Elvire Jouvet 40 de Brigitte Jaques

18 novembre 1987
01m 39s
Réf. 00436

Notice

Éclairage

Le Théâtre de l'Athénée est construit en 1864, un premier bâtiment est édifié rue Scribe. Il connaît plusieurs succès, dans le domaine de la comédie (notamment du vaudeville) et du théâtre lyrique (plusieurs opérettes y sont montées). Jusqu'en 1883, le théâtre change plusieurs fois de directeur mais jamais de propriétaire. Cette année, il ferme définitivement, le loyer ayant doublé et les voisins se plaignant du bruit.

En 1893, Victor Koning fait construire une nouvelle salle, à l'actuel emplacement du théâtre de l'Athénée-Louis Jouvet. En 1896 est construite la façade telle que nous la connaissons encore aujourd'hui.

Après une période instable, Abel Deval dirige le théâtre de 1899 à 1915. Par la suite, même s'il n'est plus directeur, il reste le locataire principal. Il sous-loue sa salle à Louis Jouvet en 1934 qui décide de s'y installer avec sa troupe. Dès 1935, Jouvet monte Giraudoux (La Guerre de Troie n'aura pas lieu), c'est le début d'une fructueuse collaboration. Dès son arrivée à l'Athénée, Louis Jouvet commence aussi sa relecture des pièces de Molière qui lui apporteront non seulement un succès critique mais aussi public. Pendant la guerre, il part en tournée et revient dès 1945. En 1951, il repart dans une tournée internationale et laisse libre, pendant ce temps, son théâtre à d'autres troupes issues de la décentralisation (CD de l'est, CD de l'ouest, Le Grenier de Toulouse). Jouvet meurt cette même année, dans son théâtre.

La mise en scène de Brigitte Jaques évoque la période où Louis Jouvet est installé au Théâtre de l'Athénée, marquant durablement ce lieu de son empreinte, au point qu'il porte aujourd'hui son nom. Avec ce spectacle, la metteur en scène choisit d'évoquer le pédagogue qu'était Louis Jouvet. La pièce est conçue sur les sténographies que Louis Jouvet, alors professeur au Conservatoire, faisait prendre de ses cours. Elle revient sur sept leçons données en 1940 durant lesquelles Jouvet enseigne à une élève de troisième année une unique scène du Dom Juan de Molière (Les adieux d'Elvire, acte IV, scène 6). D'origine juive, la jeune femme, appelée Claudia (Paula Dehelly de son vrai nom) est dénoncée et interdite de scène sous l'Occupation. Les leçons qui ont lieu au tout début de l'Occupation sont en filigrane traversées par cette période de l'Histoire. En outre, le spectacle de Brigitte Jacques met en valeur les questions de Jouvet sur le métier de comédien qui était au centre de ses réflexions. Il montre l'apport essentiel de Jouvet en ce qui concerne le travail de l'acteur. Elvire-Jouvet 40 d'abord créé au Théâtre National de Strasbourg en 1986 et repris la même année au Théâtre de l'Athénée, où il acquiert une forte résonance, le théâtre ayant été celui de Jouvet jusqu'à sa mort.

Ce spectacle est aussi emblématique des mutations de ce théâtre, puisque jusqu'en 1982, l'Athénée Théâtre était une institution privée. Dirigé de 1977 à 1982 par Pierre Bergé, ce dernier en offre la tutelle au Ministère de la Culture et de la Communication. Pendant un temps, le théâtre va alors accueillir les compagnies subventionnées et notamment les jeunes metteurs en scène parmi lesquels Daniel Mesguich, Alain Françon et bien sûr Brigitte Jaques.

Marie-Aude Hemmerlé

Transcription

Philippe Clévenot
Qu’est-ce que tu en penses ?
Maria (de) Medeiros
Je sens que ça doit être ennuyeux pour vous. Moi je suis bien, je suis dans un état agréable quand je donne ça.
Philippe Clévenot
Vous écoutez bien ce qu’elle vient de dire, je suis dans un état agréable quand je donne ça. Ça te fait plaisir ?
Maria (de) Medeiros
Il me semble que je suis dans l’état où Elvire doit être !
Philippe Clévenot
Je puis vous donner une indication qui est capitale chaque fois que vous éprouvez ce sentiment qu’une chose vous est facile. Je parle d’une chose obtenue sans effort, ce n’est pas bon. L’exécution d’un rôle, quel qu’il soit, comporte toujours quelque chose de pénible, de douloureux. Quelque chose à quoi l’effort doit participer sinon il manque quelque chose. Une exécution comporte toujours un effort, alors tu vois, tu aurais dû te méfier. Tu remarques que ce que tu fais est bien mais qu’est-ce qu’on peut te reprocher ?
Comédien 2
Elle se laisse aller un peu à la musique du texte ?
Philippe Clévenot
C’est juste, quoi encore ?
Comédien 3
J’ai l’impression qu’elle manque un petit peu de présence vis-à-vis de Dom Juan et que Dom Juan peut n’en être pas touché parce qu’elle est trop éloignée.
Philippe Clévenot
De présence tout simplement dans ce qu’elle fait, il manque la présence par rapport au public. Ce n’est pas convaincant, cela ne touche pas, cela ne passe pas la rampe et c’est parce que tu es si confortable dedans que cela ne passe pas la rampe. Quand tu dis un texte avec le sentiment de le dire juste, mais en pensant, j’éprouve un sentiment agréable, je suis dans un sentiment juste, le texte passe bien dans ma bouche, je respire bien et cetera, tu ne fais pas d’effort.