L'étang de l'Or

C’est l’histoire d’un renouveau, voire d’une forme de résurrection, celle de l’étang de l’Or, l’un des plus vastes du littoral languedocien. Situés à l’aval des bassins versants, ces étangs littoraux sont très dépendants des dynamiques économiques et démographiques de l’amont et de leurs conséquences environnementales. En ce qui concerne l’étang de l’Or, la croissance démographique et la fréquentation touristique, très soutenues depuis les années 1970, conjuguées à la modernisation de l’agriculture, l’ont progressivement transformé en réceptacle d’eaux usées et polluées. Comme se le rappelle un pêcheur  l’eau était noire tellement elle était polluée, mais aujourd’hui, c’est clair, c’est pas de la Vittel mais c’est propre , même s’il reste du travail à accomplir et des efforts à poursuivre. 

Un autre signe de l’amélioration de l’état qualitatif des eaux de l’étang, est le lent et progressif retour d’une certaine biodiversité. Le signal positif est donné par une chercheuse du CNRS qui observe le retour des juvéniles, ces jeunes poissons marins qui, au cours de leur première année d’existence, viennent pendant près de six mois grandir et grossir dans les étangs. Ces derniers assurent donc à nouveau cette fonction de nurserie, de pouponnière à poissons. L’enjeu est de taille car des interrogations subsistent quant à la nécessité de ce passage en étang des poissons pour maintenir le stock en pleine mer. La construction et la mise aux normes des stations d’épuration a grandement participé à cette amélioration.

Malgré tout, l’étang reste soumis à d’autres menaces dont la plus forte est celle de l’eutrophisation : une sorte de cocktail à base de chaleur, d’eau à la température élevée, de soleil, de nitrate et de phosphate. Cela donne naissance à une poussée de phytoplancton : des algues qui donnent cette teinte verdâtre aux étangs l’été et dont la décomposition provoque une forte odeur si désagréable de soufre à tout le secteur. Pour tenter de juguler ce problème, les pouvoirs publics ont créé au début des années 1990, le Syndicat mixte de gestion de l’étang de l’Or dont la mission principale est de contrer le phénomène. Suivi de nombreux paramètres (salinité, oxygène, clarté de l’eau...) permettant de cerner l’état qualitatif des eaux, études coordonnées entre les différents acteurs du bassin versant, telles sont les actions du quotidien. Ces dernières portent également sur les zones humides avec leur gestion, restauration et protection locale via la politique européenne Natura 2000 qui vise spécifiquement la faune et la flore remarquables de ces milieux reconnus sur le plan international. 

Également outil de concertation entre acteurs et usagers du territoire, Natura 2000 permet de confronter les différents enjeux et de tendre à leur résolution de manière collective. Les 3000 hectares du plan d’eau et les 2000 hectares de zones humides périphériques sont ainsi abordés autant que possible de manière globale et intégrée. Nécessaire mais pas suffisant, et de surcroît il est difficile de concilier ce petit monde du marais qui, parfois au même endroit et au même moment (ou pas...), veut de l’eau douce (chasseurs et manadiers) quand d’autres, les pêcheurs, veulent de l'eau plutôt salée ou encore de l’eau saumâtre pour garder ce gradient de salinité synonyme de diversité biologique et écologique. L’eau comme pomme de discorde mais aussi objet de coopération, un message précieux qui met le lien social au cœur des enjeux de gestion de ces zones humides, passées en quelques décennies de zones « à  assainir » au statut de patrimoine environnemental à protéger à l’échelle planétaire.