Débat sur l'implantation des centrales nucléaires au Conseil régional
Notice
Au Conseil régional, un débat sur l'implantation des centrales nucléaires a eu lieu. Si l'aspect dangereux a été évoqué, les conclusions ont porté sur la nécessité de conserver cette énergie. Il a été décidé de l'implantation d'une nouvelle centrale à Saint-Maurice l'Exil.
Éclairage
A la suite du premier choc pétrolier (octobre 1973) la France décide de modifier sa politique énergétique. Le gouvernement dénonce en effet une situation de dépendance : le pays importe alors plus de 75% de son énergie, situation rendue encore plus lourde par le quadruplement du prix du pétrole en quelques semaines. En 1973, le pétrole fourni par ailleurs 43% de la production électrique nationale. Afin de réduire l'impact pétrolier, on décide alors de mettre en place une politique d'incitation à l'économie d'énergie. Surtout, le 6 mars 1974, Pierre Messmer, premier ministre de l'époque (au moment où, par ailleurs, le Président de la République Georges Pompidou, malade, est de moins en moins actif sur le devant de la scène) annonce l'accélération du programme de production d'électricité nucléaire : c'est le « plan Messmer ».
Celui-ci vise à intensifier le programme électronucléaire français qui avait rendu possible la production de ce type d'électricité par EDF. Après la mise en place des six premiers réacteurs sur trois sites (dont celui de Bugey) entre 1966 et 1971, le programme de développement nucléaire visait initialement à la construction de deux réacteurs par an, en moyenne. En mai 1973, un comité interministériel avait décidé d'accroître le programme de production énergétique des centrales électronucléaires prévu au VIe plan, en le portant de 8 000 à 13 000 mégawatts pour la période 1972-1977. Le plan Messmer est encore plus ambitieux : d'une part, les 13 000 mégawatts prévus doivent être réalisés avant la fin de 1975, ce qui implique la construction de 13 centrales en deux ans. D'autre part, l'effort entrepris doit s'échelonner sur du long terme : 34 unités de 900 mégawatts et une vingtaine d'unités de 1300 mégawatts sont ainsi commandées pour les vingt ans à venir. L'objectif est alors d'atteindre, à l'échelle de 1990, un équilibre énergétique où 30% des besoins seraient couverts par le pétrole et 30% par l'énergie nucléaire.
Il est cependant à noter que cette décision n'a pas été soumise à débat public et qu'elle n'a été sanctionnée par aucun vote du parlement. Elle est le fruit d'un conseil ministériel réduit, tenu le 5 mars. Pierre Messmer a alors suivi les recommandations de la commission PEON (Production d'Électricité d'Origine Nucléaire), commission consultative auprès du gouvernement, créée en 1955 et composée de membres du Commissariat à l'Energie Atomique (CEA), d'EDF, de hauts fonctionnaires et d'industriels et dont la composition laissait donc peu de place à des voix alternatives au développement du nucléaire. Le gouvernement Chirac, Premier ministre de Valéry Giscard d'Estaing à partir de juin 1974, s'est inscrit dans la continuité de cette prise de décision. Et le débat parlementaire d'avril 1975 n'a été suivi d'aucun vote.
Les sites censés accueillir les nouvelles implantations ont été choisis par EDF, sans consultation des populations ou des élus locaux. Ainsi, dans la région Rhône-Alpes, on peut citer le site de Bugey (commune de Saint-Vulbas, dans l'Ain, en bordure du Rhône), où deux réacteurs devaient rejoindre les trois premières tranches déjà active ou en travaux. Quelques kilomètres en amont du fleuve, le site de Creys-Malville, en Isère, avait été choisi pour l'implantation du surgénérateur Superphénix. Enfin, le site de Pierrelatte, au bord du Rhône dans la Drôme, avait également été désigné pour accueillir un site d'enrichissement d'uranium et les quatre tranches de la centrale de Tricastin.
Au début de l'année 1975, à la demande du ministre de l'Industrie (Michel d'Ornano), les assemblées régionales sont appelées à donner leur avis sur de nouvelles implantations. Ainsi, comme le montre ce reportage, le Conseil Régional doit-il se prononcer sur l'implantation d'une quatrième centrale dans la région. La faible participation de conseillers à ce débat (ils ne sont qu'une soixantaine sur 128) montre bien que ces derniers ne sont pas dupes : si une majorité s'exprime en faveur du site de Saint Maurice l'Exil (où la centrale de « Saint Alban » sera construite et rentrera en activité à partir de 1985), tous savent bien que la réalité de la prise de décision appartient alors à EDF. C'est d'ailleurs la raison du vote d'opposition des représentants communistes. Quant aux socialistes, ils dénoncent, par leur abstention, le manque de concertation et l'existence de risques potentiels minorés par EDF. Enfin, le traitement des associations écologistes - qui ont tenté de faire entendre leur voix et de dénoncer l'absence de concertation dans la politique de développement du nucléaire français – et qui sont qualifiées de « troublions (sic) perdus dans le public» par le commentaire de la journaliste est assez symptomatique...