Zingaro, Théâtre équestre et musical
Notice
Des extraits du spectacle Cabaret, entrecoupés en voix off de paroles de spectateurs et de l'entretien de Bartabas. On y découvre l'esprit et les acteurs des débuts de Zingaro, théâtre équestre et musical, encore très marqué par l'expérience du Cirque Aligre.
- Europe > France > Ile-de-France > Paris
Éclairage
Clément Marty, alias Martex, alias Bartabas ne se reconnaît nullement sous l'étiquette cirque ; il revendique l'appellation Théâtre équestre et musical. Ainsi, il se démarque de toute référence à un genre codifié.
L'histoire de Zingaro prend ses racines sur l'expérience commune née au cirque Aligre entre Igor, Branlo, Lily, Nigloo et Bartabas qui se retrouvent en 1984, au Festival Sigma à Bordeaux. Igor raconte : « les idées viennent comme elles viennent. [...] les choses se font par la force des choses » [1]. Leur premier passage à Paris leur permet de se structurer économiquement (subvention, fiches de paye et salaires déclarés) mais les caractères s'affirment et Bartabas restera seul maître du destin de l'aventure.
En 1988, Bartabas, s'installe à Aubervilliers sous le chapiteau en bois, conçu par Patrick Bouchain ; place du village et cœur d'église, centre et passage, contrée de vie et de transit, à la fois rituel et païen. Le théâtre équestre et musical charriant dans son sillage les cultures de l'errance, celles du voyageur éternel, propulse les spectateurs dans un ailleurs ancestral et moderne. L'œuvre tire sa force et sa portée symbolique et politique dans une fresque qui s'articule autour de deux points centraux, immuablement présents, l'art équestre, sous toutes ses formes, et la musique (celle-ci devant exprimer au mieux la relation homme / cheval).
La première forme spectaculaire exploitée est celle du cabaret. Les trois versions - Cabaret I (1984-1987), II (1987-1989), III (1989-1990) - font évoluer le travail de la compagnie dans un cadre identifié. Les éléments présents sont rendus actifs parce qu'ils s'imposent dans un rapport d'opposition ou de complémentarité les uns avec les autres. Les contraires jouent de l'insolence ; ainsi, des laquais en livrées et gants blancs, les mikos, servent du vin chaud présenté dans un corbillard, le crottin qui macule la paille se laisse éclairer par de somptueux lustres, le fier cavalier tauromachique adepte des exercices de haute école fait le pantre dominé par l'animal. Chacun, présent dans la piste, doit accomplir une tâche (?), un geste (?). Olivier Kaeppelin note qu'« il y a là une quête d'absolu qui, refusant l'abstrait, cherche sa matière, geste après geste » [2].
Une rupture se dessine avec Opéra Equestre (1991-1993). Elle est scénique, puisque la piste est redessinée. « On a décidé de casser la piste ronde [et] la notion de cabaret. Maintenant les gens vont bouger, on va travailler dans de grands espaces : il y aura du rond, mais aussi des lignes droites, d'autres dispositifs spatiaux » [3], tout en préservant un espace de rituels dont Bartabas dit qu'il « est nécessaire pour [leur] concentration, [leur] relation, avec le cheval ». Bien que créant une trajectoire qui semble traverser l'univers, Bartabas détermine un centre qui happe les cultures du monde. La valeur brute des éléments convoqués participe à une reconnaissance des cultures d'où émergent ces expressions en phase profonde avec les êtres humains qui leur ont donné le jour, et exhibe ce qu'ils peuvent porter d'humanité au travers des émotions visuelles et auditives. Pas d'exotisme, mais un voyage des matières, que, Batabas ramène de ses expéditions prospectives pour leur force intérieure, pour le caractère contagieux de leurs pulsations vitales.
Chimère (1994), Eclipse (1997), Triptyk (2000), Loungta (2003), Battuta (2006), Darshan (2010) et Calacas (2011), autant d'œuvres marquées par ce parti pris esthétique qui donne une place de plus en plus important à la danse et concourt à accélérer une légitimation naissante.
En 2003, Bartabas crée l'Académie du spectacle équestre, un corps de ballet unique au monde, à la Grande Ecurie du Château de Versailles.
[1] Igor cité par Jean-Pierre Thibaudat, Dromesko, Souvenirs d'Igor, Arles, Actes Sud, L'Impensé, 2010, p. 37.
[2] Olivier Kaeppelin, Zingaro, Un Théâtre pour les chevaux, Op. cit., p. 32.
[3] Ibid., p. 26.