Une nécropole vieille de deux mille ans découverte à Lattes
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Résumé
Sur le site de Lattes, Henri Prades, directeur de l’école Painlevé à Montpellier et fondateur du groupe archéologique du même nom, commente la dernière découverte de son équipe : une nécropole antique de tombes à incinération. Il évoque les difficultés à fouiller ce site d’un intérêt exceptionnel et invite les pouvoirs publics à le protéger.
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
03 juil. 1968
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Contexte historique
ParProfesseur honoraire, agrégé d’EPS, docteur en sociologie
Au cours des premiers mois de l’année 1968, Henri Prades [1] découvre une nécropole vieille de 2000 ans à Villeneuve de Lattes. Dans l’extrait vidéo du journal télévisé du 3 juillet 1968, il explique qu’elle abrite de petites tombes contenant les cendres d’anciens habitants de Lattara, port fluvial antique situé sur les rives du Lez. Il rappelle, les découvertes faites au cours de l’hiver 1967, à la villa Saint-Michel et au Pont Juvénal à Montpellier, deux sites gallo-romains dans lesquels les incinérations étaient rares.
A l’écart de la nécropole, une mosaïque romaine polychrome de 20 m2, à décor géométrique, est en cours de dégagement de sa gangue de terre et l’on observe Henri Prades, seau d’eau à la main, qui en révèle la beauté.
Le journaliste s’intéresse alors aux trois trésors, découverts dans la ville et déposés au cabinet des médailles à Paris [2]. Ce « don » témoigne de l’engagement bénévole de l’archéologue, car l’État n’a pas de droit de préemption sur la découverte de monnaies anciennes et la loi prévoit un partage entre le propriétaire du terrain et le découvreur. Dans un premier temps, Henri Prades, devenu directeur de l’école Painlevé à Montpellier, conservera les collections d’objets archéologiques auprès de ses élèves, dans une salle mise à la disposition de l’association d’archéologie par le maire de Montpellier et ouverte au public.
Cet archéologue passionné exprime son espoir de nouvelles découvertes, tout en relevant la difficulté technique des opérations dans un sol limoneux, souvent recouvert d’eau, que l’on doit assécher par pompage. Il rappelle l’action du Groupe archéologique Painlevé dont il est le président fondateur. Sa vision à long terme et ses explications sur la sédimentation des terrains (stratigraphie sur 5 m de profondeur) permettent d’estimer la richesse des vestiges enfouis de neuf villes successives. Ce sera confirmé par de futures fouilles.
Il faut reconnaître à cet instituteur, outre son engagement scientifique, une extraordinaire détermination à faire réagir
les pouvoirs publics. Le 10 février 1968, il adresse à l’administration des antiquités historiques un état prospectif des terrains à protéger : « Toute la parcelle 101 à Saint-Sauveur au lieu-dit le village (…) constitue l’essentiel du gisement, à protéger en priorité. L’État serait bien inspiré d’en faire une réserve archéologique ». Dès lors, il informe les médias et fait prendre en considération la valeur protohistorique du site.
Le 19 septembre 1968, le préfet Bernard Vaugon adresse un courrier à Georges Pompidou, qui vient juste de terminer son mandat de premier ministre et s’est engagé à protéger le site archéologique de Lattes. Le même jour, alerté par la lecture de la presse régionale, il écrit à Henri Prades : « certaines de vos activités éveillent la curiosité et mon intérêt (…) Je serais heureux, avec l’espoir de vous être de quelque utilité, d’avoir un entretien avec vous au sujet des fouilles auxquelles vous procédez… ».
Le 24 septembre 1968, veille de son rendez-vous avec le préfet, Henri Prades écrit à chaque Conseiller général pour rappeler l’action du groupe archéologique Painlevé, les résultats obtenus et l’intérêt national du site. Sa conclusion anticipe la décision préfectorale : « je crois savoir que l’État s’achemine vers l’achat de ce gisement (…) il serait souhaitable de voir le Département participer à l’effort ci-dessus ». L’intérêt des autorités publiques devient dès lors manifeste.
Le site de Lattara été découvert en 1963, les fouilles, autorisées par plusieurs propriétaires, ont duré cinq ans. Le Groupe Painlevé n’a jamais cessé de lutter pour cette reconnaissance jusqu’à ce que les terrains soient acquis par l’État et un complexe archéologique construit… Henri Prades était un combattant à plusieurs titres : militant politique, scientifique et pédagogique [3]. A partir de 1989, le musée archéologique de Lattes portera son nom : une reconnaissance bien méritée pour un homme qui a passé une grande partie de sa vie au service du public et de l’archéologie.
[1] Henri Prades, alors instituteur à Montpellier, archéologue autodidacte.
[2] Ce trésor est actuellement déposé au Musée de Lattes.
[3] Il a été l’adjoint du commandant du célèbre maquis Bir Hakeim et élu communiste au conseil municipal de Lattes… il a effectué de nombreuses recherches et publications en archéologie ; il a initié ses élèves à l’archéologie, ce qui était une innovation pédagogique et a ainsi favorisé la découverte du site de Lattes.
Bibliographie
Références des Archives départementales de l'Hérault autour du groupe Painlevé :
- ADH 931 W 157 1968-1982,
- ADH 841 1451 1966-1973,
- ADH 1523 W4 1970-1982.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Jacques Balp
Entre Montpellier et Palavas, le village de Lattes étale ses constructions nouvelles non loin des rives du Lez.C’est là que le groupe de recherche archéologique Painlevé vient de découvrir une nécropole vieille de 2000 ans.Ce site est très certainement, comme nous l’a expliqué Monsieur Prades, directeur du groupe, l’un des plus riches de la région en vestiges archéologiques.
Henri Prades
Oui, la ville de Lattes qui s’étend sur, peut-être, 10 ou 15 hectares, nous n’avons pas encore les limites précises, présente des hectares de surface à fouiller et de plus, 5 mètres d’épaisseur en stratigraphie qui correspondent aux neuf villes successives qui ont été construites sur ces lieux.De plus ici, nous avons la nécropole.
Jacques Balp
Cette nécropole, quelles sont ses caractéristiques ?
Henri Prades
Et bien disons qu’elle a précédé immédiatement celle que nous avons vue cet hiver à Saint-Michel au pont Juvénal.Mais à la différence de Saint-Michel, où nous avons, vous vous rappelez uniquement ou à peu près des inhumations, sauf quelques rares incinérations, ici, comme vous le voyez, tous les tombeaux sont beaucoup plus petits parce qu’il s’agit d’incinération, les morts étant simplement contenus dans une urne.
Jacques Balp
Vous avez des difficultés là pour fouiller, l’eau a envahi la fouille et vous avez été obligés de pomper.Nous avons arrêté le moteur d’ailleurs pour les besoins du tournage.
Henri Prades
Oui mais à Lattes, nous avons une grande habitude de ces problèmes techniques, pratiquement, il est impossible de faire une fouille sans qu’on se heurte au problème de l’eau.De plus, cette année, il y a eu un très violent orage qui, comme vous le voyez, a provoqué des éboulements et actuellement, nous redégageons ce que nous connaissions déjà.
Jacques Balp
Il paraît que vous avez découvert des trésors sur ce site, est-ce exact ?
Henri Prades
Oui, c’est exact, mais ça alors, ce n’est pas dans la nécropole, ça se passe dans la ville elle-même, dans la ville antique.Nous avons découvert en effet trois trésors sans parler des monnaies en bronze, plombs de douane et autres, et ces trois trésors sont tous les trois allés au cabinet des Médailles à Paris.Leur destination a été ensuite décidée en commun avec Monsieur Le Rider, conservateur du cabinet des Médailles.
Jacques Balp
Pour le profane, que se passe-t-il quand on découvre un trésor comme ça ?
Henri Prades
Je crois qu’à ce sujet, beaucoup de gens ignorent l’article 17 de la législation du 27 septembre 1941, qui spécifie bien qu’en cas de découverte monétaire, le droit de préemption de l’État ne s’étend pas à ces pièces de monnaie.Et la loi dit que dans ce cas-là, la moitié du trésor va à l’inventeur et la moitié au propriétaire, ce que nous avons toujours fait.
Jacques Balp
Donc, vous avez entrepris, vous êtes entré dans une phase tout à fait productive de ces fouilles-là, mais qu’espérez-vous faire pour l’avenir en ce qui concerne le port par exemple, en ce qui concerne la ville, les différentes villes de Lattes ?
Henri Prades
Là, il est certain que du fait même de l’immensité des problèmes posés de la surface à dégager, de sa profondeur, ce qui suppose des dizaines de milliers, même des centaines de milliers de mètres cube à enlever, et du fait également que tous les propriétaires en tout cas, plusieurs propriétaires de Lattes sont intéressés, nous allons nous heurter et nous nous heurtons, c’est vrai, à de gros problèmes administratifs ;mais j’ai bon espoir que finalement, l’humanisme l’emportera et qu’on arrivera à faire des fouilles grandioses.
Jacques Balp
D’ailleurs, les pouvoirs publics ont été très sensibilisés à ces fouilles.
Henri Prades
Oui, depuis cinq ans déjà, nous avons eu l’occasion de mettre sur le tapis ce problème, et je crois que finalement les choses sont en bonne voie.Mais il faut être patient.
Jacques Balp
Très patient et avoir une certaine forme de courage aussi pour rester dans l’eau et la boue des heures durant, afin d’exhumer délicatement ces objets familiers de gens qui ont vécu entre le premier siècle avant Jésus Christ et le premier siècle après.Monsieur Prades et son groupe ont pu ainsi réunir un véritable musée qui offre aux yeux du visiteur, à côté de dalles funéraires, certains vases ou lacrymatoires dont l’étonnante fragilité date de 2000 ans.
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