Le Conservatoire National des Arts du Cirque et du Mime  

26 mars 1979
05m 17s
Réf. 00535

Notice

Résumé :

Sur des extraits du spectacle du Cirque à l'ancienne, entretiens d'Alexis Gruss et de Sylvia Monfort qui s'expriment sur l'importance du cirque et de l'école dans le cadre de la reconnaissance du cirque par le Ministère de la Culture et de la Communication. Exposition du Musée en Herbe consacrée au cirque.

Date de diffusion :
26 mars 1979
Source :
FR3 (Collection: HEBDO JEUNES )

Éclairage

Le Conservatoire National des Arts du Cirque et du Mime est né de la rencontre, autour d'un projet commun, de Sylvia Monfort et d'Alexis Grüss Junior, en 1974.

En 1972, la comédienne S. Monfort ouvre un centre culturel, dans le Marais à Paris, Le Carré Thorigny, qui programme du théâtre (contemporain et classique), de la musique, de la danse. En 1973, pour commémorer le deux centième anniversaire de l'installation de Philippe Astley à Paris, S. Monfort organise une exposition sur le cirque et projette Le Cirque de Calder (film de Carlos Vilardebo, 1961). Elle y associe la programmation d'un spectacle : un cirque familial français, encore en activité. Le Cirque Gruss qui revient de tournée endetté, est invité à planter son chapiteau dans la cour de l'Hôtel Salé (Musée Picasso, depuis 1985) situé à proximité du Carré. Il devient Le Cirque à l'ancienne, pour renouer avec la forme initiée à la fin du XVIIIe siècle, essentiellement équestre. Cette initiative a certainement contribué à la reconnaissance du cirque, jugé encore comme un art mineur et sans avenir.

Le Carré emménage à la Gaîté-Lyrique, se dote d'une salle de travail pour les arts du cirque et s'adjoint un chapiteau. L'école regroupe trois disciplines, la danse, le mime et le cirque. A. Grüss est Directeur général de l'école (jusqu'en 1984) et responsable des enseignements relatifs au cirque ; les autres sections sont respectivement confiées à Christiane Casanova et Gérard Lebreton. Le centre ouvre ses portes le 15 octobre 1974 (obtient l'agrément du Secrétariat d'Etat à la Jeunesse et aux sports, en 1977). L'école répond à un réel besoin ; en effet, suite au marasme qui touche le secteur, le nombre de grandes enseignes a diminué et de moins en moins d'artistes français y sont présentés. Il devient essentiel de former de nouvelles générations. L'affluence des gadjé, aux portes de l'école, témoigne, au-delà de l'attrait du genre spectaculaire, d'un intérêt pour les techniques de cirque qui permettent une exploration des limites du corps, pas nécessairement en liaison avec un projet professionnel. Ainsi de la « secrétaire ministérielle au professeur de dessin, une seule passion les unissait : le cirque. Mais, s'il y eut beaucoup d'appelés, il y a aujourd'hui peu d'élus. » [1]. En effet, pour Alexis Grüss, il ne s'agissait pas d'ouvrir une "école de loisirs". Il décrit ainsi son programme :

« Nous prenons les élèves de toutes les nationalités [nombre d'étrangers limité à 30% de l'effectif total] à partir de 16 ans pour les former à temps complet. L'enseignement se fait en deux ans : la première année est une année de préparation, où les élèves reçoivent une formation fondée sur l'acrobatie au sol (4 heures par semaine) et la danse classique (6 heures). Ensuite viennent les cours de spécialisation : trapèze volant, trapèze Washington, jeux icariens, bambou aérien... [...] Quand, au terme de ses études, un élève est en mesure d'exécuter un numéro, je le lui monte. » [2].

Dès 1979, des numéros exécutés exclusivement par des élèves sont à l'affiche. « Avec ces numéros là, après une saison ici, ils pourront partir dans n'importe quel cirque », Ainsi, formation et expérience professionnelle se réalisent lors de l'intégration des élèves au spectacle, en tant que garçons de piste ou d'ouvreuses, en participant à la parade ou présentant un numéro. Pour A. Grüss, cette étape fait partie intégrante de la formation puisqu'ils apprennent aussi « en nous regardant travailler » [3].

Cette école ferme ses portes en juillet 1986.

[1] Jean-Charles Duquesne, « Le cirque, ça se vit, le cirque ça s'apprend », Paris, Télérama, 2 octobre 1976, p. 20-21.

[2] Alexis Grüss est cité dans « Le cirque sera poétique ou ne sera pas... », dans « Cirque », Culture et Communication, n°13, 1979, p. 30.

[3] Alexis Grüss et Joëlle Chabert, Rêver les yeux ouverts, Paris, Desclée de Brouwer, 2002, p. 84.

Martine Maleval

Transcription

Alexis Grüss
Bonsoir mes dames, bonsoir mes demoiselles, bonsoir messieurs. Et à ce moment là,…
(Bruit)
Journaliste
Le cirque, on aime ou on n’aime pas, une question de goût, d’âge, de qualité aussi. Qui n’a jamais été au cirque dans notre pays ? Où c’est une véritable tradition, une forme de spectacle qui nous vient de loin. Qu’on se rappelle les forains ambulants ou les montreurs d’ours du Moyen-âge, et toutes les légendes qui entouraient ce petit monde fermé. Mais peu à peu, le public s’est détourné du cirque. Comment le public reçoit le cirque maintenant ?
Alexis Grüss
Le cirque, je crois qu’il y a encore quand même encore beaucoup de choses à leur dire, pour faire connaître le cirque en France. Mais la chose la plus importante a déjà été faite, c'est-à-dire de faire entrer dans le domaine culturel. Et ça je crois que… enfin, avec Sylvia Monfort, on a réussi à faire entrer le cirque dans la culture, et c’est une chose très importante. Il faut leur dire d’abord de venir au cirque pour leur donner le goût, et puis surtout voir du bon cirque, il faut faire du bon cirque. Ces deux heures agréables qui doivent laisser un bon souvenir. C’est ça au départ, parce qu’on est un petit peu des marchands de rêve quoi. Il faut dire ce qui est, c’est un tout, ce n’est pas seulement un numéro. Non, c’est un spectacle complet, c’est un enchaînement.
Journaliste
Est-ce que c’est aussi toute une vie ?
Alexis Grüss
Oh certainement parce que ça se ressent dans le spectacle automatiquement.
Journaliste
C’est une rude école le cirque ?
Alexis Grüss
Ah ! C’est une école très dure, oui. Depuis la création de l’école on a eu pratiquement 600 élèves qui sont passés ; et sur les 600, il y en a 12 qui participent au spectacle. Donc, ça prouve quand même que c’est une école dure. Et les jeunes ne se rendent pas très bien compte de ce que c’est. C'est-à-dire qu’il faut les laisser toucher, il faut les laisser participer un petit peu pour s’apercevoir très vite que… bon ben, tout le monde n’a pas le don de faire du cirque.
(Musique)
Journaliste
Est-ce que vous aimez le cirque ?
Inconnu 1
Oui !
Journaliste
Pourquoi ?
Inconnu 1
Parce que c’est amusant, y a des trucs rigolos.
Inconnu 2
Y a des clowns.
Inconnu 1
Y a des clowns et puis…
Journaliste
Qu’est ce que vous préférez ?
Inconnue 2
Parce qu’il y a des clowns.
Comédien 1
Travaillez, tu me dis, donnez-moi du miel ; et moi je dis pareil, je te donne du miel.
Comédien 2
Et avec ça tu [inaudible].
Comédien 1
Absolument !
Comédien 2
Pas besoin de travailler ?
Comédien 1
Non fini, plus besoin de travailler.
Comédien 2
Bon, tu m’attends à la campagne.
Comédien 1
Tout de suite !
Comédien 2
Allez va-t-en.
Comédien 1
Je pars à la campagne !
Comédien 2
File !
Comédien 1
Je vais sur toutes ces fleurs. Ça y est je vole.
Journaliste
Sylvia Monfort, vous avez fait beaucoup de chose pour le cirque en France !
Sylvia Monfort
C’est ce dont je suis le plus fière je dois dire. C'est-à-dire qu’il y a cinq ans encore au Carré Thorigny, j’avais fait une grande exposition sur le cirque, ça s’appelait le cirque en couleur. Et à ce moment là, j’ai cherché une troupe française capable de faire un spectacle de cirque à l’ancienne. J’en ai trouvé qu’une, les Grüss. Maintenant vous connaissez au bout de cinq ans, ce que sont redevenus les Grüss, et on s’est permis par luxe de refaire une exposition cinq ans après, maintenant que le cirque a retrouvé ses couleurs. Grâce aux Grüss je me suis aperçu de la grande misère du cirque français, qu’il y avait quelques artistes, très peu alors qu’on pensait que sous les chapiteaux français, il y avait beaucoup d’artistes français. C’est faux, il y avait 95% d’étrangers, et les quelques bons Français étaient à l’étranger, en revanche. Et quand j’ai ouvert l’école, toutes les grandes familles de cirque m’ont dit, si ça vous amuse faites-donc, mais croyez-moi, hors de la balle, vous n’aurez pas un seul professionnel. Notre grande angoisse le jour où on a ouvert l’école avec Alexis, ça a été de savoir si quelqu’un allait se présenter, si quelqu’un avait envie de devenir élève de cirque. Et nous avons eu 80 filles et garçons sur une toute petite annonce. Bon, maintenant les débouchés sont énormes, puisqu’il y a des numéros, je vous dis, de classe internationale déjà en moins de cinq ans sous notre chapiteau.
Journaliste
Ils trouveront tous du travail ?
Sylvia Montfort
Et on fait très attention justement à une sélection, Alexis Grüss, vous en parlera mieux que moi, à une sélection très sévère pour ne pas faire de fausse vocation.
Intervenant
[Inaudible]. Il faut chercher un dompteur. Le singe, l'éléphant et le tigre.
Journaliste
L’exposition du musée en herbe qui raconte l’histoire du cirque, propose aussi aux jeunes une animation qui permet d’entrer en contact avec des professionnels.
Inconnu 2
[inaudible] ha ha. Charlotte. Il y en a là.
Jeune fille
Pendant combien de temps par jour vous vous entraînez ?
Intervenant
Alors c’est une question plutôt à moi, puisque quand on a du travail, on ne peut pas attendre. Difficile, tu as demandé combien d’heures par jour ?
Intervenante
Moi, 5 heures à peu près par jour. Ça dépend du numéro que tu fais.
Intervenant
Ne cours pas trop, sinon tu vas tomber. Non, ça va.