La Paix d'Aristophane à La Criée
Notice
Entrecoupée de plusieurs brefs extraits du spectacle, interview du metteur en scène Marcel Maréchal, qui compare la force comique d'Aristophane à celle d'un Rabelais et explique le travail de transposition qu'il a fallu effectuer pour inscrire la pièce dans le contexte contemporain. Il souligne également la poésie et l'universalisme de ce théâtre, qui exalte la vie et la fête.
- La Paix ( Aristophane - Auteur / Marcel Maréchal - Mise en scène)
Éclairage
Aristophane est un poète comique athénien dont les œuvres s'échelonnent des années 420 aux années 380 av. J.-C. Son théâtre, le principal représentant de ce qu'on appelle aujourd'hui la « Comédie Ancienne », opère une dérision généralisée des institutions et des personnes en vue de la cité (hommes politiques, magistrats, poètes, militaires...) et appelle à une paix favorable à la fête, à la jouissance et au théâtre. Contrairement à ce que les interprétations modernes de ses œuvres ont souvent laissé entendre, il ne s'agit pas véritablement d'un engagement politique personnel de la part d'Aristophane, mais plutôt d'une position logique de défense des intérêts du théâtre et des célébrations religieuses dont il fait partie.
Il n'est donc guère surprenant qu'Aristophane écrive La Paix en 422, au plus fort de la guerre entre Athéniens et Spartiates. La pièce, dont le chœur représente tous les peuples de la Grèce, tourne en dérision la guerre sous les traits du personnage allégorique Polemos et présente un fantasme de paix universelle, jouisseuse et festive, célébrée sous les traits d'une jolie fille sensuelle qui réunit toute la Grèce autour d'elle.
Marcel Maréchal, en présentant cette pièce au Théâtre de la Criée à Marseille en 1991, n'entend pas simplement honorer un répertoire deux fois millénaire : le choix de cette pièce, en pleine Guerre du Golfe, est aussi de sa part un acte militant en faveur de la paix. C'est pourquoi il ne s'est pas contenté d'utiliser la traduction très vivante de Victor-Henri Debidour, mais l'a adaptée avec soin au contexte contemporain afin de l'inscrire dans le quotidien des spectateurs. Une telle actualisation du théâtre d'Aristophane n'est pas isolée : on peut citer notamment l'adaptation féministe et pacifiste de Lysistrata proposée en 1968 par le dramaturge canadien Michel Tremblay en protestation contre la Guerre du Vietnam. Pour autant, Maréchal ne trahit pas l'esprit comique de la pièce, dont il cultive et accentue la drôlerie verbale par le recours à un jeu stylisé et masqué rappelant celui de la commedia dell'arte. Il revendique ainsi pour son spectacle une portée universelle qui dépasse les cas particuliers de l'actualité et célèbre les valeurs de la fête.