Entrée de Carmen au répertoire de l'Opéra de Paris en 1959
Notice
Jusque là réservée à la scène de l'Opéra-Comique où elle a été créée, la Carmen de Bizet fait son entrée à l'Opéra Garnier dans une production de Raymond Roulleau, des décors de Lila de Nobili, sous la direction du jeune chef prodige Roberto Benzi, et avec Jane Rhodes dans le rôle de la cigarière.
Éclairage
Créé à l'Opéra-comique en 1875, Carmen y reste cantonnée tout au long de son histoire parisienne - alors qu'on la joue sur les plus grandes scènes mondiales - jusqu'à ce que la direction de la RTLN décide en 1959 de la présenter enfin sur la scène de l'Opéra Garnier, ce qui est une vraie révolution culturelle à l'échelle parisienne. La production ne lésine pas sur les moyens (très nombreux figurants, chevaux sur scène...) pour donner à l'oeuvre de Bizet une splendeur que le public, habitué aux fastes des Indes galantes, attend des spectacles de l'Opéra. Et c'est effectivement un triomphe durable pour la mise en scène fort réaliste de Raymond Roulleau et les décors inspirés de Goya de Lila de Nobili. La captation en direct, en présence du Général de Gaulle, ne peut être réalisée intégralement, les éclairages des actes II et III étant trop réduits pour la technique des caméras de l'époque. Mais cette production, diffusée sur l'unique antenne nationale, connaît un retentissement considérable, et fait beaucoup pour la popularité de son interprète principale, Jane Rhodes, et de son futur mari, le chef Roberto Benzi.
Saluée pour sa beauté et sa présence scénique, qui lui valent le surnom de "Brigitte Bardot de l'Opéra", Jane Rhodes (1929-2011), connue jusque-là des spécialistes de l'art lyrique (elle a créé Le Fou de Marcel Landowski à l'Opéra de Nancy en 1956, et participé au premier enregistrement mondial de L'Ange de feu de Serge Prokofiev en 1957), entrée à la RTLN en 1958 avec Marguerite de La damnation de Faust, puis Salomé et Tosca, trouve ici la consécration nationale et internationale. Carmen sera son passeport universel, pour le Metropolitan Opera de New York en 1960, pour le Teatro Colon de Buenos Aires en 1961, pour Tokyo et Osaka en 1962... Elle en est aussi l'interprète dans un film de la CBS The drama of Carmen avec Leonard Bernstein au pupitre.
Véritable falcon (Charlotte du Werther de Massenet, Eboli de Don Carlos de Verdi, la Marguerite de la fameuse Damnation de Faust de Berlioz mise en scène par Maurice Béjart lors de sa reprise au Palais des sports en 1970) elle chante aussi les sopranos dramatiques (Salomé de Strauss qu'elle chante au Met en 1962), comme des rôles de soprano (Poppée à Aix-en-Provence en 1961), et nombre d'opérettes d'Offenbach. Elle est ainsi une fameuse Périchole, qu'elle interprète 400 fois au Théâtre de Paris de 1969 à 1970.
Roberto Benzi, né en 1937, dirige ses premiers concerts dès l'age de onze ans, ce dont témoignent deux films de Georges Lacombe, Prélude à la gloire en 1949 et L'Appel du destin en 1952 qui font la célébrité de cet enfant prodige. Il dirige son premier opéra en 1954, Le Barbier de Séville, en 1954 à Marseille, avec Mado Robin. Sa carrière se fait majoritairement hors de France, mais il est aussi le fondateur et directeur musical de l'Orchestre de Bordeaux-Aquitaine de 1973 à 1987.