Cunningham dans Variations V
Notice
Merce Cunningham danse en duo avec une femme au milieu d'une installation d'écrans.
Éclairage
Variations V chorégraphié et dansé en 1965 par Merce Cunningham (1919-2009), en compagnie de six autres danseurs, fut créé au Lincoln Center, à New-York. La partition musicale était signée John Cage, David Tudor, Robert Moog.... Le plasticien Nam June Paik avait trafiqué les images télévisuelles à sa façon explosive. Au total, un casting d'experts et de furieux inventeurs pour une pièce évidemment intrigante. Des cellules photo-électriques réagissaient en direct aux mouvements de danseurs, ouvrant ou fermant les circuits sonores. En 1966, la télévision allemande réalisa une captation de cinquante minutes de Variations V.
Cette plate-forme de talents et d'innovation offre une synthèse excitante de la formidable révolution Cunningham-Cage. Leur rencontre a lieu à la Cornish Schol for The Arts de Seattle où Cage accompagnait les cours de danse au piano. Leur premier concert, programme de solos interprétés par Merce et accompagnés par John, a lieu en 1944. Cunningham, d'abord danseur dans la compagnie de Martha Graham, fonde sa compagnie la Merce Cunningham Dance Company, basée à New-York, en 1953 avec John Cage comme directeur musical, puis le plasticien Robert Rauschenberg comme directeur artistique. L' idée du "faire" avant tout chose les réunit.
Cunningham, qui va bâtir avec Cage une œuvre unique forgée de l'intérieur par une quête intellectuelle toujours tendue vers l'inconnu, aime distinguer dans son parcours - quelques soixante-dix années de travail ! – quatre grandes étapes. D'abord, la séparation de la danse et de la musique, étendue à celle du décor : un choc et une libération tant l'art chorégraphique illustrait la musique encore à l'époque. Puis, dans les années 50, la découverte avec Cage du hasard et des procédés aléatoires qui va estampiller toutes ses productions. Avec des dés ou avec le Yijing, livre chinois de divination, il tirera au sort les différents éléments d'une pièce (nombre de séquences de danse, de danseurs...) laissant le soin au hasard de repousser ses limites personnelles tout en déstabilisant ce que sa danse peut avoir de trop rigoureux. Puis ce sont les années-vidéo, entre 1970 et 1980, avec des collaborateurs comme le réalisateur Charles Atlas. Enfin, les nouvelles technologies excitent l'imagination de cet infatigable bosseur.
Avec Cage toujours, Cunningham imagine un jour de 1964 son premier Event. Soit, un programme d'extraits de pièces existantes dont le montage est tiré aux dés. Lorsque les danseurs se jettent à l'assaut d'un Event, ils en découvrent la distribution au dernier moment et se réfèrent lors de la performance à des papiers scotchés sur le plateau pour connaître le déroulé de leurs prestations.
Cunningham, avec l'appui de Cage jusqu'en 1992, a su rassembler autour de lui le gratin des arts plastiques (Robert Rauschenberg, Jasper Johns, Frank Stella, Andy Warhol, Ernesto Neto...), de la musique (David Tudor, Takehisa Kosugi mais encore Sigur Ros, Gavin Bryars...), toujours exécutée live. Avec quelque cent cinquante pièces créées tout au long de soixante-dix ans de recherche, Cunningham reste encore et toujours le phénomène de la danse. A sa mort, il épate encore son monde avec son testament. Son Legacy Plan est un plan de bataille pour la survie de son travail via des dance capsules (sorte de valises pédagogiques contenant tous les paramètres pour remonter une pièce) et la poursuite de la carrière des danseurs. Tout y est prévu pendant trois ans jusqu'à la fin précise de la troupe, lors d'une grande soirée de réveillon, le 31 décembre 2011.