Inauguration du Centre National Supérieur de Formation aux Arts du Cirque

13 janvier 1986
02m 55s
Réf. 00577

Notice

Résumé :

L'inauguration du Centre National Supérieur de Formation aux Arts du Cirque (devenu CNAC) de Châlons-sur-Marne (Châlons-en-Champagne). Les élèves présentent leur travail sous forme d'une succession de performances. Entretien de Jack Lang.

Date de diffusion :
13 janvier 1986
Source :
FR3 (Collection: JT Reims )

Éclairage

Pendant les années 1970, dans le sillage des contestations nées de Mai 1968, des artistes s'emparent de la rue pour y développer des formes qui remettent en cause les conceptions bourgeoises de l'art. La primauté du texte s'efface au profit d'un jeu corporel, les rôles de l'auteur et du metteur en scène sont supplantés par la création collective, dans la volonté d'investir l'espace public pour toucher le non-public dans un esprit festif et pour créer du lien. Sont convoquées les petites formes jugées populaires, la commedia dell'arte, la fanfare, le théâtre de foire... et les techniques du cirque. Ainsi, conjointement à la difficulté de la transmission au sein du cirque traditionnel apparaît l'urgence d'offrir un référentiel de connaissances à ceux qui ne sont pas nés dans la sciure. Certes, deux écoles professionnelles sont nées en 1974 et, commencent à essaimer sur l'ensemble du pays des écoles de loisirs, mais la pression existe pour la création d'une véritable école nationale de cirque ; le modèle de l'école soviétique (ouverte en 1927) est avancé par certains.

Le 13 janvier 1986, Jack Lang, Ministre de la Culture, inaugure le Centre National des Arts du Cirque (CNAC). Il regroupe trois domaines d'action complémentaires mais distincts : l'Ecole Supérieure des Arts du Cirque (ESAC), la Section de Perfectionnement et de Formation Professionnelle, le Service de la Documentation et de la Recherche (Centre de Ressources).

Se succèdent à sa direction Richard Kubiak (1985-1987), Guy Caron (1987-1989), Bernard Turin (1990-2002), Jean-Luc Baillet et Alexandre Del Perugia (2003-2005), Jean-François Marguerin (2005-2011) et Gérard Fasoli (2013-...) [1].

Les premières années de l'école sont difficiles car il s'avère impossible de concilier formation pour le cirque traditionnel et formation qui réponde à la création actuelle. En effet, sur les pistes contemporaines émerge une forme inédite, tumultueuse, mêlant les pratiques artistiques. Bernard Turin, plasticien, fondateur et directeur de l'école de loisirs de Rosny-sous-Bois, pratiquant lui-même le trapèze, va donner une orientation déterminante à cette école qu'il décrète d'art. Il nous confiait, en 2000, lors d'un entretien publié dans L'émergence du nouveau cirque [2], « Je disais aux étudiants : "vous ne venez pas à l'École pour en sortir avec un numéro tout fait, vous entrez dans une Ecole d'art et vous allez acquérir un certain nombre de connaissances et d'outils que vous mettrez à la disposition d'un metteur en scène ou à votre propre disposition si vous l'êtes vous-même. Mais, vous ne sortirez pas avec un numéro avec lequel vous allez travailler pendant dix ou vingt ans. Ceci est trop réducteur de la création. Le cirque évolue et continue de créer. Aucun metteur en scène n'aurait envie de mettre bout à bout quinze mini mises en scène toute faites. Il a envie de puiser chez chacun, de travailler avec des gens qui se remettent en question à chaque création" ».

L'activité formatrice originale et en mouvement du CNAC a tenu un rôle important dans l'acceptation de l'idée que les prouesses circassiennes ne sont plus mises en exergue en tant que telles et pour elles-mêmes, mais doivent être intégrées à un projet artistique. De plus, les choix du CNAC ont certainement contribué à la légitimation des hybridations plurielles que matérialisent les spectacles circassiens contemporains. Son action nous semble en correspondance étroite avec le parti pris esthétique du mélange des formes, du métissage des arts, caractéristiques quasi unanimement partagées – mais misess en œuvre de diverses manières – par l'ensemble des compagnies qui portent, hors des sentiers convenus, les arts de la piste.

A la question de savoir si le CNAC a contribué à ce que la France se dote d'un modèle, Bernard Turin répondait : « Elle s'est dotée d'une spécificité qui n'est réalisée nulle part ailleurs. »

[1] Gérard Fasoli est nommé directeur du CNAC, le 26 octobre 2012, par la ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti. Sportif de haut niveau (trampoline), artiste de cirque et pédagogue, depuis quatre ans, il dirigeait l'École Supérieure des Arts du Cirque de Bruxelles.

[2] Martine Maleval, L'émergence du nouveau cirque 1968-1998, Paris L'Harmattan, 2010, p. 110-115.

Martine Maleval

Transcription

Présentateur
Madame, monsieur, bonsoir. Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics suivent de près l’évolution du cirque qui a connu des difficultés. Pour soutenir cet art, le gouvernement a d’abord procédé à la création d’une association pour la promotion et l’enseignement des arts du cirque. Il y a deux ans, c’était l’ouverture du cirque national et aujourd’hui c’était l’inauguration à Châlons-Sur-Marne du Centre national supérieur de formation aux arts du cirque. Inauguration en présence du Ministre de la culture Jack Lang.
Journaliste
Arborant une chemise lilas, une cravate violette, le plus coquet de nos ministres était à Châlons-Sur-Marne ce matin pour applaudir chaleureusement la prestation des élèves de l’école du cirque en tenue multicolore. Après seulement deux mois de travail sur une scolarité qui va durer quatre ans, ces jeunes ont fait l’unanimité devant des hommes politiques pourtant habitués aux pirouettes, jongleries et autres acrobaties.
(Bruit)
Jack Lang
L’idée c’est de créer donc une grande Ecole nationale supérieure de formation aux arts du cirque et de mobiliser les meilleurs professeurs, et je l’espère de recruter les meilleurs élèves. Et nous avons vu aujourd’hui à travers quelques exercices que ce résultat est déjà atteint. Je veux dire que il y a eu un souci de faire venir ici à Châlons des jeunes filles et des jeunes gens très doués et très motivés par leurs métiers. Alors pourquoi Châlons, ben parce que il y a ce merveilleux cirque où nous sommes, un des derniers grands cirques en dur du pays. Parce que il y a un maire actif. Parce que il y a un président de la région actif. Nous nous sommes mis d’accord ensemble pour bâtir ce beau projet. Cette école à mon avis sera la source d’un renouveau, d’une transformation profonde du cirque en France, suscitera de nouvelles vocations, de nouvelles initiatives privées ou publiques à travers le pays.
Journaliste
Ce n’est que depuis 79 avec la création d’une association pour la modernisation du cirque que les pouvoirs publics s’intéressent à cet art pourtant vieux de plusieurs siècles. Jusqu’alors les familles assuraient la pérennité de la tradition, mais la crise n’a épargné personne. Aujourd’hui le cirque a besoin d’aide financière mais aussi artistique. Et ceci explique la création du Centre national supérieur de formation aux arts du cirque. Avec les jeunes français de plus de seize ans qui la composent, l’école nationale du cirque ne va pas mener de politique isolationniste. Des rapports étroits avec l’école d’Annie Fratellini sont déjà prévus. On parle de participation d’élève de l’Ecole supérieure du cirque au Festival mondial du cirque de demain. Un jour ces jeunes partiront peut être sillonner les routes du monde avec dans leurs souvenirs le petit cirque en briques de Châlons, berceau de leurs talents.