Effondrement du tunnel du Rove
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Un glissement de terrain a provoqué l'effondrement de la voûte du tunnel du Rove, qui a obstrué le canal Marseille - Rhône. En surface, l'effondrement a entraîné la création d'un important cratère.
Date de diffusion :
17 juin 1963
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Contexte historique
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Le reportage rend compte de ce qui pourrait être un fait-divers : l'effondrement le 16 juin 1963 de la voûte du tunnel du Rove qui assure depuis 1927 une circulation maritime directe entre la rade de Marseille et l'Étang de Berre, en traversant la chaîne de l'Estaque (ou Nerthe). C'est un navire qui assure une liaison de passagers entre Martigues et Marseille, le Storm, qui a constaté l'obstruction du passage et donné l'alerte. L'incident n'a pas fait de victimes. En fait, les prises de vue permettent de constater qu'il s'agit d'un accident majeur, la totalité de l'épaisseur de la voûte s'est écroulée causant un cratère impressionnant en surface, sur la commune de Gignac. Le commentaire laisse prévoir des travaux conséquents et donc une fermeture prolongée.... En 2008, le tunnel du Rove est toujours obstrué.
Le commentaire n'en dit pas plus. Il faut donc rappeler le contexte de la construction de cette voie maritime, les causes probables de cet accident ainsi que le pourquoi de la non-réouverture. Le tunnel du Rove (qui est plutôt un canal maritime souterrain) a été construit entre 1911 et 1927 pour assurer une liaison maritime entre le port de Marseille et l'Étang de Berre. C'est un élément du canal de Marseille au Rhône. Depuis la fin du XIXe siècle, les milieux d'affaires marseillais et notamment la Chambre de commerce, gestionnaire du port, ont entrepris de relier Marseille au Rhône, pour en faire un port à la fois maritime et fluvial, à l'image des grands ports de l'Europe du Nord, dont l'extension de l'hinterland (arrière-pays) est fonction de l'existence d'une grande voie fluviale (Rhin, Escaut). Mais le Rhône se termine non par un estuaire mais par un delta, qui rend impossible la liaison directe mer-fleuve pour la navigation, et Marseille est entourée d'un amphithéâtre de collines qui l'isole de son arrière-pays. La liaison avec le Rhône ne peut donc être qu'une succession d'ouvrages en continuité relative. Une fois franchie la barrière du massif de La Nerthe par le tunnel du Rove, le canal doit emprunter les bords sud de l'Étang de Berre entre Marignane et Martigues à l'abri d'une digue. Puis la traversée des quartiers insulaires de Martigues et le creusement d'un chenal maritime dans les années 1920 dans les étangs de Caronte, ont entraîné les travaux les plus importants, avec notamment la construction d'un viaduc ferroviaire au-dessus du chenal, la disparition de quartiers de Martigues et la mise en place d'un pont routier pivotant assurant le passage de la RN 568 à travers la ville. À Port-de-Bouc, la liaison retrouve le canal d'Arles à Bouc, avant d'atteindre enfin le Rhône qui n'est pas encore aménagé pour la navigation.
Le tunnel du Rove est le premier (au départ de Marseille) et le plus spectaculaire élément de cette liaison maritime car le massif calcaire de la Nerthe est une véritable barrière. Le chantier a été ouvert en 1911 du côté de l'Estaque avec une porte d'entrée monumentale au droit du port de la Lave, puis quelques mois plus tard sur le versant nord à Gignac et Marignane. Chantier qualifié en son temps de "pharaonique" par les dimensions de l'ouvrage (7 km de long, 15 m de hauteur sous la voûte, 22 m de largeur dont 18 m de voie navigable, 4 m de tirant d'eau) par le volume de matériaux mis en oeuvre (2,3 millions m3 de déblais, soit deux fois plus que le tunnel du Saint-Gothard, 400 000 m3 de béton et maçonnerie, 1 300 tonnes de dynamite), par le coût de la construction estimé à plusieurs milliards de francs de l'époque. Il faudrait y ajouter la durée du chantier (1911-1927), interrompu par la Première Guerre mondiale, où se sont illustrés des entreprises de génie civil comme celle de Léon Chagnaud, ainsi que des milliers de travailleurs, nationaux et étrangers, dont beaucoup ont fait souche dans les communes proches.
Lorsqu'il s'effondre en 1963, le tunnel n'a "servi" que 36 ans, ce qui est très peu pour un ouvrage de cette importance. Les causes de la catastrophe sont liées à la nature des terrains qui avaient déjà causé des problèmes au moment de la construction (calcaires marno-argileux), à la circulation des eaux et la formation de chapelles ou cathédrales, phénomène géologique bien connu, qui a peu à peu désolidarisé la voûte du terrain.
Ce n'est pas le coût des travaux de réfection qui explique l'abandon du tunnel du Rove, mais plutôt un changement d'époque et de paramètres économiques. Le tunnel du Rove n'est plus d'actualité dans les années 1970. La taille des péniches pouvant naviguer sur le Rhône, à présent ouvert à la navigation jusqu'à Lyon, a atteint le gabarit européen et le détour maritime pour gagner le golfe de Fos depuis Marseille n'est plus un problème. Surtout, le déplacement des activités portuaires pondéreuses vers les annexes de Fos rend moins indispensable une liaison par le Rove, d'autant que le canal d'Arles à Bouc a été élargi pour les besoins de la zone de Fos, ainsi directement reliée au Rhône.
Cette mise en sommeil a été vivement critiquée et la réouverture maintes fois réclamée aussi bien par des élus locaux que des milieux économiques. Un argumentaire plus récent est venu des milieux écologistes qui réclament la réouverture du tunnel afin de permettre une circulation d'eau de mer dans l'Étang de Berre, asphyxié par les arrivées d'eau douce et de limons de la Durance, mais, du côté marseillais, on craint les possibles pollutions venant de l'Étang dans un site qui a fait l'objet d'aménagements touristiques de qualité (port de plaisance de la Lave et plages de Corbières). Sans compter que, depuis plus de quarante ans, la stagnation des eaux dans le tunnel engendre des fermentations et des nuisances perceptibles en surface du côté de Gignac et Marignane. Qui prendra la décision d'une réouverture du tunnel du Rove et surtout qui en supportera le financement ? Aucun accord n'existe sur ces points et donc, comme conclut le commentaire "le trafic est totalement interrompu, vraisemblablement pour une très longue durée".
Bibliographie :
Méténier Michel, Revilla Fernand, Le Tunnel du Rove ; le canal de jonction de Marseille au Rhône, Marseille, Paul Tacussel éditeur, 1999.
Transcription
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