Le Diable à la Fourchette
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Résumé
À l’automne, sur l’étang de l’Or, les hommes des marais chassent la foulque. Ils sont installés aux « cabanes », le long du canal. Ce documentaire évoque l'univers des étangs du Languedoc : le monde des sauvaginiers, les cabanes installées sur les levées de terre, habitat temporaire et réaffirmation périodique d’une liberté revendiquée.
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
1989
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Contexte historique
ParRéalisateur-ethnologue, président de l’Association pour la recherche, l’image et le son (ARIS)
Lo diable de mar, la foulque ou macreuse en Languedoc, est un oiseau migrateur que les hommes des marais chassent au début de l'automne, après les vendanges et la migration des taureaux de la Petite Camargue vers les pâturages d’hiver. Ces chasseurs sont installés aux cabanes de Lunel, Marsillargues, Lansargues, Mauguio, non loin de l’étang de l’Or, leur terrain de chasse
… À peine quelques kilomètres de chemin défoncé, de roseaux, de canaux et de petites digues de terre, les lévadons, séparent les colonies touristiques du littoral de ces villages de cabanes, en contrebas de voies rapides, à contre-sens du littoral urbanisé... L'une de ces cabanes s'appelle « La Fourchette ».
Ce documentaire évoque l'univers des étangs du Bas-Languedoc : l'ordre sauvage
, le monde des sauvaginiers (chasseurs de gibier d’eau), les cabanes installées sur les levées de terre, habitat temporaire, réaffirmation périodique d'une liberté revendiquée, lieu d'une inversion sociale où sont valorisées les nourritures fortes, les plaisanteries scabreuses, la promiscuité dans un confort sommaire. On entre dans un incroyable monde de bricolage, du bidon industriel déroulé, du revêtement de carton à la cabine téléphonique détournée... Partir à la découverte de ces microsociétés des marais et lagunes du Bas-Languedoc, c'est courir le risque de se perdre un peu dans les formes mouvantes d'une culture qui se construit avec des matériaux d'emprunt...
On découvre, aux abords des étangs, une tradition bien vivace : la chasse à la foulque, gibier d’eau apparenté à la poule d’eau et appelée foulque macroule
ou macreuse, sur le littoral bas-languedocien. Lors des migrations, des milliers de ces oiseaux stationnent dans certaines reculées des étangs, remuant les fonds par de longues plongées. Les hommes de la passée utilisent des techniques variées et anciennes qui s’appuient sur une connaissance précise des lieux et des oiseaux. Cette chasse a lieu de nuit et à poste fixe et les chasseurs opèrent en général par équipe de deux. Ils construisent d’abord leur poste d’affût, en bordure de l’étang, puis disposent des leurres, mannequins ou canards vivants les appelants
(des canes qu’ils élèvent pour leurs cris), selon des stratégies des plus militaires
qui font l’objet de conversations enflammées. Au moment de la passée, les chasseurs « pioutent » (sifflent) au moyen d’appeaux (petites trompettes tournées en buis) pour attirer les colonies d’oiseaux. Ces affûts se transforment aujourd’hui en gabions transportables, ou caisses bricolées à base de bois ou fibre de verre que les chasseurs installent, recouverts de roseaux, à l’emplacement de leur poste.
Il y a une véritable compétition des chasseurs pour imiter le cri des foulques, faire chanter les canes pour les faire venir vers la calée : La foulque c’est notre passion !
disent les chasseurs, elle nous fait nous amuser, nous empêche de dormir…, elles « cabussent » (plongent), elles « pioutent » (chantent) à partir des premières « barbastes »(gelées blanches), il ne faut pas fermer l’œil, être toujours attentif, suivre le mouvement des « frappes »(vols d’oiseaux)…
». La chasse est vécue comme un loisir de très haute passion sociale, elle est ici un art de vivre son territoire, elle rythme une bonne partie de la vie rurale languedocienne. Tensions et conflits s’expriment alors sur un territoire jalousement gardé. À travers la frêle palissade d’un nid de roseaux et d’algues, la caméra guette et fouille l’horizon au-delà des appelants et de leurs cris… Difficile d’attendre les passages, le vent… froid, la lune… pleine... La chasse se mérite… !
À travers une approche ethnologique, ce film documentaire cherche à comprendre et donner à voir une réalité culturelle dans toutes ses composantes, en s'immergeant dans une expérience partagée avec les acteurs eux-mêmes : leur façon de vivre, de raconter leurs stratégies, leur passion, sans commentaire. Il s’agit bien de collecter un patrimoine vivant, un choix filmique qui s'intéresse aux usages, aux pratiques, aux savoir-faire et à leur transmission, ainsi qu'aux représentations liées à un territoire spécifique : ici, l’étang de l’Or.
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
(Bruit)
Chasseur 1
[Inaudible]
Chasseur 2
On va commencer à caler là tout à l’heure, quand on aura encamouflé tout ça.Ça c’est le mien, le tien ici, voilà.Allez maintenant on va l’habiller.
(Bruit)
Chasseur 1
Nous ici, dans notre terme à nous, on appelle ça des "pioutas", c’est pour, ah ben… On dit "piouter" disons c’est ce qui fait rentrer la fouque, parce que la fouque fait ce bruit de nuit, elle fait [bruit d’appeau].Quand elles entendent ça elles croient, je ne sais pas moi, une sœur ou une cousine, et voilà, ça rentre.Une femelle de siffleur avec un mâle de siffleur. Là vous avez des bouïs, des bouïs rouges.Ça, ça sert plus à l’aube c’est-à-dire que ça fait un ensemble dans l’eau, ça fait des paquets, là vous avez des queues d’hirondes. Les mâles de queues d’hirondes, ça fait des paquets et comme la fouque est habituée à aller dans les escapoulons c’est-à-dire que plus vous avez de paquets, plus vous avez de chance de faire rentrer le gibier dedans. Quand on cale, on cale à la demande de la météo, la météo nous dit il va faire ça et ça, on met ça bon, après dans la nuit quand on s'aperçoit que le temps a changé on tourne tout.
(Bruit)
Chasseur 1
On va mettre les mannequins et puis en revenant tout à l’heure on mettra les vivants et on fera l'affût.Vent nord, nord-ouest, je suis au sagnas, disons bon tout seul dans ce cul de l’étang. Gabion là, ligne de fouques, moi j’ai calé à ma façon, ligne de fouques, là sarcelles, siffleurs, j’ai fait un panache de mannequins toujours, de sarcelles et siffleurs.Bon, vu que le vent est nord, nord-ouest, à la météo ils ont annoncé ça, je mets colvert là, colvert là, vous êtes toujours d’accord avec moi, cane de pointe face aux sarcelles, et au-dessus des sarcelles, cane entre sarcelles et fouques, cane entre, disons la [mole] qui est à main gauche, cane là et cane là. Voilà. Autrement dit une, deux trois canes, les fouques, les mannequins de fouques, mon gabion est là, là une cane de plus, là une cane de plus et deux colverts. Les colverts sont dans le vent, autrement dit que quand ils vont chanter il vont faire chanter les canes, et voilà, en principe tout devrait bien se passer.Bon, si dans le courant de la nuit le vent passait de nord, nord-ouest, je sors, j'enlève ces deux colverts et je fais l’inverse, je les mets là, là, je prends toutes ces canes de là tout en laissant mes mannequins et je fais l’inverse.Je mets là, là, et là au lieu de le mettre en bordure je mets là au milieu.Bon, disons que pour ce poste qui s’appelle le sagnas, tout seul, je me mets là.Voilà tout ce que je peux vous expliquer, disons à ce poste par le temps qu’il y a aujourd’hui, et il n’y a que cette manière de, enfin pour moi personnellement, il n’y a que cette façon de caler. Maintenant...
(Bruit. Chants de canards)
Chasseur 1
C’est bon, bon, aqui !
Bon, je crois qu’on peut chasser maintenant. Allez les enfants !
(Bruits d’appeaux. Chants de canards. Tirs)
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Date de la vidéo: 03 janv. 1972
Durée de la vidéo: 07M 35S