Visite en France de Nikita Khrouchtchev
Notice
Nikita Khrouchtchev, Président du conseil des ministres de l'URSS, est reçu officiellement par le Président de la République française. C'est la première visite en France d'un chef d'Etat russe depuis la révolution de 1917.
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Éclairage
S'il est une constante de la vision politique planétaire du général de Gaulle, c'est bien son refus d'accepter l'ordre issu de la seconde guerre mondiale qui confie aux deux grandes puissances, les Etats-Unis et l'URSS le soin de régler le sort de la planète. A ses yeux, c'est la conférence de Yalta (dont la France était exclue) qui a décidé ce partage du monde entre les deux blocs et cet état de choses lui est insupportable puisqu'il fait de la nation française, dont il entend promouvoir la grandeur, un simple élément du camp américain. Aussi va-t-il lutter avec la plus grande énergie, au nom de l'indépendance nationale, contre un protectorat américain qui limite la marge d'action de la France.
Cette vision des choses est particulièrement nette en ce qui concerne sa volonté de ne pas admettre que le dialogue avec le monde communiste constitue un monopole des Etats-Unis et, par conséquent, de nouer directement des relations avec les pays communistes et, au premier chef avec la Russie soviétique, d'autant que, depuis la mort de Staline en 1953, la phase aigüe de la guerre froide a cédé la place à la " coexistence pacifique " (qui n'exclut pas la concurrence) entre le monde communiste et l'Occident. Ainsi s'explique l'invitation faite au principal dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev d'accomplir en mars 1960 une visite officielle en France.
Le toast porté par de Gaulle à l'occasion de la réception à l'Elysée de Khrouchtchev et de son épouse permet de retrouver les thèmes majeurs des vues du Général sur les rapports avec l'URSS. Après les politesses d'usage, il place d'emblée son intervention sous le signe de la nécessité de nouer des relations directes : " La Russie et la France ont eu besoin de se voir ".
Et pour bien montrer qu'à ses yeux, l'emploi du terme " Russie " pour désigner l'URSS ne résulte pas d'un lapsus, il développe longuement l'histoire des relations franco-russes. C'est souligner qu'à ses yeux l'idéologie ne constitue qu'un vernis négligeable par rapport à l'âme éternelle des peuples et les réalités géopolitiques et que, derrière le masque du marxisme-léninisme, l'Union soviétique n'est pour lui guère différente de l'empire des tsars. Au demeurant, il note qu'alliées au cours des deux guerres mondiales, la Russie et la France n'ont entre elles aucun contentieux, territorial ou moral.
Toutefois, revenant au présent, il admet que la France et l'Union soviétique (et là il utilise le terme adéquat) appartiennent à deux camps différents, insistant par là sur le fait qu'il ne s'agit pas à ses yeux d'opérer un renversement d'alliances ou de se réfugier dans le neutralisme. Tout au plus vise-t-il à permettre à la France de contribuer de façon autonome par rapport aux Etats-Unis à la détente mondiale qu'il souhaite voir se profiler à l'horizon, voire à jouer son rôle dans une éventuelle coopération avec l'URSS afin de consolider la paix et la réconciliation internationale.