Discours à la Faculté de Droit de Buenos Aires

05 octobre 1964
04m 11s
Réf. 00353

Notice

Résumé :

Du 20 septembre au 16 octobre 1964, le général de Gaulle effectue un voyage en Amérique latine. En Argentine, à la Faculté de Droit de Buenos Aires, il définit le rôle de l'enseignement.

Type de média :
Date de diffusion :
05 octobre 1964

Éclairage

Du 21 septembre au 16 octobre 1964, le général de Gaulle accomplit un triomphal voyage à travers toute l'Amérique latine, visitant successivement le Venezuela, la Colombie, l'Équateur, le Pérou, la Bolivie, le Chili, l'Argentine, le Paraguay, l'Uruguay et enfin, le Brésil (en mars 1964, il avait déjà rendu une visite officielle au Mexique). Pour le président français, il s'agit avant tout de créer des contacts avec cette autre Amérique, de lui prodiguer les mêmes encouragements d'indépendance qu'aux satellites de l'URSS, et d'inscrire ainsi la politique de la France comme une troisième alternative possible face au monde bipolaire. Les Etats-Unis, pour qui le continent américain tout entier est une " chasse gardée ", y voient quant à eux un nouvel affront - parmi d'autres - de la diplomatie française.

En Argentine, la situation politique se révèle être explosive. Dans ce pays secoué par d'incessants coups d'État militaires, le président en exercice est Arturo Illia, dont le premier acte politique fut de légaliser le péronisme (depuis 1955, le président Juan Perón, soutenu par une partie de la population, s'est réfugié à l'étranger), mais le mouvement ne va pas sans inquiéter le gouvernement en place. Et le dictateur exilé met le Général dans une situation inextricable lorsque celui-ci demande à ses défenseurs de " saluer de Gaulle comme ils le salueraient lui ". Ainsi, des manifestations - violemment réprimées par le pouvoir, notamment à Cordoue - éclatent-elles sur le parcours du président français.

Le document présente un extrait sonore du discours que le général de Gaulle prononce à l'université de Buenos-Aires le 5 octobre 1964, au terme de son voyage en Argentine. Sans jamais prononcer le nom de Perón, il encourage à résister à l'influence politico-culturelle américaine (alors que le régime du président Arturo Illia a lié son sort à celui des Etats-Unis) et refuse l'hégémonie soviétique présente à Cuba. Il encourage enfin à la coopération franco-argentine sous toutes ses formes.

Aude Vassallo

Transcription

Charles de Gaulle
J'ai parlé des conditions de la réussite nationale. La première est, évidemment, une affaire de capacité des personnes et des équipes. Sous l'impulsion de la science et la règle de la machine, la civilisation moderne change complètement la condition matérielle de l'homme. Mais il y faut un effort de recherche scientifique, un déploiement technique, une organisation économique qui imprègnent nécessairement l'enseignement, et avant tout, à son degré supérieur. Bien entendu, votre université adapte ses disciplines à mesure de cette transformation profonde. Mais comme rien ne procède que de l'esprit, et que celui que Dieu nous a donné forme un tout, vous vous gardez, à juste titre, de négliger les fondements mêmes de l'humanisme que sont la Philosophie, les Lettres et le Droit. A cet égard, celui qui a l'honneur de vous parler au nom des Français peut vous dire que vous leur ressemblez fort. Vous leur ressemblez aussi dans la mesure où vous entendez que le progrès collectif de votre pays soit le fait et le profit de chacun de ses enfants. Nul ne peut douter que cette condition sociale et nationale soit une condition capitale. Faute de la remplir, une nation, en effet, ne peut établir, chez elle, la paix élémentaire qui lui est indispensable. Bien pire, elle s'expose à servir de champ de bataille aux deux idéologies opposées, et par-là, de satellite à l'une ou à l'autre des hégémonies qui tendent à diriger l'univers. Si la France, pour son compte, s'applique, comme vous le savez, à associer à son oeuvre économique et à son développement scolaire toutes les catégories de ses citoyens, je pense qu'avec le concours de son université, l'Argentine en fait autant. Et puis, il me semble que vous, Argentins, vous nous ressemblez à nous, Français, quant à vos conceptions et quant à vos intentions relatives au monde où nous vivons. Ce qu'il advient de l'homme, son affranchissement de la misère, de la faim, de l'ignorance sous le signe de la liberté, de l'égalité, de la fraternité et grâce aux moyens énormes que notre époque met à la disposition de l'ensemble des Etats, voilà, n'est-il pas vrai, la condition internationale de la réussite de chaque nation ? La France pense que cela implique l'indépendance, le respect rigoureux de l'indépendance des moins forts par les plus puissants et que cela n'exclut pas, bien au contraire, l'aide contractuelle à apporter par ceux-ci à ceux-là.