Allocution du 29 septembre 1968

29 juin 1968
07m 10s
Réf. 00144

Notice

Résumé :

Allocution télévisée du général de Gaulle qui s'adresse aux Français à la veille du second tour du scrutin des élections législatives et un mois après les événements de Mai 1968 ayant paralysé la France. Il revient sur les événements de Mai 68 et la sortie de crise. Il exhorte les Français à donner une large majorité au gouvernement, afin de mener à bien la politique "nécessaire", d'abord pour réparer le "handicap" engendré par la crise de mai, et ensuite permettre à la France de conserver son avance, dans tous les domaines. Il aborde enfin la capitale question de la mutation sociale, réclamée par la jeunesse, et qu'il entend mettre en oeuvre grâce à la participation.

Type de média :
Date de diffusion :
29 juin 1968
Type de parole :

Éclairage

Le premier tour des élections législatives consécutives à la dissolution de l'Assemblée nationale à la suite de la crise de mai 1968 a eu lieu le 23 juin. Il a révélé qu'une grande partie de l'électorat, épouvantée par le risque du vide politique ou de l'anarchie, a massivement appuyé la majorité gaulliste rassemblée dans l'Union pour la défense de la République (UDR), laquelle compte 144 élus dès le premier tour, laissant pressentir un raz-de-marée favorable à l'UDR au second tour le 30 juin. Redoutant une démobilisation de l'électorat, le général de Gaulle intervient à la radio et à la télévision à la veille du second tour pour définir l'enjeu de la consultation.

Après avoir rappelé la profondeur de la crise de mai et le redressement opéré à son initiative le 30 mai, il en appelle à l'union des Français autour du pouvoir qu'il représente afin d'aborder la tâche immense qui consiste à traiter les retombées négatives de la crise, lesquelles risquent de handicaper dans tous les domaines le redressement français accompli depuis 1958. Mais l'enjeu des élections, c'est aussi de lui donner les moyens de mettre en oeuvre la vaste mutation sociale que représente à ses yeux la politique de participation

Serge Berstein

Transcription

Charles de Gaulle
Le mois dernier, tout s'en allait. Notre pays, scandalisé par l'anarchie universitaire, paralysé par la grève généralisée, désemparé par l'incertitude d'un parlement sans majorité, pouvait penser que la République disparaissait avec la Liberté. Le 30 mai, sentant qu'enfin s'éveillait l'instinct national, j'en ai appelé au peuple. Il m'a répondu dans ses profondeurs. Du coup, fut rompu le charme maléfique qui nous entraînait vers l'abîme, tandis que se déployait les manifestations de l'espérance retrouvée, puis que se déclenchait le retour au travail, enfin que la Nation s'exprimait au premier tour des élections, tout a été réparé. Voilà la page qui vient d'être inscrite au livre tourmenté de notre histoire. Maintenant que semble s'éloigner une épreuve qui eut emporté tout autre régime que le nôtre, et que nous n'avons sur le moment surmontée que grâce à un gouvernement solide et déterminé autour du Chef de l'Etat, il est vital que la France reprenne sa marche en avant. Tout d'abord, puisque la République a failli nous être arrachée, nous devons nous unir, non seulement pour la défendre et y remettre tout en ordre, faute de quoi, c'est le malheur qui aurait décidément gagné, mais encore pour la rendre plus efficace et plus fraternelle. C'est dire qu'en votant demain, nous devons démontrer à cet égard notre massive résolution, et nous donner un Parlement qui soit capable de soutenir, par une forte, constante, cohérente majorité, la politique nécessaire. Cette politique sera rude car nous allons avoir à mener un grand effort de production, de productivité, de travail. Pour réparer au milieu de nos concurrents étrangers, le handicap que nous inflige la crise dont nous sortons, pour empêcher que la hausse des prix, l'inflation, la chute de la monnaie, réduisent à moins que rien, l'amélioration des salaires et les allocations des familles et gens âgés, et développent chez nous le chômage. Pour poursuivre l'avance qui entraînait depuis 10 ans, grâce à la paix, peu à peu rétablie, notre industrie, notre agriculture, notre commerce, et qui nous plaçait pas à pas à la pointe du progrès moderne. Cela nous devons le faire et nous pouvons le réussir en agissant en pleine indépendance, mais en coopérant activement, avec d'autres pays, d'un bout à l'autre de l'Europe, notamment dans le Marché Commun et en accroissant nos échanges, partout ailleurs à travers le monde. Mais par dessus tout, il s'agit d'accomplir la vaste mutation sociale qui, seule, peut nous mettre en état d'équilibre humain, et que d'instinct appelle notre jeunesse. Il s'agit que l'Homme, bien qu'il soit pris dans les engrenages de la société mécanique, voie sa condition assurée, qu'il garde sa dignité, qu'il exerce sa responsabilité, il s'agit que dans chacune de nos activités, par exemple, une entreprise ou une université, chacun de ceux qui en font partie soit associé directement à la façon dont elle marche, au résultat qu'elle obtient, au service qu'elle rend à l'ensemble national. Bref, il s'agit que la participation devienne la règle et le ressort d'une France renouvelée. Françaises, Français, voilà le chemin qu'il faut suivre, et que ma vocation et mon mandat me commandent de vous montrer, puisque le destin est en jeu. Mais, quand demain, comme je l'espère, vous en aurez ainsi démocratiquement décidé, alors, puissions-nous, en dépit d'erreurs, des secousses, des divisions, qui ont encore une fois failli briser notre pays, nous retrouver tous, nous respecter les uns les autres, nous rapprocher mutuellement dans notre unité nationale. Car c'est au même titre, que toutes et tous nous sommes, comme l'ont été nos aïeux, comme le seront nos descendants, les filles et les fils de la France. Vive la République, vive la France !