Nicomède de Corneille, mis en scène par Brigitte Jaques-Wajeman
Notice
Extrait de la scène 1 de l'acte I, où la jeune reine d'Arménie Laodice (Raphaèle Bouchard) met en garde son bien-aimé Nicomède (Bertrand Suarez-Pazos) contre les menées dangereuses de sa belle-mère Arsinoé et l'assure de sa fidélité.
Éclairage
Pendant la période troublée de la Fronde, qui voit le pouvoir royal temporairement affaibli par les révoltes nobiliaires, Pierre Corneille fait représenter en février 1651 une tragédie tirée d'un récit de l'historien romain Justin : c'est encore à l'histoire romaine, après Horace, Cinna et Polyeucte, que Corneille emprunte le sujet de sa tragédie. Mettant en scène l'affrontement entre un prince héroïque et le pouvoir monarchique, la pièce résonne comme un commentaire ironique sur l'actualité politique. Si la fin heureuse que Corneille donne à sa tragédie laisse planer l'espoir d'une réconciliation, cependant la paix rétablie ne semble guère sincère et n'annule pas les nombreux calculs et les traîtrises qui ponctuent la pièce et modèrent la célébration de l'héroïsme. Corneille l'avouera cependant pour l'une de ses pièces préférées.
Avec sa mise en scène, créée en 2008 à la Comédie de Reims, Brigitte Jaques-Wajeman clôt son cycle de mises en scène (commencé avec La Mort de Pompée, Sophonisbe, Suréna et Sertorius) du « théâtre colonial » de Corneille, dont l'action décrit la politique impériale de Rome et les réactions des peuples dominés : à l'heure d'une mondialisation où les relations Nord-Sud ont atteint un stade explosif, la mise en scène de ce dernier volet a de profondes résonnances politiques. Le dispositif scénique, bi-frontal, renforce l'atmosphère d'affrontement qui s'impose dès le début de la pièce, et livre l'ensemble de l'action au regard du spectateur avec un effet de transparence. Pour accompagner l'héroïsme de Nicomède d'une jubilation triomphale, Brigitte Jaques-Wajeman n'hésite pas à créer de véritables moments de bouffonnerie et d'ironie cinglante, faisant valoir le projet particulier de Corneille, dont les tragédies visent à susciter l'admiration plutôt que l'effroi ou les larmes.