La Noce chez les petits bourgeois, mise en scène de Jean-Pierre Vincent et Jean Jourdheuil

12 octobre 1975
03m 55s
Réf. 00442

Notice

Résumé :

En 1974, Jean-Pierre Vincent et Jean Jourdheuil présentent La Noce chez les petits bourgeois, de Bertolt Brecht, au Théâtre de l'Espérance. Extrait du spectacle.

Date de diffusion :
12 octobre 1975

Éclairage

La Noce chez les petits bourgeois est une œuvre de jeunesse de Brecht. Pièce en un acte, elle fut écrite dès 1919, mais ne parut pas avant 1961. Comme l'expliquent Jean-Pierre Vincent et Jean Jourdheuil qui décident de créer cette pièce en France en 1968, au Théâtre de Bourgogne, « Brecht, dans ses toutes premières pièces, est allé chercher son inspiration du côté de la comédie bavaroise, telle qu'elle était pratiquée par Karl Valentin. » [1] Sur un motif unique, celui du repas de noce, Brecht développe une séquence aussi sanglante que désopilante qui tient à la fois de la critique sociale et du jeu de massacre. Autour d'un couple qui a attendu cinq mois pour se marier, parce que le marié tenait à construire lui-même tous les meubles du foyer, allant jusqu'à confectionner la colle, le repas de noce réunit quelques parents et amis qui vont se livrer à un règlement de compte méthodique, et à toutes les infractions vis-à-vis des codes de la morale, de la décence, de la civilité, de l'amour et de l'amitié. Un à un, tous les éléments du mobilier vont se disloquer, tandis que la façade sociale se lézardera. L'extrait présenté dans le document montre la fin de la pièce : les « convives » sont partis, laissant un champ de ruines. Le marié tire la mariée vers le lit nuptial, qui s'effondrera à son tour.

La Noce chez les petits bourgeois fait ainsi découvrir le Brecht d'avant les grandes œuvres du théâtre épique, et un dramaturge qui a déjà saisi quel potentiel comique et dramatique recèle le tout récent art cinématographique. Son œuvre fait en effet irrésistiblement penser au film de Buster Keaton, La maison démontable (1920), où l'on voit un couple de jeunes époux s'installer dans une maison livrée en pièces détachées que le marié entreprend d'assembler, mais qui finit par s'écrouler après le repas de noces. On songe d'ailleurs à tout ce courant de films muets américains, aux gags de Chaplin comme à ceux de Laurel et Hardy. Cet aspect visuel et grotesque, essentiel dans la pièce de Brecht, ressort nettement de la mise en scène de Vincent et Jourdheuil, par l'emploi du cadre de scène resserré, des couleurs présentes à la fois dans la scénographie et dans les maquillages, et des nez postiches qui stylisent le jeu tout en l'imprégnant d'une esthétique expressionniste. Ce parti pris de mise en scène contribue ainsi à éloigner l'interprétation des personnages d'une approche trop réaliste ou trop psychologique, et maintient le spectacle dans l'esprit du cabaret.

La Noce chez les petits bourgeois fut représentée pour la première fois en décembre 1926 à Francfort, dans une mise en scène de Melchior Vischer. Après avoir monté la pièce au Théâtre de Bourgogne en 1968, Jean-Pierre Vincent et Jean Jourdheuil la reprirent à Paris, d'abord au Cyrano-Théâtre, en 1973, avec Jany Gastaldi et René-Marie Feret dans les rôles principaux, puis au Théâtre de la Ville, en 1974, avec Jean-Pierre Malo et Michèle Foucher. C'est un extrait de cette dernière reprise, filmée en direct lors d'une tournée au TNS de Strasbourg, que l'on peut voir ici

[1] Jean-Pierre Vincent et Jean Jourdheuil, « Le Théâtre de l'Espérance », Travail théâtral n°16, Lausanne, La Cité Éditeur, 1974.

Marion Chénetier-Alev

Transcription

Jean-Pierre Malo
Ça aurait pu être pire.
Michèle Foucher
Avec l’ami que tu nous as amené.
Jean-Pierre Malo
Et toi avec ta tribu.
Michèle Foucher
Faut-il vraiment qu’on se dispute toujours ?
Jean-Pierre Malo
Non, après tout, c’est notre nuit de noce.
Michèle Foucher
Notre nuit de noce.
(Bruit)
Michèle Foucher
Elle est bien bonne notre nuit de noce.
Jean-Pierre Malo
C’est toujours ça de pris, pourquoi pas ? A la tienne, à la tienne, hey, doucement.
(Bruit)
Journaliste
Qu’elle était indécente la chanson, il a rossé la bascule. Vous êtes tous pareils, sur les marches de l’escalier. Ha ha ha.
Jean-Pierre Malo
Et les histoires du père.
Michèle Foucher
Et ma petite sœur dans le couloir, à crever de rire !
Jean-Pierre Malo
Et la grosse, la grosse qui a failli se retrouver par terre.
Michèle Foucher
Et ce qui s’est passé quand l’armoire ne voulait pas s’ouvrir.
Jean-Pierre Malo
Au moins, ils ont pas pu voir ce qu’il y avait dedans.
Michèle Foucher
Une chance qu’ils soient partis !
Jean-Pierre Malo
Tout ce qu’ils savent faire c’est du tapage et des saletés.
Michèle Foucher
On est tous les deux, ça suffit bien.
Jean-Pierre Malo
Enfin, seuls !
Michèle Foucher
Oh, avec cette veste, ce que t’es moche !
(Bruit)
Jean-Pierre Malo
C’est la nuit de noces. Ha ha ha. Et toi avec ta robe de mariée.
Michèle Foucher
Han, elle est fichue.
Jean-Pierre Malo
Ça, ça m’est égal.
Michèle Foucher
Ah, ce que t’es violent.
Jean-Pierre Malo
Ce que tu me plais. Ta poitrine, ta poitrine blanche.
Michèle Foucher
Aïe, tu me fais mal.
Jean-Pierre Malo
Allez viens, allez viens, allez viens !
Michèle Foucher
Aïe.