Expédition d'archéologie sous-marine à Malte

06 mai 1994
05m 24s
Réf. 00217

Notice

Résumé :

Jean Courtin, directeur de recherche au CNRS et spécialiste d'archéologie sous-marine, a monté une expédition à Malte à la recherche de grottes paléolithiques. Il explique le regain d'intérêt pour l'archéologie sous-marine à la suite de la découverte de la grotte Cosquer. Ces recherches sont encouragées par les vestiges du temple de Mnajdra qui date de 4000 avant JC.

Type de média :
Date de diffusion :
06 mai 1994
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Éclairage

Les îles de l'archipel maltais sont le témoin des activités humaines depuis des dizaines de milliers d'années. Les fouilles archéologiques sous-marines entreprises depuis des décennies, fruits de partenariats scientifiques internationaux pointus, ont pu révéler la richesse de ces traces et affiner la connaissance de l'Histoire.

Mais si la période antique et l'occupation de l'île par les Phéniciens (dès 750 avant J-C) est de mieux en mieux connue, l'ère préhistorique et les origines des premiers peuplements recèlent toujours de nombreux mystères. La découverte de fresques dans les grottes sous-marines des eaux de Malte atteste la présence d'éléphants nains et d'hippopotames, mais également d'hommes néolithiques, ces premiers peintres de l'Histoire, présents dans une région alors émergée qui formait un isthme entre l'Europe et l'Afrique, 27000 ans avant J-C. La fonte des glaces a transformé Malte en archipel, bientôt touché par une deuxième vague de peuplement vers 5200 avant J-C. Ces nouveaux migrants, les premiers agriculteurs, ont laissé des traces d'outils, de figurines et ont érigé des dizaines de temples mégalithiques. Les archéologues s'interrogent encore sur l'origine de ces monuments, découverts par exemple à Mnajdra ou Tarxien : quelle méthode les bâtisseurs ont-ils utilisé pour ériger des masses de pierre de plus d'une tonne chacune ?

Malgré l'avancée des recherches, la science peine également à expliquer la disparition brutale de ces populations, 2500 ans avant J-C, bien avant que Malte ne devienne un centre influent du commerce méditerranéen.

Claire Sécail

Transcription

Journaliste
Une grande plongée dans les profondeurs de notre passé puisque l'on va parler de paléolithique, vous savez, cette période qui va de 10 000 à 25 000 ans avant J-C. Eh bien à cette époque, le niveau de la mer était beaucoup plus bas qu'aujourd'hui, à 130 mètres en dessous de notre zéro à nous. Et donc des terres aujourd'hui inondées étaient à sec, et des hommes vivaient dans des grottes aujourd'hui sous marines. Alors évidemment c'est une histoire qui passionne les archéologues sous marins, qui n'ont de cesse que d'aller explorer ces grottes, pour tenter de découvrir des traces de ce peuplement très ancien. A tel point qu'à Malte, un éminent paléontologue français n'a pas hésité à enfiler bouteille et combinaison de plongée pour aller découvrir ces grottes mystérieuses ; regardez !
(Musique)
Reporter
Dans une grotte immergée, un homme inspecte les flancs des îles maltaises ; rendez-vous avec l'histoire d'un archipel couleur miel au milieu de la Méditerranée.
(Musique)
Reporter
Ce plongeur, en fait, c'est Jean Courtin, un homo sapiens de 58 ans, unique en son genre. Directeur de recherche au CNRS, c'est aussi le meilleur spécialiste en Europe de préhistoire sous marine.
Jean Courtin
Etant devenu préhistorien, j'ai bien entendu fait d'abord des fouilles terrestres, des fouilles en grotte, j'en fais toujours d'ailleurs, mais étant plongeur, j'ai été amené, dans les années 60 à étudier les grottes sous marines pour justement aller plus loin, pour voir si pendant les glaciations, ces grottes qui avaient été à l'air libre avaient pu être occupées par l'homme.
Journaliste
La découverte de la grotte Cosquer, il y a 2 ans, a marqué les préhistoriens du monde entier. Grâce aux dessins d'animaux ou de mains, Jean Courtin a prouvé qu'il y a 27 000 ans des hommes habitaient sur un littoral aujourd'hui enfoui sous la mer. A Malte, c'est la même démarche, avec le département français des recherches archéologiques sous marines, il participe aux premières explorations, à la recherche de grottes paléolithiques. Leur espoir, c'est de trouver des traces d'une civilisation encore inconnue.
Jean Courtin
Lors de la dernière glaciation, disons en gros, il y a 20 000 ans, la mer est descendue au plus bas, jusqu'à 120 - 130 mètres sous les eaux actuelles. Si, pour prendre un exemple, la mer du Nord était à sec, les îles Britanniques étaient reliés au continent, n'étaient pas des îles et, on pouvait passer à pied par le détroit de Béring, qui était à sec, de Sibérie en Alaska. Or Malte a été reliée à la Sicile pendant cette dernière ère glacière puisqu'on a des profondeurs de 90 - 100 mètres maximum, donc il y avait un petit isthme et l'homme a pu passer à pied et aller peupler l'archipel maltais.
(Musique)
Jean Courtin
Or le but de ces plongées en grotte immergée, c'est de retrouver des blocs de concrétions qui se sont formés bien entendu à l'air libre, et qui sont susceptibles de contenir des restes d'animaux, des restes de faune, des ossements ou peut-être des silex taillés ou des charbons de bois si la grotte a été occupée par l'homme. Donc on va prélever des petits échantillons qui donneront la date exacte où cette grotte était émergée.
(Musique)
Journaliste
Ces plongées scientifiques dans les grottes de Malte ne font que commencer. Sur la falaise, à Mnajdra, domine le plus vieux temple du monde, construit environ 4 000 ans avant J-C. Pour le préhistorien, c'est un espoir supplémentaire de repousser l'âge des premiers habitants de l'archipel.
Jean Courtin
Il n'est absolument pas impossible de trouver des traces d'un peuplement plus ancien, puisqu'en Sicile, on connaît les paléolithiques, on connaît même des grottes ornées avec des gravures, donc pourquoi n'y en aurait-il pas eu à Malte ?
Journaliste
Jean Courtin a suscité récemment de nombreuses vocations. Ce ne sont pas tous des préhistoriens, bien sûr, mais ils sont fascinés par cet autre monde.
Jean Courtin
Les plongeurs ont de plus en plus envie d'explorer, de visiter, des grottes sous marines qui, même si elles ne conservent pas des peintures ou des gravures, comme la fameuse grotte Cosquer, sont un spectacle inoubliable avec des stalactites et des stalagmites qui se sont formées à l'air libre, mais qui maintenant sont noyées dans la pénombre mystérieuse de ces cathédrales sous la mer.
(Musique)