Philippe Pujol primé par la Fondation Varenne pour son enquête sur les trafics à Marseille
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Récompensé du premier prix de la Fondation Varenne pour sa série de reportages « French Deconnection : au cœur des trafics », le journaliste et écrivain Philippe Pujol revient sur les problématiques liées à son enquête menée dans les cités de Marseille. Il évoque la mauvaise gestion politique et l'espérance d’un ascenseur social pour une jeunesse qui s’entretue.
Date de diffusion :
13 déc. 2012
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Contexte historique
ParDocteur en Histoire contemporaine, Post-doctorant à Aix-Marseille Université
Publication : 17 nov. 2023
Philippe Pujol est lauréat, en 2012, du 1er Prix de la fondation Varenne, récompensant des journalistes de la presse quotidienne régionale (PQR). Il reçoit cette distinction pour une série de dix articles parue la même année et intitulée « French Deconnection au cœur des trafics ». Ce titre fait référence à la French Connection, trafic de drogue entre Marseille et les États-Unis, qui culmine dans les années 1970. Philippe Pujol met en lien ce trafic disparu avec celui de l’époque contemporaine, qui voit cette fois-ci de la drogue produite en particulier au Maroc arriver dans la citée phocéenne et y être revendue. Journaliste fait-diversier, depuis 2004, au quotidien communiste La Marseillaise né dans la Résistance, Philippe Pujol raconte durant plusieurs années les violences du moment
sans focalisation particulière sur la délinquance. La rencontre avec la sociologue marseillaise Amina Haddaoui et le fait d’être privé, à partir de 2011, de certaines informations policières officielles
sur intervention du préfet délégué à la sécurité des Bouches-du-Rhône, l’amène à aller les chercher lui-même au cœur des cités du nord de Marseille. Il observe alors de près les conséquences négatives de cette activité, dont les premières victimes sont ce qu’il nomme une jeunesse perdue
. Ceci est d’autant plus tragique que ces adolescents et jeunes adultes pourraient être, selon lui, mieux employés dans des activités commerciales licites, car souvent issus de l’immigration ils parlent plusieurs langues. Sans empathie excessive, il décrit, par exemple à la cité de la Castellane dans le 15e arrondissement, le quotidien de ces petites mains de l’économie souterraine, dont l’horizon est bouché, et qui pensent trouver dans la participation au trafic de stupéfiants un moyen d’évasion et d’ascension sociale à la mesure de leurs rêves et ambitions. Mais ils y trouvent le plus souvent au mieux la prison et au pire la mort. À Marseille les règlements de compte, pour le contrôle du trafic, font en moyenne une vingtaine de victimes par an souvent jeunes et modestes.
Le point central, mis en exergue par Philippe Pujol dans ses articles, est l’enfermement dans une cité et un réseau de vente de drogue avec en toile de fond la crise économique, liée à la désindustrialisation de Marseille, le chômage, qui dans certains quartiers touche un jeune sur deux de 18 à 30 ans, et la misère. Une économie de la survie et de la débrouille se développe alors, que les pouvoirs publics laissent, selon lui, sciemment perdurer pour maintenir un flux monétaire minimal, façon d’acheter la paix sociale pour mieux justifier l’abandon de ces quartiers populaires, trop souvent exclus des grandes politiques publiques. Il dénonce parallèlement une mise en scène croissante, à des fins d’exploitation électorale nationale, de la lutte contre le trafic de drogue à grand renfort de descentes de police. Ces dernières ne semblent pas régler le problème de fond, et aggravent au contraire la situation en exacerbant la concurrence entre les trafiquants du bas de l’échelle ainsi que les tensions qui en découlent nécessairement. L’essentiel de la drogue arrive par bateau au Grand Port Maritime de Marseille, dont l’emprise territoriale s’étend jusqu’à Port-Saint-Louis-du-Rhône. Or face aux milliers de conteneurs déchargés quotidiennement de navires de plus en plus gigantesques, les faibles effectifs de la brigade des douanes ne permettent qu’un contrôle très aléatoire et partiel des marchandises entrant sur le territoire français. La quasi-totalité de la drogue passe donc entre les mailles du filet. Face à cet échec collectif, Philippe Pujol appelle au contraire de ses vœux un long et minutieux travail d’enquête visant à démanteler les filières, afin de faire tomber les têtes de réseaux. Mais il est pleinement conscient que ce travail de fond est par nature décorrélé d’un temps politique et médiatique qui s’accélère. Poursuivant sa plongée dans les cités du nord de Marseille, Philippe Pujol reçoit en 2014 le prestigieux Prix Albert Londres pour une autre série d’articles intitulée « Quartiers shit ». Drôle de coïncidence, lorsque l’on se rappelle que le journaliste Albert Londres avait lui aussi dressé dans Marseille Porte du Sud, livre issu d’un reportage mené en 1926 et composé d’une douzaine d’articles, le portrait sans concession de la cité phocéenne.
Bibliographie
Dominique Duprez, Michel Kokoreff, Les mondes de la drogue. Usages et trafics dans les quartiers, Paris, Odile Jacob, 2000.
Michel Peraldi, Claire Duport, Michel Samson, Sociologie de Marseille, Paris, La Découverte, 2015.
Philippe Pujol, French deconnection au cœur des trafics, Paris, Éditions Robert Laffont, Marseille, Wildproject, 2014.
Philippe Pujol, La Fabrique du monstre, Paris, Éditions des Arènes, 2016.
Transcription
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