Manifestation à Marseille contre le Plan Juppé
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Résumé
Une manifestation d'une ampleur jamais vue à Marseille a réuni aujourd'hui plus de cent mille personnes, grévistes du secteur public mais aussi du secteur privé et associatif. Se sont retrouvés côte à côte militants de la CGT et de FO pour la première fois depuis 1947.
Date de diffusion :
12 déc. 1995
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Le 7 novembre 1995, Alain Juppé a été reconduit dans la fonction de Premier ministre, que Jacques Chirac lui avait confiée après sa victoire à l'élection présidentielle du mois de mai précédent. Agrégé de lettres classiques, ancien élève de l'Ecole normale supérieure, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, ayant rejoint l'inspection générale des Finances à sa sortie de l'ENA, Alain Juppé a eu depuis une carrière politique bien remplie. Commencée en 1976 comme chargé de mission au cabinet Jacques Chirac, alors chef du gouvernement, elle l'a vu occuper les fonctions de conseiller, puis adjoint au maire de Paris, député européen, député et maire de Bordeaux, ministre, secrétaire général puis président du RPR. Il incarne une certaine aristocratie d'État et l'image qu'il donne de lui-même en fait le symbole de l'élite au pouvoir contre laquelle le mouvement social de 1995 s'élève.
Il a présenté le 15 novembre le "plan" qui porte son nom et qui concerne les retraites et la Sécurité sociale. Élaboré sans concertation avec les syndicats, ce plan vise à aligner les dispositions des retraites du secteur public sur celles du secteur privé (40 annuités contre 37,5 auparavant). Il concerne aussi l'établissement d'une loi annuelle de la Sécurité sociale qui renforce l'emprise de l'État et le contrôle parlementaire en fixant les objectifs de progression des dépenses maladies. Si elle entend instituer un régime universel d'assurance maladie, elle augmente les frais d'hospitalisation, impose des restrictions sur le remboursement des médicaments, bloque et impose les allocations familiales....
Ce plan se heurte à une bonne partie de l'opinion et à la majorité des syndicats, bien qu'il ait, sur les retraites, le soutien de la direction nationale de la CFDT et d'une partie du Parti socialiste. Dès le 24 novembre, les agents de la SNCF (touchés par le "plan de sauvetage" de leur entreprise) se sont mis en grève [cf 00000000316]. C'est le point de départ d'un long conflit qui mobilise surtout le secteur public et, dans une moindre mesure, le secteur privé. Les grèves se succèdent, à la SNCF, à la RATP, à la Poste, à France Telecom, dans l'Éducation nationale, et de nombreuses universités sont bloquées par les étudiants. La France connaît aussi une série de manifestations de plus en plus massives, au point d'atteindre une ampleur inédite, en particulier en Provence (24 novembre, 28 novembre, 5 décembre). Le slogan "Tous ensemble" est repris partout. Louis Viannet et Marc Blondel, secrétaires généraux de la CGT et de FO-CGT, échangent même une poignée de main. La CFDT s'est retirée de l'action dès le 28 novembre.
Alain Juppé a eu beau se dire "droit dans ses bottes", il a commencé à céder sur des points essentiels de la réforme. Le 11 décembre, il a annoncé que l'âge de départ en retraite des régimes spéciaux (SNCF et RATP) ne serait plus remis en cause. Cependant, le lendemain, on dénombre plus de deux millions de manifestants dans toute la France. C'est le point culminant du mouvement, qui rassemble des personnels des secteurs publics et privés, et des militants du mouvement associatif. C'est cette manifestation, où Marseille tient la vedette avec un cortège de 120 000 personnes, qui fait l'objet du reportage. Elle voit défiler côte à côte militants de la CGT et ceux de FO - ce qui ne s'était jamais vu depuis la scission de 1947 qui avait vu FO se séparer de la CGT. À noter que la CFDT régionale participait aussi à ce mouvement. En fait, depuis plusieurs jours, les manifestations en province dépassaient par leur ampleur la mobilisation parisienne. Déjà le 6, Marseille avait compté plusieurs dizaines de milliers de manifestants et le 19 décembre suivant, la ville sera à nouveau en pointe avec un cortège équivalent à celui du 12 qui la sillonnera de la gare Saint-Charles à Castellane. Cette participation exceptionnelle de Marseille lui fera attribuer le surnom de "capitale des luttes". Cependant, les autres viles de la région, Toulon notamment, ont connu des mobilisations également exceptionnelles. Le 15 décembre, le gouvernement retirera ses projets sur les retraites de la fonction publique et sur les régimes spéciaux, mais il ne cèdera pas sur la réforme de la Sécurité sociale.
Sur un plan général, le déclin du mouvement s'amorcera alors, d'autant que des divergences apparaissent entre CGT et FO, cette dernière voulant lancer un mot d'ordre de "grève générale", ce que refuse la première. Avec six millions de journées perdues, dont quatre dans la fonction publique, le mouvement de 1995 a été plus important que celui de 1968. Il a rassemblé aussi plus de manifestants, malgré le soutien de la majorité des médias au gouvernement. C'est un désaveu pour les élites qui, même à gauche, ont fait souvent preuve de compréhension pour tout ou partie des modifications envisagées par le plan Juppé.
Transcription
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