Figaro, d'après Beaumarchais
Notice
Reportage autour de la diffusion de la saga d'un valet de comédie Figaro, d'après Beaumarchais, adaptée à la télévision en 2008 ; un téléfilm marquant le retour à la télévision d'Isabelle Adjani et avec dans les autres principaux rôles Francis Weber et Denis Podalydès.
Éclairage
Fresque retraçant, à partir de la trilogie théâtrale de Beaumarchais constituée par Le Barbier de Séville, Le Mariage de Figaro et La Mère coupable, les aventures de la famille Almaviva et de leur facétieux valet Figaro, d'abord à Séville, dans le château andalou d'Aguas-Frescas et enfin, vingt ans plus tard, à Paris, à l'heure de la Révolution.
Après le succès du Barbier de Séville (voir ce document), Beaumarchais, sur l'invite du prince de Conti, remet ses personnages sur l'écheveau et propose au public Le Mariage de Figaro dont le succès au théâtre de l'Odéon en 1784, après plusieurs années d'interdiction, sera retentissant. Dans son principe de composition, Le Mariage de Figaro est sans doute l'une des pièces les plus complexes de Beaumarchais. Divers fils situationnels, des affaires de mariage où l'on ne sait plus toujours qui doit épouser qui, des personnages secondaires nombreux pour ajouter au comique de situation, des saynètes qui se multiplient, des changements de décor... Beaumarchais, pour cette « folle journée » (qui représente un spectacle de près de 3 heures) n'économise pas sur les moyens d'amplifier toujours plus l'imbroglio. Comme il se plaît à le dire lui-même, l'auteur ne cesse de « tourniller dans des incidents impossibles ». L'argument de la pièce est en lui-même assez peu original, mais la comédie se teinte d'un tour politique avec la dénonciation des privilèges quelques peu archaïques dont la noblesse tend à abuser. Le Comte Almaviva est en effet montré comme un homme de peu de vertu cherchant à exercer son « droit de cuissage » sur les futures jeunes mariées de sa juridiction. La critique se poursuit avec le monologue de Figaro, à l'ouverture de l'acte V. Cette tirade est tout à fait étonnante pour l'époque, la comédie ne souffrant que très peu cette forme de prise de parole monolithique. Mais c'est l'occasion pour Beaumarchais de pointer les abus de pouvoir, la condition des auteurs sous l'Ancien Régime étouffés par la censure, de faire le point sur la situation dramatique et de recentrer sa pièce autour d'un personnage en dressant le parcours nomade et les déboires de Figaro à travers l'Espagne. Beaumarchais transgresse le stéréotype du valet de théâtre en le transformant en figure romanesque et en dressant à travers Figaro son propre portrait. Beaumarchais a lui aussi beaucoup voyagé, ses affaires de négociant, diverses démarches diplomatiques ou missions pour la Cour sous Louis XV et Louis XVI, l'ont amené à parcourir toute la France et une partie de l'Europe.
Le dernier volet de la saga Figaro, La Mère coupable, vient refermer la trilogie sur une note beaucoup plus amère. Ecrite entre 1792 et 1797, cette dernière pièce renoue avec le « genre sérieux » auquel Beaumarchais s'était attaché dans ses premières productions (Eugénie, Les Deux amis) et qui sont dans la veine des drames bourgeois de Diderot. Quand il fait jouer et publier La Mère coupable, Beaumarchais est passé par maints revers et succès, mais ses aventures personnelles vont petit à petit jeter le discrédit sur sa personne : enlisement judiciaire, incarcérations, pertes d'argent conséquentes suite à diverses intrigues diplomatiques et à « l'affaire des fusils », train de vie ostentatoire... à l'heure de la Révolution, et quand il écrit La Mère coupable, Beaumarchais est devenu un personnage public impopulaire, objet de toutes les calomnies. La pièce, comme son titre complet l'annonce (La Mère coupable ou l'autre Tartuffe), est une réécriture de Molière, mais elle s'appuie surtout sur la dénonciation satirique d'un avocat, Bergasse, dont le nom est à peine modifié dans la pièce, contre qui Beaumarchais entama un long procès de 8 ans lors de « l'affaire Kornman ». La pièce prend un tour nettement autobiographique et signale également l'entrée dans une nouvelle époque en rappelant l'agitation des temps révolutionnaires où la délation va bon train. Beaumarchais fait de Paris un lieu de perdition et de décadence pour la famille Almaviva : la noblesse espagnole a perdu sa superbe, Almaviva et les siens, en plus d'être exilés en France, sont presque devenus « des gens du commun ». Les Almaviva ne représentent plus une noblesse insouciante et volage comme dans Le Barbier et Le Mariage mais deviennent l'archétype de la famille bourgeoise, déchirée par des conflits d'intérêts et en prise avec son temps : affaires d'argent, amours contrariés, aveuglement symbolique des personnages, reconnaissance de l'enfant illégitime, question de la transmission du patrimoine familial, émergence de nouvelles idées politiques.