualité de l'environnement, est insupportable. Le reportage de Didier Guyot et Philippe Fivet, du reste, joue sur les contrastes pour renforcer le sentiment d'une détérioration : la blancheur des cimes s'oppose ainsi au véritable tapis de déchets entassés dans un refuge, un hélicoptère venant déposer des toilettes devant le refuge de Tête-Rousse, à plus de 3000 mètres d'altitude, vient rappeler que la modernité n'est pas forcément synonyme de pollution et qu'elle peut au contraire contribuer à améliorer la situation, l'image d'un refuge saturé a d'autant plus de force qu'elle répond à celle d'une cime déserte.
Deux termes reviennent fréquemment, tant dans les commentaires des journalistes que lors des interviews : respect et responsabilité. Les alpinistes, vaguement assimilés aux « gens de la vallée », sont ainsi invités à davantage d'efforts pour préserver le site. L'avènement d'une nouvelle norme en matière de gestion personnelle de ses ordures trouve ici un terrain d'expression originale. De leur côté, les autorités regrettent et dénoncent la situation, tout en prenant quelques mesures pour réduire l'impact des alpinistes sur l'environnement. Le reportage s'attarde notamment sur deux responsables de Saint-Gervais, la commune sur le territoire de laquelle se trouve la voie d'accès la plus traditionnelle vers le sommet. Gilles Imbert, le président des Guides de Saint-Gervais, figure l'expertise technique et la connaissance du milieu. Jean-Marc Peillex, le maire UDF de Saint-Gervais qui alimentera bientôt la polémique en défendant l'idée d'un permis obligatoire pour escalader le Mont-Blanc, représente l'autorité politique. Filmé dans une légère contre-plongée valorisante, en train d'arpenter un camp de base sur fond de neige piétinée, il ne dit pas un mot des retombées économiques de l'alpinisme sur sa commune, mais invite chacun à la responsabilité. D'autant que la question va au-delà de l'environnement : en choisissant d'interviewer un alpiniste polonais, qui affiche son désarroi dans un anglais traduit, le reportage montre que, si le problème ne concerne pas que les Français, il nuit incontestablement à l'image du pays.
Qu'il s'agisse des Alpes ou du Népal, les cimes les plus élevées ne sont désormais plus réservées à une élite. On compte 20 000 alpinistes par an au Mont-Blanc au moment du reportage, chiffre en constante augmentation depuis. Le Mont Blanc, conquis en 1786, avait vu son sommet devenir le lieu d'un alpinisme scientifique et cultivé au XIXe siècle puis un espace d'exploits sportifs au siècle suivant : il connaît aujourd'hui une démocratisation que stimulent l'attrait de la pureté de la haute montagne pour les classes moyennes urbaines, l'abaissement du coût du matériel et l'amélioration de la condition physique et de l'entrainement spécifique des candidats à l'ascension. Parce qu'il demeure un symbole en tant que point culminant de l'Europe, le Mont Blanc fait même l'objet depuis les années 1980 de la convoitise de skieurs, aviateurs, parachutistes, parapentistes et motocyclistes. Déplaçant le sens de l'exploit, des records de vitesse pour atteindre le sommet et/ou en redescendre sont tentés. La sur-fréquentation, qui est traitée dans le reportage, n'est ainsi qu'une facette d'un processus plus large qui touche à la fois la transformation du loisir et la signification de la quête des sommets.