La Sylphide ressuscitée par Pierre Lacotte
Notice
Documentaire programmé en 1980 et consacré au ballet La Sylphide de Philippe Taglioni entièrement reconstitué par le danseur et chorégraphe Pierre Lacotte. C'est Yves-André Hubert qui tourna en studio pour la Télévision française ce ballet diffusé pour la première fois le 1er janvier 1972 avec Ghislaine Thesmar et Michael Denard que nous voyons ici dans l'Adage de l'Acte II.
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Éclairage
La Sylphide du chorégraphe Philippe Taglioni créée sur la scène de l'Opéra de Paris le 12 mai 1832 fit sensation. « Ce ballet commença pour la chorégraphie une ère nouvelle, et ce fut par lui que le romantisme s'introduisit dans le domaine de Terpsichore » écrit Théophile Gautier [1]. « A dater de La Sylphide, l'Opéra fut livré aux gnomes, aux Ondins, aux salamandres, aux elfes, aux nixes, aux wilis, aux péris et à tout ce peuple étrange et mystérieux qui se prête si merveilleusement aux fantaisies du maître de ballet... L'on ne commanda plus aux décorateurs que des forêts romantiques, que des vallées éclairées par ce joli clair de lune allemand des ballades de Henri Heine... On changea le cothurne grec contre le chausson de satin. Ce nouveau genre amena un grand abus de gaze blanche, de tulle et de tarlatane... Le blanc fut presque la seule couleur adoptée ».
Neuf ans avant la création de l'immortelle Giselle, La Sylphide suscite une véritable révolution dans l'histoire du ballet. D'abord avec la révélation d'une sublime danseuse, Marie Taglioni, 28 ans - fille du chorégraphe - qui danse pour la première fois un ballet entier sur les pointes. Outre la beauté et la poésie de l'argument - suggéré par le ténor Adolphe Nourrit - de la chorégraphie et des décors de Ciceri, le peintre Eugène Lami invente pour l'occasion le fameux « tutu », un long et vaporeux jupon en mousseline qui fait bouffer une robe de crêpe blanche.
L'action se déroule en Ecosse, où le jeune James, fiancée à Effie, est séduit par une créature de rêve visible de lui seul, une Sylphide qui lui subtilise sa bague de fiançailles. James poursuit la ravissante Sylphide dans une forêt enchantée, s'éprend d'elle et en oublie sa fiancée. C'est à ce moment que James, en kilt aux couleurs de son clan, rouge et jaune, danse un merveilleux pas de deux avec la Sylphide aux petites ailes de papillon, sommet de l'acte II, dont Michaël Denard et Ghislaine Thesmar interprètent ici le très romantique début.
Créé sur une musique de Jean-Madeleine Schneitzhoeffer, maître des chœurs de l'Opéra de Paris, La Sylphide fait la gloire de la Taglioni qui le danse dans toute l'Europe. Le jeune maître de ballet danois Auguste Bournonville fait le déplacement à Paris avec sa jeune égérie Lucile Grahan, et n'hésite pas à copier pour elle ce ballet en 1836 à Copenhague, dans sa propre chorégraphie, mais sur une nouvelle musique de Lovenskjold. Tandis que La Sylphide de Taglioni tombe dans l'oubli à la fin du XIXe siècle, la version plus courte de Bournonville se maintient encore intacte de nos jours dans de nombreux pays.
Pierre Lacotte, premier danseur de l'Opéra qu'il quitte pour fonder les Ballets de la Tour Eiffel (compagnie qui eut son heure de gloire en 1955 avec La Nuit est une sorcière, musique de Sidney Bechet) trouve par hasard des documents d'une valeur inestimable concernant La Sylphide de Taglioni. Il n'a plus qu'une idée en tête : recréer ce ballet historique. Il soumet son projet à la Télévision française, qui l'accepte et met le plus grand soin à réaliser son rêve. La diffusion du 1er janvier 1972 sur le petit écran suscite l'enthousiasme de Bernard Lefort, directeur de l'Opéra de Paris, qui décide d'inscrire aussitôt le ballet à son répertoire.
Et le 9 juin 1972, le rideau du Palais Garnier se lève sur La Sylphide de Taglioni ressuscitée par Pierre Lacotte. Ce dernier adapte sa reconstitution aux exigences du Palais Garnier et de son important corps de ballet et l'amplifie, tandis que les ateliers de l'Opéra élaborent les décors d'après les maquettes de Ciceri et les costumes d'Eugène Lami. Créé par les étoiles Noëlla Pontois et Cyril Atanassoff, en alternance avec Ghislaine Thesmar - étoile invitée - et Michaël Denard, La Sylphide s'est imposée au Palais Garnier où elle demeure toujours au répertoire.
[1] Théophile Gautier était critique de danse pour La Presse de 1836 à 1855 et pour Le Moniteur universel de 1855 à 1868. C'est le célèbre critique anglais Ivor Guest qui le premier publia à Londres en 1986 un recueil des principales critiques de Gautier traduits ensuite et publiées par Actes Sud. Dans le cas présent il s'agit d'extraits de sa critique du 29 juin 1844 (p. 163) « Opéra : représentation au bénéfice de Marie Taglioni ».