Le temps du tango, cours de tango, interview d'amateurs de tango
Notice
Le tango a traversé les frontières et dépasse le phénomène de mode. Portraits de passionnés, qui de cours, en salles de bal, s'adonnent à cette danse au son des bandonéons. Guy Marchand évoque lui son amour pour ces rythmes.
Éclairage
Milieu des années 1970 : dans le film l'Acrobate, les professeurs de danse Georges et Rosy déclarent avec assurance : « le Tango argentin, c'est fini, dépassé, ce que l'on danse aujourd'hui, c'est le Tango anglais, le Tango de compétition ». Et, à l'époque, c'est vrai : le Tango argentin n'était plus dansé à Paris que par quelques couples âgés au son d'orchestres démodés.
40 ans plus tard, la perspective est tout autre : le Tango argentin est redevenu une danse « branchée », pratiquée par des couples de tous âges, et en particulier par de nombreux jeunes aficionados qui lui apportent séduction physique et inventivité artistique. Entretemps que s'est-t-il passé ? Dans les années 1970, un grand nombre d'artistes argentins, fuyant la dictature militaire, ont apporté en Europe les rythmes du Tango, teintés de nostalgie pour la culture populaire de leur pays. Puis, au cours des années 1980, le public parisien a redécouvert, à l'occasion de spectacles venus d'Argentine, comme le mythique Tango Argentino, la puissance sensuelle du tango dansé. Les plus passionnés ont voulu eux mêmes l'apprendre et le pratiquer, créant les conditions d'une renaissance multiforme du Tango en Europe : cours, écoles, bal, festivals, stages, concerts. Et, au cours des années 1990, la situation économique désastreuse de l'Argentine a de nouveau conduit sur les chemins de l'exil un grand nombre de jeunes artistes, qui sont allés porter la bonne parole tanguera aux quatre coins de l'Europe et du monde.
Le reportage « Le Tango envahit la France » a été tourné en 1997, au moment justement où cette vague tanguera s'accélère et commence à donner naissance à une communauté structurée d'aficionados rassemblés autour d'associations et de lieux de pratique de plus en plus nombreux. Son grand mérite est de nous faire comprendre, entretiens à l'appui, les ressorts psychologiques et humains qui alimentent cet engouement : fascination pour la sensualité de l'abrazo, bonheur d'associer plaisir physique et pratique d'une activité artistique, possibilité de rompre les inhibitions pour entrer en contact avec les personnes de l'autre sexe, redécouverte de son identité sexuelle et de son identité tout court dans une société exposée au risque de l'uniformité.
Il nous montre aussi la manière dont la pratique de cette danse bouleverse le mode de vie et la vision du monde des aficionados, qui parcourent l'Europe de bals en bals, enrichissant et éclairant leur vie par des rencontres et des expériences qui sans le Tango leur auraient été impossibles. Comme ce cuisinier de cantine scolaire qui n'en revient toujours pas d'avoir pu séduire grâce à la danse une cadre informaticienne devenue son épouse. Comme ce couple de retraités se mettant sur le tard à donner des démonstrations de danse dans les restaurants de leur quartier. Ou comme cette jeune femme autonome et indépendante qui retrouve dans la pratique du Tango le plaisir de s'abandonner au guidage de l'homme. Nous voyons aussi apparaître une nouvelle forme de sociabilité en réseau permettant aux tangueros de trouver dans chaque ville où ils séjournent, au gré de leur nomadisme dansant, une communauté toute prête à les accueillir chaleureusement.
Près de vingt ans après sa réalisation, ce reportage, outre sa valeur de témoignage historique très émouvante pour l'auteur de ces lignes, qui commença justement à danser le Tango à cette époque, nous fournit toujours des clés pertinentes pour comprendre les facteurs de cet engouement pour les danses latines, qui a désormais cessé d'être une simple mode pour devenir un phénomène durable de société.