Yvette Chauviré, inoubliable Giselle
Notice
Interviewé sur un plateau de télévision en 1978, le chorégraphe Pierre Lacotte fait le plus grand éloge de « la divine » Yvette Chauviré avant la projection de deux documents en noir et blanc, deux extraits de Giselle. Dans le premier Yvette Chauviré danse l'Adage du second acte avec Rudolf Noureev (probablement en 1968) puis la fin de ce pas de deux avec Cyril Atanassoff, lors des adieux officiels de la grande étoile française au Palais Garnier en novembre 1972.
Éclairage
Née le 22 avril 1917, soit sept ans après la Russe Galina Oulanova, Yvette Chauviré appartient à une merveilleuse génération d'interprètes légendaires de Giselle, avec Margot Fonteyn de deux ans plus jeune qu'elle, et Alicia Alonso née en 1920. C'est justement dans la chorégraphie réglée par la célèbre étoile cubaine - d'après Perrot, Coralli et Petipa - pour l'Opéra de Paris en 1972, qu'Yvette Chauviré interprète pour la dernière fois, à 55 ans, un de ses plus fameux rôles classiques.
« Yvette Chauviré est à la danse ce qu'est Garbo pour le cinéma » commente Cyril Atanassoff, magnifique partenaire d'Yvette Chauviré comme d'Alicia Alonso dans cette production d'une rare intensité dramatique.
Formée à l'Ecole de Danse de l'Opéra de Paris, entrée dans le corps de ballet à 14 ans à peine, et vite remarquée par Serge Lifar, Yvette Chauviré est nommée à vingt et un ans, à l'issue de la création de Istar, « étoile » un titre mis à l'honneur par Serge Lifar et réservé à un très petit nombre d'artistes.
De Garbo Yvette Chauviré possède le profil d'une pure beauté et une apparence « éthérée ». Elle aussi tourne à 20 ans son premier film (La Mort du Cygne de Jean Benoit-Levy) et incarne également Marguerite Gautier, mais sur scène et non à l'écran, à Berlin et Paris dans la chorégraphie de Tatiana Gsovsky.
De caractère indépendant, Yvette Chauviré s'absente souvent de l'Opéra de Paris pour danser sur des scènes étrangères, à Moscou, Saint Petersbourg, Berlin, Londres, Monte-Carlo, ou simplement au Théâtre des Champs-Elysées où elle crée en 1949 un de ses chevaux de bataille devenu célèbre dans le monde entier, le Grand Pas Classique de Victor Gsovski sur la musique d'Auber. Mais elle est de retour au Palais Garnier en 1956 pour la soirée des adieux à la scène de Serge Lifar dans le ballet Giselle.
Yvette Chauviré fait la connaissance de Rudolf Noureev dès 1961, lorsque le Marquis de Cuevas engagea les deux artistes pour une tournée de Giselle complétée par deux des succès de Chauviré : Grand Pas Classique et La Mort du Cygne de Fokine. En mai 1962 après les débuts fracassant de Rudolf Noureev aux côtés de Margot Fonteyn dans Giselle, Yvette Chauviré est invitée à danser quelques Belle au Bois Dormant et Giselle au Royal Ballet avec Noureev (qui lui avait découvert Yvette Chauviré à Léningrad quand elle avait dansé au Kirov).
Une série de Giselle est même prévue à l'Opéra de Paris début 1963 avec Noureev et Chauviré, mais devant les menaces lourdes de conséquences de l'ambassadeur d'URSS si Noureev danse à l'Opéra, l'administrateur Georges Auric annule à grands regrets ces représentations. Et ce n'est qu'en 1968 que les deux stars peuvent enfin danser le ballet d'Adam à l'Opéra de Paris, après qu'Yvette en ait donné des prestations mémorables avec Eric Bruhn.
Rudolf Noureev témoigne à toute occasion respect et admiration pour l'étoile française. Lorsqu'il est nommé directeur de la danse à l'Opéra de Paris, il invite Yvette Chauviré comme assistante et pour tenir le rôle de la Comtesse de Doris dans Raymonda en 1984, puis celui de Lady Capulet dans son Roméo et Juliette en 1985.
Bien que créatrice de nombreux ballets de Serge Lifar (Les Mirages, Suite en Blanc, Nautéos), Yvette Chauviré reste dans la mémoire collective comme une des plus émouvantes interprètes de La Mort du Cygne et de Giselle.