Bérénice de Racine, mis en scène par Antoine Vitez
Notice
Entrecoupée d'extraits du spectacles, tirés de la scène 3 de l'acte III et de la scène 5 de l'acte IV, une interview du metteur en scène Antoine Vitez analyse le jeu amoureux décrit par la pièce et l'incapacité des trois personnages principaux à se rejoindre.
Éclairage
En faisant jouer Bérénice à l'Hôtel de Bourgogne en 1670, Jean Racine déplace les limites de la tragédie : à l'encontre d'un Pierre Corneille pour qui seuls les périls de mort ou d'Etat sont de dignité suffisante pour donner lieu à un sujet tragique, Racine revendique pour principe fondamental du genre une « tristesse majestueuse » qui peut aussi bien découler d'un simple enjeu amoureux. C'est pourquoi il ose consacrer sa tragédie aux amours malheureuses de l'empereur Titus, de la reine de Syrie Bérénice et du prince Antiochus, tandis qu'au même moment Corneille présente au Théâtre du Palais-Royal sa pièce Tite et Bérénice, écrite sur le même sujet, comme une « comédie héroïque ». Couronnée de succès, la tragédie de Racine est alors en butte aux attaques du parti cornélien, qui lui reproche la faiblesse de son enjeu et tâche en vain de convaincre le public de la supériorité de la pièce de Corneille, qui connaît un accueil plutôt tiède.
Lorsqu'il met en scène Bérénice en 1980, Antoine Vitez semble se désintéresser de Titus, joué par le jeune Pierre Romans, au profit d'Antiochus, dont il assume lui-même le rôle face à la Bérénice de Madeleine Marion. La pièce est jouée en costumes du XVIIIe siècle comme pour souligner l'universalité de ce qui s'y joue. Pour Vitez, cette tragédie est celle des amours interdites d'une femme pour un homme dont tout la sépare, et de son impossibilité d'en aimer un autre dont tout la rapproche : Bérénice et Antiochus présentent d'ailleurs tout au long du spectacle un rapport d'étrange camaraderie amoureuse, tandis que Titus est un adolescent veule qui fuit. Ces personnages, qui se confondent avec le politique, ne songent jamais à y renoncer et leur douleur est d'autant plus déchirante qu'elle est, dès le début, lucide.
Voir Bérénice mis en scène par Klaus Michael Grüber (1984) et par Lambert Wilson (2008)