Les règlements de compte à Marseille depuis janvier 2012
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Depuis le début de l’année 2012, les règlements de comptes ont fait 21 victimes. Le reportage en fait le tragique bilan et rappelle qu’ils avaient déjà causé 15 morts en 2011.
Date de diffusion :
12 oct. 2012
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Contexte historique
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Ville pauvre, liée à tous les trafics de la Méditerranée, Marseille n’a jamais été épargnée par la criminalité. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, celle-ci a trouvé dans la drogue une ressource particulièrement profitable comme l’affaire de la French Connection l’avait montré (voir Accords franco-américains pour la lutte contre la drogue), mais le commerce de l’héroïne était le fait d’un grand banditisme traditionnel dans son organisation en gangs. La guerre qu’ils se menaient pour le contrôle du marché local et international était sanglante. La tuerie du Bar du Téléphone (voir La tuerie du Bar du Téléphone au Canet) et l’assassinat du juge Michel (voir L'assassinat du juge Michel) en avait fourni les tragiques illustrations. Ces affaires entraient dans un schéma si classique, relevant d’un certain folklore marseillais, qu’elles donnaient lieu à des mises en scène cinématographiques ou nourrissaient les souvenirs des « grands flics » qui avaient eu à combattre ce fléau.
La criminalité sanglante du début du XXIe siècle a changé de nature. Même si le « milieu » n’a pas disparu et n’est pas complètement étranger aux règlements de comptes que connaît la ville, la plupart d’entre eux ont désormais une autre origine et relèvent d’un « néo-banditisme » des cités. Le commerce de la résine de cannabis, qui vient généralement du Maroc, génère une économie souterraine dont les acteurs sont de jeunes hommes, fréquemment issus de l’immigration, rapidement déscolarisés. Leur territoire est celui des cités édifiées à la périphérie de la ville qu’ils s’approprient et entendent contrôler. Il n’y a plus d’organisations relativement centralisées, mais des bandes éclatées qui ont tendance à régler leurs différends, non plus avec des chaînes de vélos comme les « blousons noirs » des années soixante, mais avec des pistolets automatiques ou des fusils d’assaut (la « kalach », pour kalachnikov du nom de son inventeur) qu’ils trouvent grâce à un approvisionnement venu des Balkans. Leurs modèles de comportement, avec sa part de violence et l’usage facile d’armes à feu, se trouvent probablement dans les séries télévisées, notamment américaines. Cet éparpillement de la criminalité, son caractère souvent éruptif et « spontané » rendent son démantèlement difficile. En dépit des succès rencontrés par la police, elle paraît se reconstituer aussitôt sur le terreau de misère sociale et culturelle des cités. C’est pourquoi les quartiers Nord ou leurs environs concentrent la majorité de ces affaires. Le reportage fait le bilan de l’année 2012 qui, avec 24 meurtres, n’atteint pourtant pas les tristes records de 2008 (28) et 2010 (32). On en comptera encore 21 en 2013, 15 en 2014 et 2015 n’est pas en reste. Au total, depuis 2008, ce sont plus de 170 personnes qui ont été victimes de meurtres de ce type. Mais l’effet grossissant de ces affaires que la presse et la télévision médiatisent largement, joint à l’image, en quelque sorte « historique » de Marseille, peuvent laisser croire que la ville et le département sont au premier rang des homicides. En réalité, en 2012, les Bouches-du-Rhône se situent au sixième rang avec 2,8 homicides volontaires pour 100 000 habitants, au même niveau que les Alpes-Maritimes et assez loin de la Haute-Corse et de la Corse-du-Sud (8,2 et 5,4 meurtres pour 100 000 habitants).
Chaque gouvernement essaie de traiter la question et, régulièrement, ministre de l’Intérieur et Premier ministre viennent à Marseille afin de montrer qu’ils ne se désintéressent pas du problème et qu’ils essaient d’y remédier. Claude Guéant, ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de François Fillon, l’avait fait avant 2012. En septembre de cette année-là, le chef du gouvernement Jean-Marc Ayrault et son ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, ont décidé de renforcer les effectifs de police et gendarmerie, plutôt que d’avoir recours à l’armée comme le demandait la sénatrice socialiste Samia Ghali, maire des 15e et 16e arrondissements. Ils accompagnent cette mesure d’un plan d’action contre la criminalité et les inégalités sociales. En mai 2015, Manuel Valls, désormais Premier ministre, est revenu à Marseille et a promis, entre autres mesures, encore un renforcement des moyens de lutte contre la criminalité.
Le problème est d’autant plus dommageable que Marseille tente de se construire depuis plus de trente ans une autre image, celle d’une cité où l’intégration de ses populations se fait plutôt mieux que dans d’autres villes et où la culture sous ses aspects les plus divers tient le haut du pavé. Mais ces règlements de compte sont l’autre face de la cité consacrée « capitale européenne de la culture 2013 ». En se concentrant dans les périphéries, ils soulignent la fracture géographique de la ville dont le centre est pratiquement épargné par ces violences, en même temps qu’il bénéficie de nouveaux équipements, et cette fracture fait mesurer tout le chemin qui reste à parcourir.
Bibliographie
- Philippe Pujol, French Deconnection : au cœur des trafics, Paris, Robert Laffont, 2014, 168 p.
Transcription
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