La Volière Dromesko, pour de drôles d'oiseaux

09 juin 1991
02m 36s
Réf. 00545

Notice

Résumé :

Sur des instants de répétions, une visite de la « ménagerie » et des extraits de La Volière Dromesko, un commentaire en voix off offre une interprétation du spectacle. Igor, quant à lui, se refuse à affirmer un propos défini a priori.

Date de diffusion :
09 juin 1991
Source :
A2 (Collection: JA2 20H )

Éclairage

Lorsqu'en 1988 Igor (Igor Gonin) se sépare de Bartabas et du Théâtre équestre et musical Zingaro, il est fort de l'expérience acquise au Cirque Aligre (1976-1982) et aux Cirque des rats (1982-1984). Avec Lily, sa femme depuis 1986, ils s'engagent sur un nouveau projet artistique qui se concrétise dans La Volière Dromesko. Elle développe une passion pour les oiseaux, il raconte : « On a fini par en avoir deux cents. Qu'est-ce qu'on allait en faire ? Il leur fallait une volière. La vodka aidant, j'ai dessiné une volière. Avec un bulbe comme au Kremlin » [1]. L'architecte Patrick Bouchain réalisera ce chapiteau de bois itinérant dont la coupole est formée d'une armature recouverte d'une bâche transparente faisant que « le dehors est en même temps la ville d'où proviennent les gens qui assistent au spectacle et le lieu dans lequel les acteurs disparaissent, c'est-à-dire qu'il est la coulisse du théâtre ou de la scène » [2]. Est également posée la question du rapport scène/salle. Dans la piste, en son centre, sont jetés à même la sciure des tapis persans sur lesquels des tables rondes de bistrot et quelques chaises pliantes accueillent une partie du public, l'autre est installée sur les gradins. Qu'une partie des spectateurs soit visuellement incluse au spectacle permet l'intégration du public dans sa totalité au sein du drame.

Lorsque l'obscurité de la nuit est perceptible, des sifflements d'oiseaux déchirent le silence imposé par le lieu. Nous devenons les passagers d'un voyage intemporel à la destination incertaine ! Les cavalcades du cavalier Igor alternent avec des tableaux à l'ambiance feutrée, aux colorations douces. Léopold (interprété par Pierre Meunier), les mains dans le dos, marche, légèrement incliné vers l'avant. Le marabout le suit. L'homme disserte, monologue. L'oiseau, la tête dans les épaules, opine. L'oiseau, M. Charles, semble imiter l'homme. Mais, lequel médite sur le vertige de l'envol ? Quel fantasme anime ce corbeau qui délicatement de son bec agile déshabille la femme ? Sous quel charme est tombé cet autre qui tourne les pages d'une partition que Lily interprète de sa voix claire ? Quel dessein anime ces rats sortis d'un trou, pour disparaître dans un autre après un petit tour de piste ? Agathe et Antoine entrent dans l'espace aérien et glissent sur le fil de la nuit, lui tel un chat, elle, à l'élégante féminité, sur ses talons hauts. Les danseurs de Capoïera envahissent la piste et engagés dans cette danse combat des rues brésiliennes toute en violence maîtrisée décalent la problématique de l'envol et du vertige en travaillant sur le contact avec le sol.

La Volière Dromesko fait partie de ces spectacles inclassables et éphémères que le nouveau cirque a produit dans son sillage et qui restent uniques, parce qu'ils semblent sortis de nulle part (hors de l'histoire des arts du spectacle) et sans descendance (parce qu'ils n'ont pas fait école). Les caractéristiques spectaculaires de la Volière sont sans doute trop fortes et trop cohérentes entre elles pour pouvoir être recyclées dans un projet ultérieur.

Une première esquisse du spectacle réalisée à Lausanne, en 1990, s'intitule Dernier Chant avant l'envol. Deux ans plus tard, à Rennes, en relation avec le Théâtre National de Bretagne dirigé par Emmanuel Véricourt, est créée la deuxième version du spectacle, Vertiges.

Depuis, Igor, Lily et leurs amis de rencontre ont inverti La baraque (1996-2000), créé trois « Bazars » : Les Voiles écarlates, L'Utopie fatigue les escargots, Margot (2000-2005) ; en 2009, ils proposent Arrêtez le monde, je voudrais descendre. Depuis 1998, le Théâtre Dromesko est installé sur le site de la ferme du Haut-Bois à Saint-Jacques-de-la-Lande (35).

[1] Igor cité par Jean-Pierre Thibaudat, Dromesko, Souvenirs d'Igor, Arles, Actes-Sud, L'Impensé, 2010, p. 49

[2] Patrick Bouchain, « L'architecture du cercle », interview réalisée par Laurent Gachet, in : Le Cirque au-delà du cercle, Artpress, spécial, n° 24, 2003, p. 113.

Martine Maleval

Transcription

Présentateur
Le spectacle maintenant, le cirque n’est plus tout à fait ce qu’il était, c’est le cas de le dire. Parmi les adeptes du changement, il y a Igor. Son spectacle se déroule dans une volière. Bilan, un spectacle plein d’humour et de poésie qui commence quand le soleil se couche. C’est normal, ce sont les oiseaux qui commandent. Reportage de Vincent Gerhards et Bernie Mériaux.
Journaliste
Igor prend soin de ses petits corbeaux et pour cause : ils seront ses futurs partenaires. Dans l’immense volière, ils y assureront l’ambiance sonore et poétique. Corbeaux et pies en liberté, en cage, mainates, tisserands ou kakarikis ; ce sont des noms d’oiseaux. Spectacle poétique et humoristique rythmé par le chant des oiseaux et par le cymbalum. Et la philosophie du spectacle alors ?
Igor
Il n’y a pas d’idées. On n’a jamais d’idées. On ne se casse pas la tête dans ce sens-là, on se casse le cœur, les émotions. On se casse la voix aussi parce qu’on ne croasse pas aussi bien que les corbeaux.
Jeune fille
A la minute exacte où le soleil se couche, les oiseaux autorisent les spectateurs à pénétrer dans leur maison. Foin des feux de la rampe, place au spectacle et au personnage central de Dromesko, Léopold. Leitmotiv de ce pauvre Léopold, voler par tous les moyens comme ce bon vieil Icare, sinon rien. 10 autres artistes entourent Léopold dont Igor lui-même en écuyer-acrobate défiant lui aussi les lois de la pesanteur. La gravité ici n’est de mise ni sur les visages ni dans les numéros.
(Musique)
Journaliste
En fils spirituel de Léonard de Vinci, revoici Léopold avec sa machine volante. Les spectateurs présents au centre de la piste ne souffleront qu’avec les fildeféristes visiblement habités tous deux par la poésie et la légèreté ambiante.
(Musique)
Journaliste
Sage parmi les sages et miséricordieux, Charles le marabout viendra finalement indiquer à Léopold le chemin à suivre pour voler enfin. Quant aux spectateurs, gagnés par la magie du spectacle, ils auront du mal à quitter leur siège.
Inconnue
Nos yeux se promènent partout et on ne nous impose pas un spectacle. Chaque spectateur, je pense, ressort d’ici avec son spectacle à lui quoi.
Journaliste
Toujours sous la conduite de Charles le marabout, la volière s’est posée à Nantes pour 15 jours avant de reprendre sa migration vers Paris pour le 16 juillet parc de la Villette