Suréna de Corneille, mis en scène par Anne Delbée au Théâtre du Vieux-Colombier

11 mai 1998
02m 05s
Réf. 00282

Notice

Résumé :

Avec trois extraits du spectacle (acte II, scène 1, puis acte III, scène 3, puis fin de l'acte V, scène 5) alterne une interview d'Anne Delbée qui présente Suréna comme une image de l'incertitude de la jeunesse actuelle : pour elle, la pièce de Corneille possède une modernité et une universalité qui la rapprochent de la tragédie antique comme de la science-fiction.

Date de diffusion :
11 mai 1998
Source :
FR3 (Collection: Locale Paris )
Fiche CNT :

Éclairage

Avec Suréna, Corneille vieillissant écrit sa dernière tragédie, donnée en 1674 à l'Hôtel de Bourgogne, le grand théâtre officiel. L'échec de la pièce, qui fait suite à plusieurs déconvenues, le décidera à mettre fin définitivement à sa carrière de dramaturge. C'est pourtant, de toutes les pièces de Corneille, la plus en prise avec les réalités politiques de son temps : mettant en scène le lieutenant Suréna qui, après avoir rétabli le roi des Parthes sur son trône, se trouve en butte à l'ingratitude du souverain, la tragédie porte toute l'amertume d'une époque où le pouvoir royal cède à une logique d'autoritarisme et écrase toute manifestation d'héroïsme. Méditation sur le pouvoir et sur la mort, la pièce sonne comme un adieu de Corneille aux anciennes valeurs nobiliaires.

Dans sa mise en scène de Suréna, créée en 1998 au Théâtre du Vieux Colombier, Anne Delbée s'attache à souligner les implications politiques de la pièce de Corneille en opérant un travail de transposition : avant l'ouverture du rideau, une voix off lit l'oraison funèbre de Jean Moulin par André Malraux, et la pièce se termine sur l'air de « Bella ciao », le chant des partisans italiens, désignant ainsi clairement Suréna comme une figure de résistance à l'oppression. La présence d'une danseuse indienne et les attitudes physiques de Suréna, proches de celles d'un moine bouddhiste, font signe quant à elles vers une transcendance pure et universelle. La mise en scène a cependant décontenancé le public par sa complexité et son hermétisme.

Céline Candiard

Transcription

(Musique)
Journaliste
Le ton est surprenant, moderne même, Corneille n’aurait probablement pas imaginé sa pièce interprétée ainsi. Suréna, général des Parthes, une tragédie peu connue, révélée ici par une mise en scène originale. Un texte classique respecté à la lettre. Suréna, un personnage héroïque pris dans un destin tragique.
Anne Delbée
Il représente tout à fait ce que peut-être la jeunesse cherche à être. C'est-à-dire que c’est l’énigme de la jeunesse. Qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on va se laisser mourir ? Est-ce que la société est sans espoir ? Est-ce qu’au contraire, il y a un espoir et il faut absolument maintenir justement notre désir d’absolu. C’est pour ça que la pièce est passionnante aujourd'hui, parce que c’est vraiment un jeune en face de toute la politique désignée.
Journaliste
Un royaume vieillissant, une jeunesse qui s’éprend entre politique et amour, une tragédie résolument contemporaine mise en scène ici dans une Inde imaginaire, mystique et révolutionnaire.
Anne Delbée
J’ai effectivement voulu mélanger le monde de l’Occident qui est en train de finir, qui est en train de s’interroger sur son agonie ; et le monde, comme dit Malraux, l’Inde qui est l’Orient de notre âme, qui est peut-être le retour aux sources de quelque chose de mythique comme les tragédies antiques. Ce qui est étonnant chez Corneille, c’est que je trouve qu’il y a autant d’Antigone, c'est-à-dire de la tragédie antique qui nous appartient ; que de la tragédie moderne et de la science-fiction.
Journaliste
Une vision insolite d’un des plus grands auteurs classiques. A découvrir jusqu’au 7 juin, au théâtre du Vieux-Colombier.
(Musique)