Le caïd marseillais, version Borsalino
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En octobre 1969, la télévision régionale dépêche un reporter sur le tournage de Borsalino, dans le quartier du Panier, à Marseille. Après avoir assisté au tournage d'une scène de « franche explication » entre les deux héros du film, interprétés par Delon et Belmondo, celui-ci interviewe Jacques Deray. Le réalisateur déclare apporter un soin particulier à la reconstitution du Marseille des années 30 et affirme que la ville sera l'autre vedette du film.
Date de diffusion :
10 déc. 1969
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Contexte historique
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La criminalité phocéenne a-t-elle un visage particulier ? Une ampleur qui la distinguerait des autres grandes métropoles du monde ? La réponse à ces questions dépasse largement le cadre de ce Parcours ! Bornons-nous ici à constater que le cinéma s'est longtemps plu, et même complu, à représenter Marseille comme la cité du crime, l'équivalent français de Chicago, le royaume de la pègre... Au grand dam des autochtones, exaspérés par cette réputation sulfureuse.
Au sein de cette mythologie, Borsalino et sa suite Borsalino and co occupent une place de choix. Portés par le charme de ses interprètes, Alain Delon et Jean-Paul Belmondo, rythmés par la musique allègre de Claude Bolling, enjolivés par les chromos rétro, ces deux films - gros succès en leur temps - en constituent la face souriante, séduisante, bon enfant, et par là même, ambiguë.
Pour les replacer dans leur contexte, il faut retourner au Marseille des années 30. Historiquement, à cause de Carbone et Spirito, les deux caïds qui ont servi de modèles aux personnages incarnés par Delon et Belmondo. Cinématographiquement, à cause de Justin de Marseille, film réalisé par Maurice Tourneur de 1935 que l'équipe de Borsalino a dû beaucoup regarder.
C'est vraiment avec Justin qu'apparaît en effet l'image du gangster marseillais. Tourneur, qui a longtemps travaillé aux Etats-Unis, veut alors créer l'équivalent français de Scarface, œuvre sidérante inspirée à Howard Hawks par Al Capone. Il ne lui faut pas beaucoup d'imagination pour situer ce Scarface à la française à Marseille, puisque dans ces années-là, les tristement célèbres Carbone et Spirito y font régner un climat délétère. (En 1938 la ville, devenue ingouvernable et rongée par l'incurie, devra d'ailleurs être mise sous tutelle.)
Justin et Scarface se différencient néanmoins sur un point important. Quand le film de Hawks est projeté sur les écrans en 1931, Capone est déjà inculpé et ne va pas tarder à être condamné. Et même si le cinéaste en fait un personnage fascinant, à la fin, il le fait mourir comme un minable, dans le caniveau.
Justin de Marseille sort, au contraire, à un moment où l'emprise du Milieu sur Marseille est la plus forte. (En 1935, Carbone et Spirito ont éliminé tous leurs rivaux et tiennent désormais entièrement la ville, qu'ils gangrènent jusqu'à l'os avec le concours zélé du premier adjoint, Simon Sabiani, et des syndicaux patronaux à qui ils fournissent des cohortes de briseurs de grève musclés). De plus, le film établit l'archétype du gangster aimé et apprécié de tous, parfaitement élégant, respectueux du code d'honneur et par-dessus le marché, chevaleresque. (Il sauve une pauvre fille de la noyade et du bordel. Et à la fin, il part avec elle regarder le coucher du soleil !)
Une caractérisation que l'on va retrouver, pratiquement à l'identique, dans les Borsalino, qui, plus encore que Justin, font pourtant référence à Carbone et Spirito. Le générique précise en effet : « d'après le livre d'Eugène Saccomano, Bandits à Marseille. » (Que Delon a lu entre deux prises de La Piscine et dont il a illico acheté les droits). En fait, les Borsalino ne font que transposer deux ou trois anecdotes pittoresques rapportées par le journaliste. Sur le reste, c'est-à-dire sur les exactions, coups tordus et crimes crapuleux en tout genre, il n'y a rien.
Le premier Borsalino reste de bout en bout une comédie policière, une série d'images d'Epinal, un grand jeu de gendarmes et voleurs, ou plus exactement de voleurs et voleurs, un joyeux divertissement, sans aucun rapport avec la réalité sordide dont il prétend s'inspirer. Sa suite, avec Delon seul, est plus grave, plus violente, mais tout aussi improbable. Elle donne même à Roch Siffredi – personnage dont le nom est emprunté au régisseur du film (!) mais inspiré de François Spirito – un positionnement politique contraire à la vérité historique. Comme tout le Milieu marseillais de l'époque, Carbone et Spirito admiraient en effet le fascisme (Ils ont ravitaillé Franco en armes pendant la guerre civile espagnole) et soutenaient activement le PPF de Doriot. Au point qu'on a pu se demander si Carbone n'était pas expressément visé dans le sabotage du train, organisé par la Résistance, où il a trouvé la mort en 1943. Or, dans Borsalino and co, on voit Siffredi, le pseudo Spirito, combattre les fascistes et les collabos... comme le fit, pendant la guerre, son jeune rival et bientôt successeur, Mémé Guérini... que Delon fréquentait par ailleurs. (Le livre d'Eugène Saccomano reproduit une photo de l'acteur en voiture avec Mémé, l'un et l'autre tout sourire dehors.)
Pour toutes ces raisons, les deux Borsalino soulevèrent à leur sortie de vives protestations, vite étouffées par un immense et durable succès populaire. Ce traitement « pittoresque », « folklorique », du Milieu marseillais aura ensuite tendance à disparaître. Cette fantaisie si éloignée de la réalité et si complaisante envers le Milieu, a-t-elle prêté à conséquence ? Une chose est sûre : le vrai film sur Carbone et Spirito reste à faire !
Bibliographie
Eugène Saccomano : Bandits à Marseille, Julliard, 1968
Jean Bazal : Le Clan des Marseillais, Editions Jean-Michel Garçon, 1989
Filmographie
Jacques Deray : Borsalino, 1970 et Borsalino and co, 1974 (disponibles en dvd)
Thierry Aguila : Carbone et Spirito (dans la série documentaire Les parrains de la Côte) 2007
Transcription
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