Les Rustres, mis en scène par Jean Vilar
Notice
Lors du Festival d'Avignon de 1961, Paul-Louis Mignon interroge Jean Vilar sur Les Rustres. Il introduit la pièce de Goldoni en soulignant le thème central de la pièce selon lui : l'autorité maritale. Un court extrait de la pièce avec Michel Galabru, Geneviève Brunet et Paule Noëlle, dans lequel Lunardo (Galabru), houspillant sa femme et sa fille, fait montre d'une autorité tyrannique.
Éclairage
Cet extrait a plusieurs intérêts.
Il montre d'abord que l'auteur dramatique vénitien Carlo Goldoni (1707-1793) ne se résume pas au seul genre de la Commedia dell'arte, même s'il va en écrire les ultimes pages. Il écrit ainsi nombre de tragédies, de tragi-comédies et même des livrets d'opéra. Cependant la veine comique semble chez lui prédominante (près de 120 comédies, près de 35 livrets d'opéras bouffes). Les Rustres, créée en 1760, est une comédie qui se construit davantage sur le modèle de la comédie de Molière : le point de départ de la fable est un trait de caractère négatif que l'auteur veut dénoncer et ce défaut va être à l'origine des péripéties qui construisent l'action. Ici est dénoncée la tyrannie d'un homme sur sa famille – sa seconde femme et sa fille qu'il veut marier à un « sauvage » de son espèce. Les femmes sauront cependant déjouer ses plans. L'extrait montré ici correspond à la deuxième scène de la pièce. Dans la première, la fille de Lunardo et sa seconde femme se plaignent de ce dernier et brossent un portrait peu amène du personnage (« votre père est un vrai ours »). La deuxième scène nous montre alors le personnage pour la première fois. Procédé classique où le personnage est d'abord décrit puis apparaît incarné sur la scène.
De même il rappelle le répertoire éclectique du Théâtre National Populaire de Jean Vilar – et, de ce fait, du Festival d'Avignon qu'il a créé avec sa troupe en 1947. Si, grâce à Gérard Philipe ou à Maria Casarès, nous nous souvenons peut-être mieux des tragédies classiques françaises, des drames shakespeariens et des drames romantiques allemands montés par Jean Vilar, il ne faut cependant pas oublier le genre comique qui fut également dignement représenté dans le répertoire très large du TNP.
En pleine guerre d'Algérie, en cette année 1962, les deux autres spectacles présentés par Jean Vilar sont : L'Alcade de Zalamea (Calderón), qui traite de la justice, et Antigone de Sophocle, qui parle de résistance. Sur le mode comique, la pièce Les Rustres dénonce l'autorité excessive, la tyrannie.
Nous retrouvons enfin Michel Galabru dans l'un des rôles qui ont le plus marqué sa carrière. Le rôle de Lunardo ponctue véritablement la carrière de l'acteur. Nous assistons dans cet extrait à la prise de rôle de Michel Galabru, à sa première interprétation, en 1961, mais il le reprendra en 1978, en 1988 (il assure cette fois également la mise en scène) et en 2005. Ce rôle de mari-père tyrannique qui veut imposer mari à sa fille (mais les femmes se ligueront contre ce projet) est la composition par excellence où il peut laisser s'exprimer sa truculence naturelle et lui donner une ampleur qui peut être si caractéristique son jeu. L'identification, la confusion faite par le public entre l'acteur et le rôle a scellé son succès.