Les 30 ans du Piccolo Teatro fêtés avec Arlequin

14 octobre 1977
03m 11s
Réf. 00471

Notice

Résumé :

Le journal télévisé présente un reportage sur la troupe du Piccolo Teatro de Milan qui fête ses trente ans d'existence au Théâtre de l'Odéon. Il s'ouvre sur un extrait de la représentation d'Arlequin, serviteur de deux maîtres de Carlo Goldoni. La journaliste interroge Nico Pepe (Pantalon) puis se superpose une scène du spectacle entre Arlequin et Brighella. Suit une interview de Ferruccio Soleri (Arlequin). On enchaîne avec le lazzo du gâteau en gelée.

Date de diffusion :
14 octobre 1977
Source :
TF1 (Collection: IT1 20H )
Fiche CNT :

Éclairage

Arlequin, serviteur de deux maîtres (Arlecchino servitore di due padroni) de l'auteur dramatique vénitien Carlo Goldoni (1707-1793) est emblématique tant au niveau de la Commedia dell'arte que du Piccolo Teatro de Milan et de son directeur-metteur en scène, Giorgio Strehler.

Du temps de Goldoni, la Commedia dell'arte est un art sur le déclin, en perte de vitesse, principalement par manque d'acteurs capable d'improviser à partir des canevas (textes très courts, simples, réduits à la description de l'action). Le passage d'une génération à une autre se réalise moins aisément et les représentations s'appauvrissent. C'est dans ce contexte, en 1745, qu'un homme de théâtre comme Carlo Goldoni va écrire l'Arlequin serviteur de deux maîtres qui montre les aventures d'Arlequin (Truffaldin) qui tente, par cupidité d'être le serviteur de deux maîtres différents (et donc de recevoir deux fois ses gages), et se trouve mêlé à une intrigue amoureuse. A partir d'un canevas préexistant (et à la demande du talentueux Arlequin, Antonio Sacchi, 1708-1788), il va poser sur le papier ce qui restait auparavant à la discrétion des acteurs : les dialogues sont donc ici entièrement écrits, comme une partie des jeux de scène – du moins, dans certaines scènes, de nombreuses didascalies indiquent les déplacements et les actions physiques des personnages. Il s'agit donc d'une pièce charnière, entre la tradition d'improvisation de la Commedia dell'arte, qui tend alors à disparaître, et une comédie réformée, au texte plus soigné et développé, mais toujours empreinte des spécificités de la Commedia dell'arte (personnages, situations...).

Ce reportage a aussi une grande valeur de témoignage du Piccolo Teatro de Milan, fondé et dirigé par le metteur en scène Giorgio Strehler (en étroite collaboration avec Paolo Grassi jusqu'en 1969).

Tout d'abord, Arlequin, serviteur de deux maîtres est devenu le spectacle emblématique du Piccolo Teatro : présent dès la première saison du Piccolo, il a dépassé les 2600 représentations, dans 200 villes et dans près de 40 pays. Giorgio Strehler retravaillera régulièrement sa mise en scène. Le spectacle est devenu une sorte de porte-drapeau du Piccolo, dans la mesure où il est le symbole de l'excellence et de la cohésion de la troupe, le sublime manifeste d'une tentative de recréation d'une technique actoriale ancienne, presque perdue : Strehler et le Piccolo ont su réinventer la scène moderne en se réappropriant une technique ancienne. Enfin, toujours retravaillé, il a été le « spectacle-témoin » de l'évolution esthétique de Giorgio Strehler, tout au long des 50 ans de création.

Si nombre de comédiens de la troupe se sont succédés dans les différents rôles de la pièce, Gianfranco Mauri y interprète presque systématiquement le rôle de Brighella depuis 1956 – devenant une véritable mémoire vivante de ce spectacle et de ce fait l'assistant à la mise en scène de Strehler pour les reprises – et seulement deux acteurs se sont succédés dans le rôle d'Arlequin : Marcello Moretti et surtout Ferruccio Soleri. Ce dernier, en effet, a joué Arlequin 2064 fois (février 2011) depuis sa prise de rôle en 1963. A 81 ans, il tient encore son rôle !

Ensuite, l'extrait donne à voir les acteurs en pleine action théâtrale et surtout Ferruccio Soleri. On peut ainsi mesurer par ces quelques scènes le travail du masque, qui est avant tout une construction physique. Il faut donner un corps au masque – puis une voix, bien sûr. On entraperçoit également la façon dont les corps des acteurs se répondent et interagissent (scène Arlequin-Brighella). Giorgio Strehler et ses comédiens nous montrent ce que c'est que de jouer ensemble. Mais on nous donne aussi à voir l'extrait d'une scène très importante : celle d'Arlequin avec le gâteau en gelée. Cette scène est directement héritée d'une tradition de jeu de la Commedia dell'arte : les lazzi. Un lazzo est une scène comique improvisée qui vient s'intercaler entre deux scènes du canevas. Parlée ou muette, c'est une sorte de pause au sein de la fable, donnant la part belle au comique de situation et permettant souvent au comédien de prouver sa dextérité et sa souplesse physique. Les lazzi sont ainsi liés à la notion de performance.

Observons la scénographie : Strehler reprend le tréteau emblématique de la commedia dell'arte qui sert d'aire de jeu – dès que les comédiens descendent de ce tréteau ils cessent de jouer leur rôle, alors qu'ils sont encore visibles pour les spectateurs. Ce simple tréteau symbolise également le retour à l'essentiel du théâtre, dans sa simplicité : le metteur en scène français Jacques Copeau, au début du XXe siècle, réclamera aussi ce retour au tréteau nu pour réformer la scène française. C'est un retour aux sources mythiques du théâtre, cristallisant les désirs de réforme et de renouveau de la scène.

Anne-Laetitia Garcia

Transcription

Journaliste
Le célèbre Piccolo Teatro de Milan, dirigé par Strehler et sa non moins célèbre Commedia Dell’arte, fête à Paris les trente ans de sa création. Actuellement à l’Odéon théâtre de France, succès fabuleux comme toujours. A Milan, le Piccolo Teatro, est, comme son nom l’indique, un tout petit théâtre, 600 places, mais sa réputation est tellement grande qu’il a déjà visité 427 villes, donné près de 10 000 représentations, monté 163 spectacles avec 900 comédiens, en tout, et il a rendu - qui dit mieux - 6 millions de spectateurs heureux. Pour fêter ses trente ans d’amour de théâtre, Nicole Brisse est allée à Milan passer une journée avec Arlequin, Pantaleone, et leur joyeux compères.
Comédien
Eeehhh,
Comédiens
Oooléééé.
Comédien
Eeehhh,
Comédiens
Oooléééé.
Journaliste
Pantaleone est immortel, la Commedia Dell’arte aussi. Quel est son secret ?
Nico Pepe
Son secret c’est je pense, l’esprit du jeu des acteurs. C’est un jeu qui est toujours nouveau.
Comédien
(Italien)
Journaliste
Vous avez joué, vous-même Pantaleone plus de plus de mille fois. Et je vous ai vu aux répétitions. C’est comme si vous ne l’aviez pas encore joué.
Nico Pepe
Et oui, vous ne voyez pas que c’est…, ils sont des personnages, des masques. Ils sont des personnages très complexes. Je vous dis une chose, pas tous les acteurs peuvent jouer le masque. Les masques c’est quelque chose qui va commander sur l’acteur. Et on n’arrive jamais à compléter tout ce que le masque veut. Et il faut annuler complètement l’acteur, et faire sortir seulement le masque.
Comédiens
(Italien)
Ferruccio Soleri
C’est un arlequin traditionnel. Alors je peux pas beaucoup faire des changements dans les caractères, dans le rôle de l’arlequin parce que c’est un arlequin de tradition. Et qui est l’arlequin aujourd’hui.
Comédien
Ah, ah tikatikatika. (Italien).
Journaliste
Au théâtre de l’Odéon, cette semaine comme il y a trente ans à Milan, le public a été heureux. C’est un véritable sentiment de bonheur. Le Piccolo, un théâtre d’une perfection jamais démentie.
(Bruit)