Denis Llorca met en scène Les Possédés de Dostoïevski à Besançon
Notice
En 1982, Denis Llorca adapte et met en scène le roman Les Possédés, écrit par Dostoïevski en 1870. La création a lieu dans les nouveaux murs du CDN de Franche-Comté à Besançon. Plus de vingt comédiens interprètent, dans un espace éclaté, une trentaine de personnages. Interviews de Denis Llorca, également comédien, et de Maria Casarès, qui joue Varvara Stavroguine. Extraits du spectacle.
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Éclairage
Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski est un écrivain russe né en 1821 et mort en 1881. S'il n'a jamais écrit pour le théâtre, ses romans sont régulièrement adaptés pour la scène. Les Possédés (dont le titre traduit devrait être « Les Démons ») est un roman-fleuve écrit en 1870. Il suit, dans une ville russe de province, les agissements de jeunes révolutionnaires nihilistes. Le romancier dénonce l'aveuglement causé par toutes les idéologies.
Le roman avait déjà été adapté et mis en scène par Albert Camus au Théâtre Antoine ; le spectacle durait alors plus de trois heures. Cette adaptation a été ensuite reprise en 1972 dans une mise en scène de Jean Mercure au Théâtre de la Ville.
En 1982, Denis Llorca est nommé directeur du Centre Dramatique National de Franche-Comté à Besançon. Il fait rénover la Salle des fêtes du Casino et y installe son théâtre. C'est là qu'il représente, avec sa compagnie, sa propre adaptation des Possédés qu'il met en scène. Le spectacle dure huit heures ; il est représenté en deux parties ou en intégralité. Pour traduire la multiplicité des intrigues, des situations et des points de vue, il divise l'espace scénique dans sa profondeur : la scénographie de Jean-Paul Moye (également concepteur des lumières) installe sur scène une immense verrière permettant l'enchaînement rapide des scènes ou encore leur représentation simultanée. La musique d'Hervé Llorca et l'environnement sonore créé par André Serré renforcent cette impression de montage. Les costumes ont été dessinés par Gilles Rétoré. Du roman, l'adaptation a conservé une trentaine de personnages qui sont interprétés par une vingtaine de comédiens.
Au cours du reportage, Denis Llorca (qui joue également le rôle de Nicolas Stavroguine) évoque la multiplicité des formes et des thèmes au sein du roman. Sa mise en scène cherche à traduire la friction entre les dimensions romanesque, métaphysique et politique qui font se croiser les dizaines de figures à l'intérieur de cette petite ville. Interrogée à son tour, Maria Casarès (qui joue le rôle de Varvara Stavroguine, la mère de Nicolas) admire la façon dont Denis Llorca a su conserver la pluralité des destins enchevêtrés par le romancier.
Les trois extraits se rapportent à trois univers différents. Le premier extrait est une conversation entre Varvara Stavroguine, une riche veuve intellectuelle, et Stéphane Verkhovensky (interprété par Michel Vitold), un libéral qu'elle héberge depuis vingt ans et qui fut le précepteur de son fils. Le deuxième extrait est un dialogue entre Marie Chatov (jouée par Nada Strancar) et son mari Ivan Chatov (joué par Claude Brosset) : Marie porte l'enfant de Nicolas Stavroguine, un ancien camarade politique d'Ivan. Le troisième extrait est un débat philosophique entre Piotr Verkhovensky, fils de Stéphane et chef d'un petit groupe de révolutionnaires, et Kirilov (joué par Gérard Ortega) ; ce dernier personnage, qui veut se tuer parce qu'il ne croit plus en l'existence de Dieu, donnera son nom à l'un des chapitres du Mythe de Sisyphe écrit en 1942 par Albert Camus.
Accueilli la même année par le Festival d'Avignon, le spectacle sera présenté dans la Cour d'honneur du Palais des papes. Il sera notamment joué lors d'une représentation de huit heures se déroulant du coucher au lever du soleil.