Giorgio Strehler à propos de La Cerisaie de Tchekhov
Notice
En 1976, le Théâtre National de l'Odéon accueille Il Giardino dei ciliegi (La Cerisaie) de Tchekhov, mis en scène par Giorgio Strehler et interprété par les comédiens du Piccolo Teatro de Milan. La création met en avant les thèmes du deuil et de l'enfance. Lors d'un entretien, le metteur en scène évoque la force des classiques ainsi que son engagement artistique. Extraits du spectacle.
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Éclairage
En 1976, le Théâtre National de l'Odéon accueille trois mises en scène en langue italienne de Giorgio Strehler, directeur du Piccolo Teatro de Milan : Io, Bertolt Brecht (montage de textes de Bertolt Brecht), Il Campiello de Goldoni et Il Giardino dei ciliegi (La Cerisaie) de Tchekhov.
Ecrite en 1904, La Cerisaie est la dernière pièce de Tchekhov, qui meurt la même année. Elle relate la ruine et le déclin de la noblesse russe au début du XXe siècle, tandis que prospère l'économie capitaliste et que s'élèvent les premiers cris de la révolution. Lioubov Andréevna revient entre les murs de la maison familiale, attachée à une cerisaie. Y retrouvant famille et amis, elle cherche un moyen de sauver le domaine de sa propre faillite.
La mise en scène de Giorgio Strehler fut représentée initialement à Milan en 1974. Sa scénographie et ses éclairages furent conçus par Luciano Damiani. L'ensemble de l'espace théâtral est englobé par la cerisaie : la présence physique de celle-ci est symbolisée par un gigantesque voile transparent et mouvant, recouvert de feuilles mortes, surplombant la salle et la scène. L'ensemble du décor et les costumes sont blancs, évoquant paradoxalement le deuil comme la renaissance. La mise en scène met en avant les thèmes de l'enfance et de la nostalgie. Le reportage, diffusé lors du journal de 13h (TF1) du 27 septembre 1976, offre deux extraits représentatifs de cette interprétation. Le premier est issu du premier acte. L'action se passe dans « la chambre des enfants ». Gaev (interprété par Gianni Santuccio) heurte l'armoire centenaire dont il faisait l'éloge. Le meuble s'ouvre et déverse tout son contenu, à savoir une multitude de jouets ayant probablement appartenu au fils décédé de Lioubov Andréevna (interprétée par Valentina Cortese). Le second extrait est issu du quatrième et dernier acte. La cerisaie, rachetée par Lopakhine (interprété par Franco Graziosi), est sur le point d'être quittée par ses anciens propriétaires. Les meubles restant ont été recouverts. Les personnages font enfin face à leur histoire individuelle. Lioubov dit adieu à la maison de ses souvenirs. Insistant sur la force des symboles, la création repose néanmoins sur une lecture pluridimensionnelle de la pièce. Le metteur en scène illustre sa démarche en prenant l'image de « trois boîtes (...) l'une dans l'autre encastrées », représentant respectivement le réalisme, l'Histoire et la métaphysique.
Lors de l'entretien, Giorgio Strehler évoque la contemporanéité des « classiques » et la façon dont ces textes échappent à tout cadre historique. Il revient également sur son propre engagement qu'il définit comme esthétique et poétique.