Roger Planchon monte Le Triomphe de l'amour de Marivaux
Notice
Roger Planchon monte Le Triomphe de l'amour et s'explique sur sa passion pour Marivaux. Extraits de la pièce et interview du metteur en scène.
Éclairage
Léonide, princesse héritière d'un trône contesté, entreprend de séduire Agis, légitime prétendant au pouvoir. Pour se faire aimer de lui et vaincre son tuteur philosophique, Hermocrate, Léonide se déguise en homme et tente d'approcher Agis en se faisant aimer de Léontine, la sœur d'Hermocrate. La mascarade est finalement découverte, mais Léonide, par un discours fort à propos, justifie devant tous la légitimité de son procédé, qui n'était guidé que par l'amour.
Roger Planchon crée Le Triomphe de l'amour au Théâtre National Populaire (Villeurbanne) en 1996. Le spectacle sera repris à l'Odéon, à Paris, la saison suivante. Dans l'extrait présenté ici, on voit notamment Planchon dans le rôle du philosophe Hermocrate, qui apparaît dans la pièce de Marivaux comme un penseur empli de sagesse et de mesure, capable de sentiments envers son prochain. L'extrait permet aussi d'observer plusieurs facettes du décor. Chez Marivaux, le lieu est unique, mais on voit que Planchon limite tantôt l'espace de jeu à l'avant-scène comme pour gagner en proximité avec le public dès qu'il s'agit d'exposer un discours moral ; alors qu'il ouvre l'espace pour les scènes « dans le jardin d'Hermocrate » où se jouent la mascarade et les intrigues amoureuses. La construction du décor et le jeu des acteurs, qui laisse clairement apparaître une sensualité exacerbée et des embrassades lesbiennes, donne un tout autre éclairage sur Marivaux, si on la compare à la mise en scène de Jean Vilar et au jeu beaucoup plus austère de Maria Casarès.
Cette lecture de Marivaux et le portrait de l'auteur que Planchon donne en interview mettent l'accent sur une dramaturgie qui se veut aussi le reflet des mœurs légères du XVIIIe siècle, partagées entre le retour à l'amour courtois, la conversation galante (le « marivaudage ») et le libertinage qui, rappelons-le, est aussi un mouvement de libération des corps, des carcans sociaux et des dogmatismes qui ont le vent en poupe au XVIIIe siècle. Planchon pointe aussi judicieusement l'influence de Marivaux sur les romanciers de son époque en évoquant Sade et Laclos, qui feront des femmes à la fois des objets sexuels et des croqueuses d'homme, des affranchies libres de disposer de leurs désirs et de dénoncer l'hypocrisie de certains codes sociaux alors que d'autres érigent la vertu en garante des bonnes mœurs.