Entretien avec Michel Droit, première Partie
Notice
Premier entretien télévisé entre le général de Gaulle, candidat à la présidence de la République, et Michel Droit, rédacteur en chef du Figaro littéraire, entre les deux tours de l'élection présidentielle. Par le dipositif adopté et l'attitude du Général, cette série d'entretiens cherche à faire oublier l'image d'un personnage lointain, voire hautain, et d'un homme vieilli. Ce premier entretien traite de la politique intérieure de la France. Le Général y défend l'action de son gouvernement, chiffres à l'appui. Après avoir évoqué l'idée qu'il se fait de la France et des Français, de Gaulle aborde ainsi successivement les thèmes de la prospérité, du Plan de stabilisation, de l'agriculture, de l'enseignement, des communications, du logement et de la recherche scientifique.
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Éclairage
À la fin de l'année 1965, les Français élisent leur président au suffrage universel pour la première fois : c'est un principe inscrit dans la Constitution depuis 1962, mais dont l'usage reste à légitimer. Parallèlement, à la télévision, un principe d'égalité est instauré pour tous les candidats qui disposent de 2 heures de temps de parole. C'est la première fois dans l'histoire du petit écran qu'une telle durée d'expression est attribuée aux différents courants politiques. Ainsi, le 19 décembre, les téléspectateurs assistent-ils, stupéfaits, à la profession de foi de cinq des six candidats à l'élection présidentielle dont celle du représentant MRP Jean Lecanuet ou celle de François Mitterrand de la Fédération de la Gauche Démocratique et Sociale. Tous profitent largement de leur liberté de parole. Seul le général de Gaulle - qui mène sa campagne du premier tour sur le thème "je refuse d'être un candidat comme les autres" - n'utilise qu'une trentaine de minutes réparties en trois allocutions. Cette stratégie ne sera pas payante : le ballottage - premier signe de l'usure du pouvoir et qui s'apparente, pour de Gaulle, à une défaite - va contraindre le président sortant à courtiser lui aussi l'électeur sur les ondes télévisées. Pour la campagne du second tour, il accepte de participer (c'est une première !) à une série de 3 entretiens (tous enregistrés le même jour) avec le fidèle Michel Droit. Menées sur un ton familier, ces discussions défont l'image d'un homme seul et imperméable aux sentiments des petites gens. Le premier entretien est diffusé le 13 décembre au soir et aborde les thèmes socio-économiques. Le général de Gaulle justifie tout d'abord la politique menée par ses gouvernements depuis 7 ans, où l'économie "paraît l'emporter sur tout le reste". Il évoque le plan de stabilisation de septembre 1963 (où Valéry Giscard d'Estaing avait appliqué une politique déflationniste et de blocage des prix, permettant de contenir l'inflation). Il rappelle la sortie du système monétaire international où prime l'étalon dollar, afin que la monnaie française repose sur une base indiscutable, l'or. Si, à grand renfort de chiffres, le Général démontre que la hausse du niveau de vie des Français est en progression constante (elle s'inscrit dans le mouvement des Trente Glorieuses), il n'en oublie pas pour autant ceux que l'on appelle "les vaincus de l'ère de la croissance", c'est-à-dire les agriculteurs. En effet, la modernisation passe par le remembrement et la concentration des terres, et ce sont les paysans traditionnels qui en paient le prix. Enfin, il évoque l'éducation, le logement et l'urbanisation ainsi que les transports, tous ces secteurs où le Cinquième Plan économique doit intervenir pour en faciliter les progrès. Allègre, malicieux, clair et convaincant, le général de Gaulle séduit ; il remporte, le dimanche 19 décembre 1965 le second tour de l'élection présidentielle, face à François Mitterrand, avec 54,5% des voix. Dans Le Figaro Jacques Faizant dessine sa célèbre Marianne déclarant au Général : "Et, bien!...Tu vois, gros bêta ! Tu m'aurais parlé comme ça plus tôt !..".