Ondine de Jean Giraudoux, mise en scène de Raymond Rouleau à la Comédie-Française

27 avril 1974
02m 12s
Réf. 00460

Notice

Résumé :

Extrait d'Ondine de Jean Giraudoux, dans une mise en scène de Raymond Rouleau à la Comédie-Française en 1974.

Date de diffusion :
27 avril 1974
Source :

Éclairage

C'est en 1939 que Jean Giraudoux écrit la onzième pièce de son œuvre dramatique, Ondine. Il s'agit d'une commande amicale passée à l'écrivain par Louis Jouvet et Madeleine Ozeray. Cette dernière, peu satisfaite du rôle d'Agathe dans l'Électre du même auteur montée en 1937 par Jouvet, et qui rêve d'incarner une héroïne à sa mesure, suggère à Giraudoux d'adapter Ondine, un conte de Frédéric de la Motte-Fouqué, écrivain romantique allemand qui le publia en 1811. Épris de culture allemande, à laquelle il a autrefois envisagé de se consacrer, Giraudoux maîtrise parfaitement les sources littéraires du sujet et partage avec la Motte-Fouqué le goût pour un univers merveilleux peuplé d'êtres fantastiques, et pour le genre du conte. Cependant, l'époque ne se prête guère aux rapprochements franco-allemands, et Giraudoux va signer avec cette œuvre ses adieux à l'âme germanique.

On comprend ainsi la torsion que Giraudoux fait subir au texte original. Délaissant le pittoresque du monde des ondines, dont les pouvoirs magiques ne sont plus que discrètement évoqués dans la pièce, il resserre l'intrigue autour du couple Ondine-Hans. Comme toujours dans son théâtre, le propos se fait parabole, l'histoire de Hans et Ondine s'universalise et devient le drame du couple humain, et de l'impossible coexistence de deux sexes et de deux cultures. Aussi n'est-il pas étonnant que la rencontre entre les deux personnages provoque, quasi simultanément, un coup de foudre et une scène de ménage. Issue de la nature et de l'eau, Ondine éclate de colère en apprenant que Hans a demandé à manger une truite au bleu, et la jette par la fenêtre. L'extrait, tiré de la scène 5 de l'acte I, montre la réconciliation des deux amants bientôt unis par une même passion et mariés.

Pourtant le chevalier que Giraudoux met en scène sous les traits de Hans est une figure dégradée du conte traditionnel. Soucieux de son confort et bavard, il se montre attaché à ses intérêts et incapable de fidélité envers Ondine, qui incarne la pureté face à la compromission, l'idéalité face au matérialisme, la grâce face à la faiblesse, la clarté face à l'opacité, le rêve face à la réalité. Or Ondine est tenue par le pacte qu'elle a contracté avec le roi des ondins, qui stipule que si Hans la trompe, il mourra, tandis qu'elle perdra tout souvenir de leur amour. Pour sauver Hans, Ondine s'accuse d'adultère. Mais la vérité se fait bientôt jour, et les deux amants se perdent au moment même où Hans prend conscience de l'amour profond qu'il portait à Ondine.

Ondine est créée par Louis Jouvet au Théâtre de l'Athénée en 1939, dans une mise en scène somptueuse pour laquelle il engage d'énormes frais. Car, comme pour pallier le pessimisme de la pièce, Giraudoux a ressuscité au théâtre la féérie, genre si prisé au XIXe siècle et méprisé depuis. Jouvet lui-même joue le rôle de Hans, aux côtés de Madeleine Ozeray, puis de Dominique Blanchar lors de la reprise de 49. La pièce obtient un immense succès, contrepoint chatoyant d'une époque menaçante. Lorsque Raymond Rouleau met à son tour la pièce en scène, à la Comédie-Française en 1974, la distribution n'est pas moins brillante, ni le succès moins grand. Sur le plateau sont réunis Geneviève Casile, Michel Duchaussoy, François Chaumette, autour du chevalier interprété par Jean-Luc Boutté, et d'Ondine jouée par Isabelle Adjani. Le couple formé par les deux comédiens, irradiants de jeunesse et de talent, a fait de cette mise en scène un spectacle marquant dans l'histoire du théâtre.

Marion Chénetier-Alev

Transcription

(Musique)
Isabelle Adjani
Moi, on m’appelle Ondine.
Jean-Luc Boutté
C’est un joli nom.
Isabelle Adjani
Hans et Ondine, c’est ce qu’il y a de plus joli comme noms au monde n’est-ce pas ?
Jean-Luc Boutté
Ou, Ondine et Hans.
Isabelle Adjani
Oh non ! Hans d’abord, c’est le garçon. Il passe le premier, il commande, Ondine est la fille, elle est un peu en arrière. Elle se tait.
Jean-Luc Boutté
Elle se tait ! Comment diable s’y prend-elle ?
Isabelle Adjani
Hans la précède partout d’un pas, aux cérémonies, chez le roi, dans la vieillesse. Hans meurt le premier. Ah, aha, c’est horrible, mais Ondine le rattrape vite, elle se tue.
Jean-Luc Boutté
Que racontes-tu là ?
Isabelle Adjani
Il y a un petit moment affreux à passer. La minute qui suit la mort de Hans, mais ce n’est pas long.
Jean-Luc Boutté
Heureusement cela n’engage à rien de parler de la mort à ton âge.
Isabelle Adjani
A mon âge ? Tuez-vous pour voir, vous verrez si je ne me tue pas.
Jean-Luc Boutté
Jamais je n’ai eu moins envie de me tuer.
Isabelle Adjani
Dites-moi que vous ne m’aimez pas, vous verrez si je ne me tue pas.
Jean-Luc Boutté
Tu m’ignorais voilà un quart d’heure et tu veux mourir pour moi ! Je nous croyais brouillés à cause de la truite.
Isabelle Adjani
Haha, tant pis pour la truite, c’est un peu bête les truites ! Elle n’avait qu’à éviter les hommes si elle ne voulait pas être prise. Moi aussi je suis bête, moi aussi je suis prise.