Rencontre avec Antoni Tàpies

29 septembre 1994
02m 38s
Réf. 00223

Notice

Résumé :

Portrait et rencontre avec Antoni Tàpies à l'occasion d'une rétrospective qui lui est consacrée à la Galerie nationale du Jeu de Paume. Tàpies parle de sa façon de travailler, du symbole de la croix très présente dans son oeuvre et de la dualité de son travail entre peinture et sculpture.

Type de média :
Date de diffusion :
29 septembre 1994
Source :
A2 (Collection: JA2 20H )

Éclairage

Annonciateur de l'Arte Povera, Antoni Tàpies introduit des matériaux non académiques dans ses tableaux, qui s'apparentent parfois à des sculptures tant les reliefs y sont marqués. Dans les années 1950, poussière, argile, poudre de marbre s'insèrent ainsi dans sa peinture, avant que ne les y rejoignent, deux décennies plus tard, de véritables objets, chaussures, vêtements, voire pièces de mobilier.

Ce Catalan, né à Barcelone en 1923, a baigné dans un univers de livres et se passionne pour la philosophie, la théologie et l'art oriental. Victime d'une grave maladie pulmonaire à dix-huit ans, le médecin qui le soigne est un ami de jeunesse de Picasso. Introduit par ses soins, il va trouver le maître à Paris, dans son atelier. En 1949, c'est un autre grand nom de la peinture espagnole qu'il rencontre, Joan Miró qui l'influence énormément, tout comme Paul Klee. Tàpies partage avec ce dernier une approche neutre de l'artiste, à une époque où la plupart sont engagés auprès du Parti communiste.

Tàpies n'en porte pas moins un regard critique sur son temps, sa peinture en soulignant la vacuité et la brutalité. Les croix qui la parsèment sont autant de références aux cimetières remplis par les morts de la Guerre civile espagnole et de la Seconde Guerre mondiale.

Cécile Olive

Transcription

Bruno Masure
La galerie nationale du Jeu de Paume, à Paris, rend un hommage tout à fait mérité au plus célèbre des peintres espagnols contemporains, Tapiès, un artiste qui sait jouer avec la matière. En exclusivité pour France 2, Tapiès a reçu Georges Begou et Jean-Louis Bousser dans son atelier.
(Musique)
Georges Begou
Vous entrez dans le monde de Tapiès tel que les belles surfaces blanches du Jeu de Paume nous le présentent en un ensemble de 70 oeuvres. Ces oeuvres témoignent de la grande innovation du peintre catalan depuis les années 50. Tapiès a imaginé un nouveau rapport entre le peintre et les matériaux réputés non picturaux.
Tapiès
Je voulais que le tableau soit comme un talisman, qu'en le touchant, vous sentez des énergies qui vous guérissent, par exemple. L'idéal, c'est de prendre un petit tableau, quand vous avez mal à la tête, et en le touchant avec la tête, ça vous donne des énergies pour vous guérir. Chaque matériau s'exprime à sa façon, disons. Il faut les laisser parler. Ils ont déjà une charge expressive.
(Musique)
Tapiès
Je travaille comme un poète, en effet, c'est-à-dire je m'exprime à travers ma sensibilité générale sans trop réfléchir.
Georges Begou
Parmi tous les signes, celui qu'on reconnaît le plus souvent dans votre oeuvre, c'est une croix.
Tapiès
Ça a commencé au début des années 40, quand j'étais un débutant, et qu'est-ce que je voyais autour de moi ? C'était tout de suite après la Guerre civile et au début de la Guerre mondiale, on ne voyait que des cimetières, à ce moment, les croix étaient toujours très présentes chez nous. J'ai introduit la croix dans ma signature. C'est le T de Tapiès.
(Musique)
Georges Begou
Tapiès, peintre ou sculpteur ?
Tapiès
Pour moi, il n'y a eu jamais une grande différence. Je sais qu'il y a des critiques qui ont dit : « Tapiès est passé à la sculpture », mais je ne pense que ce n'est pas exactement ça. Nous avons converti les tableaux en un objet, une sorte d'objet magique.
Georges Begou
Une magie toujours recommencée dans l'atelier hangar de briques rouges où Tapiès, à 71 ans, poursuit une oeuvre dont l'influence sur l'art d'aujourd'hui est indéniable.