Théâtre de cuisine, Théâtre de cuisine
Notice
Accroupi sous une petite table de camping, Christian Carrignon (également metteur en scène) interprète Théâtre de cuisine, spectacle intimiste fait d'objets détournés, implantable partout, qui porte le même nom que celui de la compagnie, et s'inscrit dans les prémices d'une forme appelée théâtre d'objets, à la fin des années 70.
Éclairage
A la création du spectacle Théâtre de cuisine, en 1979, Christian Carrignon (né en 1948) vient juste de fonder la troupe Théâtre de Cuisine avec Katy Deville (né en 1956). Ils désirent tous deux pratiquer un théâtre libéré de la toute puissance du texte littéraire et débarrassé des contraintes imposées par les conventions de la marionnette, en bricolant des hypothèses d'histoires, des reconstitutions de fragments de mémoire, à partir d'objets manufacturés et reconnaissables par tous.
Dans ce tout premier spectacle, Christian Carrignon parle en grommelot, vocifère et actionne manettes ou cordons pour orchestrer au dessus de sa tête, sur une table de camping, les tranches de vies de bouchons de champagne, personnages d'une cité miniature dont boîtes de biscuits, bouteille de vin ou moulin à café composent l'architecture. Il semble jouer comme un enfant ; le public est tout proche, autour de la table, impressionné non par le contenu facilement compréhensible mais par l'humour sous-jacent à ce dispositif judicieux.
Pour définir le point commun entre quelques artistes pratiquant comme eux deux, à la même époque, une forme proche et difficilement classable (notamment Jacques Templeraud du Théâtre Manarf, Charlot Lemoine et Tania Castaing du Vélo Théâtre), Katy Deville invente l'expression « théâtre d'objet ». Il y aura vite autant de conception du théâtre d'objet que de metteurs en scène mais il est vrai que ceux-là vont plutôt puiser leur inspiration dans le quotidien et le vécu individuel.
Le Théâtre de cuisine, que ce soit dans les spectacles de Christian Carrignon ou ceux de Katy Deville (seul Opéra Bouffe, en 1981, construit à l'aide de fruits et de légumes frais, ainsi que d'ustensiles disposés sur une table et manipulés à vue par « un chef toqué » est signé par les deux artistes), glane son savoir-faire dans le cinéma, les arts plastiques, la danse, le théâtre, les marionnettes, dans une filiation avouée à Marcel Duchamp. Christian Carrignon déclare : « Duchamp reprend le détournement, vieux comme le jeu, et le fait entrer dans le domaine de l'art. Sa grande invention est de mettre un nom sur ce déplacement, le « ready made ». Jouer avec des « ready made », voilà une perspective qui nous resitue dans l'histoire. »
Très vite les objets choisis par Christian Carrignon le transforment en comédien-conteur soliste, au centre d'un espace de jeu qu'il circonscrit d'un simple trait au sol, d'un tapis, d'une table, s'adressant directement au public dans un registre dont le regard et le ton départagent difficilement la fiction de la réalité. S'y ajoute un entremêlement entre le récit lui-même et un discours sur le mécanisme à l'œuvre pour la fabrication du spectacle. Les objets très simples, sans autre prétention que celle de porter une mémoire collective, semblent chez lui libérer la parole, comme s'ils l'autorisaient à ne pas jouer à l'artiste, et à confier ainsi ses étonnements, ses découvertes, ses souvenirs au public... Naturellement, après une trentaine d'années de créations, Christian Carrignon réunit son auditoire, en 2008, pour lui proposer une Anthologie du théâtre d'objet, véritable déclaration d'amour au spectaculaire et au théâtral.