Fellini et Mastroianni sur le tournage de Ginger et Fred

18 février 1986
02m 41s
Réf. 00129

Notice

Résumé :

Fellini et Mastroianni tournent Ginger et Fred. Federico Fellini parle des rapports cinéma-télévision; il estime que la télévision a changé le rapport entre le public et l'image; il livre une analyse du "nouveau spectateur" impatient et dispersé.

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Date de diffusion :
18 février 1986
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Éclairage

Centrale dans l'oeuvre de Federico Fellini (1920-1993), la fascination jamais démentie du maître italien pour le monde du spectacle et de l'illusion le fait peu à peu s'éloigner d'un néoréalisme toujours présent dans ses premiers chefs-d'oeuvre tels que I Vitelloni (1953), La Strada (1954) ou Il Bidone (1955). A partir de La Dolce vita (1960), où le cinéaste, plus provocateur que jamais, trouve en l'acteur Marcello Mastroianni son double devant la caméra, son art met en scène ses fantasmes et ses frustrations de créateur.

Foisonnants, oniriques et autobiographiques, tournant délibérément le dos aux ressorts habituels de la narration, ses films, à l'image de Huit et demi (1963), Amarcord (1973) ou La Cité des femmes (1980), masquent derrière la caricature du trait et la nostalgie de certaines séquences une insoutenable angoisse devant la mort. Cette gravité - présente dans des oeuvres aussi diverses que Satyricon (1969), Roma (1972) ou Casanova (1976) - habite un Ginger et Fred testamentaire (1985) où Fellini retrouve ses vedettes de prédilection, Mastroianni et Giulietta Masina, pour mieux dénoncer l'inéluctable emprise de la télévision.

Thierry Méranger

Transcription

Présentateur
Il y a un mois sortait le film de Fellini Ginger et Fred. Dans 48 h, démarrage de la cinquième chaîne. Deux raisons suffisantes pour écouter le maestro préciser les rapports du cinéma et de la télévision.
Federico Fellini
Tu as vu quel mal je me suis donné pour le rajeunir ? Ça a été terrible... Non, ça c'est le tien. Tous les films sont autobiographiques. Cette question que vous posez sans cesse est ridicule. Nous sommes toujours autobiographiques. Même quand on prétend être objectif, détaché, ça n'est qu'une apparence de détachement. Une soi-disant objectivité.
Interviewer
La télévision s'impose, aux dépens du cinéma en général. Il doit donc s'agir de quelque chose de vécu.
Federico Fellini
Ce que ce film peut avoir d'autobiographique, toujours sur le ton de la plaisanterie, c'est un certain mécontentement, quelques regrets. Je pense que sans en être vraiment responsable, la télévision a changé le rapport entre le spectateur et l'image. Ce n'est plus un rapport basé sur la suggestion, la confiance, l'exaltation que créait le grand écran, autour duquel le public s'amassait, comme à l'église. Les lumières s'éteignaient, cet immense drap s'illuminait. Les acteurs, immenses, avec leurs visages énormes... Et ces lieux mystérieux, tout cet aspect exotique, l'aspect féminin, la femme, tout ça, la télévision l'a irrémédiablement effacé. Ce n'est plus du tout la même image. C'est une image schizophrénique, psychédélique, névrotique, « confettisée », dispersée. Une sorte de kaléidoscope? On chatouille l'oeil et on finit par créer un spectateur impatient, superficiel, qui veut faire son film lui-même, en sautant sans cesse d'un programme à un autre. Et évidemment, moi, en tant que cinéaste, qui ai été formé à une certaine conception du cinéma, je dois tenir compte d'un public que je ne connais pas. Je dois raconter mes histoires, exprimer mes fantasmes et mes quelques idées dans un langage qui tienne compte des exigences d'«insectes », de ce nouveau public frénétique, impatient. Je ne dirai plus rien !