Voeux pour l'année 1967

31 décembre 1966
12m 38s
Réf. 00065

Notice

Résumé :

Charles de Gaulle présente aux Français ses voeux pour l'année 1967. Il pense qu'elle sera favorable à la France, car le pays est stable politiquement et économiquement, dans un contexte de croissance, et la conjoncture mondiale est plutôt favorable. Les thèmes que le Général aborde ensuite sont : les mutations économiques et industrielles, la détente, la guerre du Vietnam, la stabilité des institutions françaises, et enfin les élections législatives à venir.

Type de média :
Date de diffusion :
31 décembre 1966

Éclairage

Alors qu'il est à la tête de l'État depuis près de huit ans, le général de Gaulle, comme c'est la tradition désormais, présente à la télévision ses voeux aux Français pour 1967. Il dresse le bilan de l'année écoulée et décrit quelle doit être celle qui débute.

Il commence par rappeler les bons résultats économiques et sociaux de la France, inscrits dans le mouvement des " Trente Glorieuses ", caractérisé par une société d'expansion continue. 1966 est aussi l'année où " la France a recouvré son indépendance ". En mars, de Gaulle a effet annoncé au président américain Johnson le retrait des forces françaises de l'OTAN (en restant membre de l'Alliance atlantique et de ses organismes non militaires). Et tandis que la Guerre Froide fait place à la Détente, les relations avec les pays communistes s'intensifient : le voyage triomphal du chef l'État français en URSS (juin), en Roumanie et en Bulgarie (avril), et en Pologne (mai), marquent " l'entente et enfin la coopération " qui doivent unir la France aux pays communistes.

En condamnant une fois encore - comme il l'avait fait à Phnom Penh, dans un retentissant discours, au mois de septembre - les bombardements américains au Vietnam du Nord, le Général réaffirme la volonté d'inscrire la politique française dans l'espace mondial.

Enfin, presque deux mois avant les élections législatives de mars 1967, il appelle les Français à " maintenir " et non pas " détruire ", " un régime aussi évidemment salutaire et efficace ".

Aude Vassallo

Transcription

(Musique)
Charles de Gaulle
Françaises, Français ! Je vous souhaite une bonne année. Parlant au nom de nous tous, mes voeux sont l'expression de ceux que la France forme pour chacun de ses enfants, de ceux aussi qu'ils adressent à la France. Je le fais en toute confiance parce que vraiment les conditions me paraissent réunies pour que 1967 soit favorable à notre pays. C'est qu'en effet, l'année qui se termine, a vu notre effort national porter des fruits encourageants. Sur tel ou tel sujet particulier, des lacunes certes, des retards sans aucun doute, des erreurs assurément, rien n'empêchera jamais que la vie soit un combat et que les hommes soient les hommes. Mais dans l'ensemble et par opposition avec tant d'épreuves d'autrefois, point de bouleversements économiques ou sociaux qui aient déchiré notre peuple. Point de crise économique qui l'ait privé et l'affaibli, point de confit extérieur qui l'ait troublé et ensanglanté. Au contraire, notre activité en expansion vigoureuse, le niveau de vie de chaque catégorie un peu plus haut qu'auparavant, nos résultats démographiques, économiques, scientifiques, sportifs, au total, satisfaisants. La paix complète maintenue pour nous tandis que nous travaillons à l'assurer ou la rendre à d'autres. Par-dessus tout et en dépit des invectives de ceux qui en font profession, notre collectivité française de moins en moins divisée dans ses profondeurs et par là de mieux en mieux à même d'accomplir librement et solidairement son développement national et d'assumer sa responsabilité mondiale. A partir de ce qui est acquis, quel doit être notre effort au cours de l'année qui commence au-dedans et au dehors, il est simplement évident que nous nous trouvons en pleine période de changements et que ceux-ci peuvent être heureux. Chez nous, tout le monde le sait, ces changements consistent dans ceci qu'ayant longtemps pratiqué une économie protégée et du même coup retardée, nous sommes en train de devenir une puissance industrielle aux prises avec la concurrence et qu'ayant vécu la guerre au milieu de la lutte des classes, nous allons vers l'association organisée de tous ceux qui sont les producteurs. En 1967, c'est à cette vaste mutation économique et sociale que nous aurons sans cesse et partout à faire qu'il s'agisse ou bien de la recherche scientifique, de l'équipement industriel, de l'organisation agricole, de l'emploi et de la formation technique des travailleurs, de l'éducation de la jeunesse. Ou bien, des moyens de faire en sorte que tous les participants à l'oeuvre économique commune y aient leur part des résultats et des responsabilités, nous sommes et nous resterons délibérément engagés dans le grand mouvement qui imprime à notre activité, débute un rythme et des ressorts nouveaux. De là, inévitablement, des obstacles à surmonter, des inconvénients à subir, des regrets même à ressentir en même temps que nous devenons plus prospères, plus unis, plus puissants. Quant au monde où nous vivons, chacun voit jusqu'à quelle profondeur et avec quelle rapidité s'y modifient les relations internationales et de quel poids utile à tous y pèse maintenant l'action de la France. En Europe la guerre froide qui durait depuis 20ans est en train de disparaître parce qu'à l'Est comme à l'Ouest on s'aperçoit de ce qu'avait de stérile cet état de tension permanente et menaçante et qu'on mesure au contraire, ce que la détente et puis l'entente et enfin la coopération entre tous les peuples de notre ancien continent lui apporteraient de chances pour résoudre ses propres problèmes. Notamment la question de l'Allemagne pour rétablir l'équilibre pacifique indispensable à l'univers pour se placer une fois de plus à la tête du progrès humain. La France qui a recouvré son indépendance et qui s'en donne les moyens va donc continuer d'agir dans le sens du rapprochement continental. Elle le fera en pratiquant avec la Russie soviétique d'amicales et fécondes relations. Elle le fera en rénovant avec la Pologne, la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie, la Roumanie, la Bulgarie, la Hongrie et l'Albanie, les étroits rapports d'autrefois. Elle le fera en cultivant cordialement ses contacts avec chacun de ses voisins et en travaillant à bâtir le groupement économique et peut être un jour politique des Six occidentaux. Le tout en vue d'aider notre continent à rassembler tous ses Etats peu à peu et d'un bout à l'autre pour devenir l'Europe européenne. Mais tandis que l'Europe prend ainsi le chemin de la paix, c'est la guerre qui sévit en Asie du sud-est. Guerre injuste car elle résulte en fait de l'intervention armée des Etats-Unis sur le territoire du Vietnam, guerre détestable puisqu'elle conduit une grande nation en ravager une petite. Au nom du bon sens, de l'attachement que nous gardons à l'égard de l'Indochine, de l'amitié deux fois séculaire que nous portons à l'Amérique, nous tenons pour nécessaire que celle -ci mette un terme à l'épreuve, en ramenant ses forces sur son sol. Le jour, si lointain qu'il soit, où elle déciderait cela, notre pays pourrait, et de quel coeur, s'employer à faire ouvrir toute grande les portes par où passeraient la paix mondiale, l'aide au peuple retardés et la fraternité des hommes, dont suivant sa vocation il est aujourd'hui le champion. Pour que la France poursuive son progrès, pour qu'elle maintienne son indépendance, pour qu'elle appuie la cause de la paix, il lui faut des pouvoirs publics qui soient solides, populaires et continus. Au cours des récentes années, on a vu qu'elle les avait et quel profit elle en tirait. Pour la première fois dans l'histoire de la République, une législature toute entière, c'est-à-dire pendant plus de 4 ans, le fonctionnement d'un parlement et d'un gouvernement vient de se terminer sans que la cohésion et la collaboration des pouvoirs aient jamais été rompues. Sans que le législatif ait provoqué aucune crise de l'exécutif, sans que celui-ci ait dissout celui-là. Combien cette stabilité contraste-t-elle avec la confusion d'antan ? Combien aide-t-elle notre peuple à avancer dans tous les domaines de son propre développement ? Combien renforce -t-elle son prestige et son action dans le monde ? L'expérience ayant été faite, c'est dans quelques semaines que le peuple français en tirera la conclusion. Va-t-il maintenir ou détruire par ces suffrages un régime aussi évidemment salutaire et efficace que celui qu'il s'est lui-même donné ? C'est la question qu'il va trancher en désignant ses élus. Comment douter que grâce à sa réponse, l'avenir triomphera du passé. Françaises, français, vous le voyez au départ de l'année nouvelle les choses s'annoncent bien pour la France. Vive la République ! Vive la France !