Alvin Ailey rend homage à Duke Ellington
Notice
De passage à Paris, le chorégraphe Alvin Ailey évoque le musicien et pianiste Duke Ellington, mort un an plus tôt, en 1974. Sa pièce Night Creature est un hommage à cet artiste et ami du chorégraphe. Des extraits du ballet, quelques images de répétitions et des commentaires en français d'Ailey composent ce reportage.
Éclairage
C'est Duke Ellington qui sert la cause de Night Creature chorégraphié par Alvin Ailey en 1974. Dans cette pièce conçue comme un hommage au pianiste mort en 1974, Ailey fait grimper la température à grands coups de reins tout en taillant des enchaînements classiques au cordeau. Son écriture métissée, toujours précise et limpide, articule vocabulaire classique, sensualité africaine et swing façon comédie musicale. Avec Révélations (1960), The River (1970) ou Cry (1971), Night Creature s'impose comme l'un des ballets emblématiques de Ailey.
Alvin Ailey est né au Texas en 1931, fils unique de parents ouvriers agricoles. A 12 ans, il tombe sous le charme d'un spectacle des Ballets russes (1909-1929), la troupe fondée par Serge Diaghilev. Il ne prendra des cours de danse que bien plus tard, à l'âge de 18 ans, avant d'intégrer la troupe multiraciale – un phénomène à l'époque - de Lester Horton (1906-1953). Installé à New-York, il fonde sa compagnie, le Alvin Ailey American Dance Theater, constituée en majorité de danseurs noirs, en 1958. Cette troupe unique en son genre deviendra l'emblème artistique de la cause des afro-américains. Le talent immense d'Ailey pour transcrire dans la danse une culture spécifique, un rapport au corps unique, mais encore un pan de l'histoire des Noirs aux Etats-Unis, a fait naître des oeuvres majeures, véritables blasons de l'identité afro-américaine. Danseur dans ses propres créations, il abandonne le plateau en 1965 pour se consacrer uniquement à la chorégraphie.
Le style de Ailey baigne ses racines dans l'histoire de l'esclavage. Revendiquant un geste artistique populaire de très haute qualité porté par des danseurs d'excellence, il allie dynamisme du mouvement, sensualité des corps et impact narratif. Sa façon de mixer vocabulaire classique, énergie jazz, swing de comédie musicale dans un élan expressif et théâtral lui a ouvert la voie à des pieces abstraites mais aussi narratives. Parallèlement aux spectacles créés pour sa compagnie, il a aussi collaboré avec des troupes plus classiques comme le Joffrey Ballet ou l'American Ballet Theatre.
Toujours en tournée, sa compagnie, installée dans un somptueux building à Manhattan, rassemble des danseurs de tous les pays et même des français. Parallèlement, une autre troupe la Ailey II, destinée aux interprètes juniors, valorise le répertoire du chorégraphe à travers des programmes composés d'extraits de ses pièces majeures. Une école ouverte aux professionnels et aux amateurs enseigne les principes du chorégraphe tout en offrant un large panel d'ateliers.
Bijou inaltérable Révélations (1960) reste le tube magique, très émouvant d'Ailey et le succès numéro 1 de la compagnie. Sur des negro-spirituals, des femmes sous de larges ombrelles traversent le plateau en ondulant dans leurs longues robes blanches, des commères en bibis jaunes jacassent plus vite qu'elles ne lèvent la jambe, des hommes torse nu roulent des mécaniques...Pulsions de vie, beauté sensuelle et libre, revendication d'une identité singulière, la touche Ailey atteint sa cible.
Avec ce défilé joyeux et nostalgique d'une communauté noire sublimée, Ailey ravivait ses souvenirs d' enfance dans des tableaux magnétiques. Revelations reste encore aujourd'hui une formidable courroie de transmission de la culture noire américaine. Très impliqué dans la défense de la cause afro-américaine, Ailey a vite invité d'autres chorégraphes noirs comme par exemple Talley Beatty (1918-1995) à travailler avec sa compagnie. Dirigée par Judith Jamison de 1989 à 2011, la compagnie est aujourd'hui sous la houlette du chorégraphe Robert Battle.