Le Barbier de Séville de Beaumarchais
Notice
Reportage sur les répétitions du Barbier de Séville de Beaumarchais par Jean-Luc Boutté à la Comédie-Française, avec une interview des acteurs.
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Éclairage
Le Barbier de Séville est le premier volet d'une trilogie, auquel suivent une autre comédie Le Mariage de Figaro, et un drame à la façon de Diderot, La Mère coupable. Le vieux Bartholo garde jalousement sous tutelle la jeune Rosine, dans l'idée de l'épouser : cloîtrée hors de la vue du monde, la belle peut tout juste se mettre au balcon, à condition de rester sous la surveillance de son tuteur. Mais le Comte Almaviva, six mois plus tôt, l'a entraperçue au Prado, à Madrid, est tombé amoureux, et entreprend une cour assidue auprès de Rosine. Le malicieux Figaro l'assistera dans cette entreprise et au gré de divers rebondissements et mascarades, le Comte obtiendra la main de la jeune femme.
L'essentiel de l'intrigue est imité du Diable boiteux de Lesage et de l'opéra comique de Sedaine On ne s'avise jamais de tout. En 1772, la première idée de Beaumarchais était de composer un opéra-comique, une pièce avec des couplets chantés, comme c'était alors la mode dans le théâtre italien et espagnol. Beaumarchais, après s'être vu refusé au « théâtre des chansons » des Italiens, revoit sa copie, transforme son livret en une comédie en quatre actes, et propose sa pièce à la Comédie-Française, qui sera créée en 1775. La bonne fortune du Barbier de Séville, depuis le XVIIIe siècle, tient sans doute en grande partie à la qualité d'un texte composé avec les mêmes subtilités rythmiques qu'un livret d'opéra-comique, et dont l'ensemble, même s'il est « arrangé dans le goût français », sait conserver tout le charme, pour les contemporains de Beaumarchais et pour nous encore aujourd'hui, du pittoresque ibérique, qui donne un aspect assez exotique à cette pièce. L'extrait présenté ici et les choix de mise en scène de Jean-Luc Boutté, renouent avec la tradition de l'opéra-comique chère à Beaumarchais en accordant une place prépondérante aux couplets chantés, pour donner de l'allant à la représentation.
Beaumarchais montre dans son théâtre une grande maîtrise des ficelles de l'imbroglio et il sait de plus reprendre avec subtilité les caractères stéréotypés de la comédie (l'amant jaloux, le vieux barbon, la jeune fille pas si innocente, le valet maître du jeu). On retrouve dans Le Barbier toutes les recettes du théâtre comique, mais la manipulation du fil de l'action, les accidents et les rebondissements, la finesse des dialogues, offrent des combinaisons tout à fait surprenantes et piquantes. L'intensité et le succès du Barbier vient notamment du fait que Beaumarchais choisit de mettre au premier plan un valet de comédie : Figaro n'est pas que le plus rusé, c'est lui qui agit en démiurge sur le déroulement de l'action dont on croit toujours voir venir le paroxysme avant d'être trompé par une nouvelle péripétie jusqu'au dénouement final. La grande réussite de Beaumarchais n'est pas tant d'avoir repris pour lui les schémas dramatiques conventionnels issus des modèles italiens ou espagnols, mais d'avoir su assaisonner son dialogue de traits satiriques qui ont fait grincer des dents la censure d'alors.