La professionnalisation de l'archéologie sous-marine
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Résumé
André Tchernia, archéologue et historien, explique l’importance et le temps que prennent les travaux d’étude et d’analyse qui font suite à une campagne de fouilles : l’archéologie sous-marine est une discipline à la rigueur toute scientifique. Georges Duray, directeur administratif de la DRASSM, évoque quant à lui sa conception du « partage du monde archéologique sous-marin entre professionnels et amateurs ».
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
10 févr. 1973
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Contexte historique
ParIngénieure d’études au Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (ministère chargé de la Culture), rattachée au CNRS, UMR 5140, Université Paul Valéry Montpellier 3
André Tchernia, éphémère directeur scientifique (1967-1968) de la Direction des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM) créée en 1966 par André Malraux, alors ministre de la Culture, et installée dans les murs du fort Saint-Jean à Marseille où se déroule l’interview, est accompagné de l’Amiral Duray, directeur administratif de la DRASSM dès sa création. Ils s’expriment tous deux sur la professionnalisation en devenir de la discipline.
Comme en écho à l’interview TV d’André Bouscaras et de son épouse, en 1966, André Tchernia évoque la rigueur nécessaire à l’étude d’un site archéologique, ici l'épave n°3 du Planier. L’îlot du Planier, au large de Marseille, sur lequel un phare a fini par être construit, a vu sombrer nombre de navires à toutes les époques. Cinq campagnes de fouille d’un mois chacune ont été dirigées de 1968 à 1972 sur ce site à 30 m de profondeur. Trois ont porté sur la cargaison et deux ont permis de commencer à dresser le plan du navire. Sur une partie du site formant un rectangle de 4 mètres sur 2,80 mètres, chaque élément découvert en cours de fouille, jusqu’au moindre clou, a été positionné. Absolument tout ce qui constitue le fret du navire a été remonté à la surface pour être étudié. C’est au prix de cette précision que de petits fragments de colorants, évoqués par André Tchernia, ont pu être identifiés parmi la cargaison d’amphores.
Le chercheur insiste également sur la rigueur appliquée au raisonnement qui a permis de dater le naufrage dans une étroite fourchette chronologique de 5 ans, à partir de l’identification des personnages dont les noms sont mentionnés sur les amphores. À la différence de l’amiral Duray selon lequel professionnels et amateurs ont toute leur place dans cette nouvelle discipline, André Tchernia pense qu’un non-archéologue doit adopter les méthodes d’un archéologue.
À cette époque, ces discussions sont au cœur des débats. En effet l’archéologie sous-marine s’est développée avec l’invention du scaphandre autonome qui donnait à tout un chacun les moyens d’explorer le monde sous-marin côtier. Le premier archéologue institutionnel formé à la plongée sous-marine est l’Américain Georges F. Bass qui a fouillé en 1960 l’épave de Cape Gelidonya, au sud-ouest de la Turquie, et créé l’Institute of Nautical Archaeology à l’université Texas A&M.
En France, une équipe du CNRS (centre Camille Jullian) et de l’Université d’Aix-en-Provence constituée d’André Tchernia, Patrice Pomey et Antoinette Hesnard lui emboîte le pas, mais les découvertes par les plongeurs sportifs se multiplient rapidement et les archéologues professionnels ne peuvent suivre le rythme. Se développe alors toute une génération d’amateurs éclairés que rien, en ce qui concerne les méthodes de fouilles, ne distingue des professionnels. Ce n’est qu’au stade des analyses et des publications que les collaborations s’avèrent nécessaires.
À partir de 1966, les autorisations de fouilles, déjà dûment encadrées par les archéologues professionnels dans les Circonscriptions des Antiquités, seront délivrées par la DRASSM. Chaque opération sera suivie d’un rapport et, pour les sites les plus importants, un avis sera demandé à la Commission des fouilles sous-marines qui, une fois par an, réunit des chercheurs émanant de plusieurs disciplines afin d’examiner la qualité des rapports.
Transcription
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Pierre Nembrini
Mais l’archéologie sous-marine a des chercheurs, des fervents qui dans un cadre officiel poursuivent avec ordre et méthode une tâche passionnante.
André Tchernia
Trois ans pour faire donc ce travail sur les objets et deux ans de campagne d’un mois assidu pour faire le plan de ce qui restait de la coque.Et dans la première campagne, nous avons fait le plan de 4 mètres de long sur 2,80 mètres de large.Je reconnais que ce n’est pas beaucoup mais quand nous avons eu fini, je crois que nous pouvions assurer que nous avions au centimètre près la position de tous les clous.Ce travail qui nous a conduit à ramasser absolument tout sans discrimination par pure discipline archéologique, nous a permis par exemple de trouver des petits cailloux rouges qui n’avaient pas grande allure sous la mer et qui se sont révélés être du réalgar, un colorant rare dans l’Antiquité.Voilà un morceau encore plus rare, le cinabre.Il y a là quelque chose de très neuf, de très important pour le commerce des colorants qui est un commerce presque inconnu, mais qui avait certainement une grande importance dans l’économie antique comme il y en a eu dans l’économie médiévale.Et puis ce sont aussi ces objets qui nous ont permis par toute une série de raisonnements et de recoupements, qu'il serait difficile d’exposer en détail, de dater le naufrage de cette épave à cinq ans près.
Georges Duray
Que l’on tienne compte des archéologues professionnels en très, très petit nombre et des archéologues amateurs un petit peu plus nombreux.Tout compte fait, si on prend en compte tous les éléments dont je viens de parler, que je viens d’énumérer, et bien la question a une réponse évidente ;il y a place pour tous, largement place pour tous dans le partage du patrimoine archéologique sous-marin.
André Tchernia
Le terme d’amateur, je ne l’aime pas, d’ailleurs parce qu’il n’y a pas d’amateur et de professionnel, il y a des gens qui sont archéologues et des gens qui ne le sont pas.Il y a des archéologues qu’on peut qualifier d’amateurs parce qu’ils ont par ailleurs d’autres moyens d’existence mais ça ne les empêche pas d’être archéologues.Et ceux-là travaillent évidemment avec les critères archéologiques, ils se sentent responsables.