Chroniques de Cannes 1971

22 mai 1971
05m 23s
Réf. 00134

Transcription

Alain Beverini
Cannes 1971, un rituel vieux de vingt-cinq ans déjà. Tenue de soirée et sourire de rigueur, les photographes accueillent les célébrités du cinéma. Après Mylène Demongeot et la délégation japonaise, voici Lex Barker, qui a troqué sa défroque de Tarzan contre un smoking. Ils sont tous venus applaudir un festivalier débutant, Charlie Chaplin.
Inconnu
Charles Spencer Chaplin, au nom du président de la République, et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons commandeur de l'Ordre national de la Légion d'Honneur.
(Applaudissements)
Alain Beverini
Cérémonie émouvante, qui devait donner le coup d'envoi de ce vingt-quatrième festival, et dès le lendemain, tout le monde se retrouvait dans le bain. Trente-quatre films dans la compétition officielle, dix pour la Semaine de la Critique, une soixantaine pour la Quinzaine des Réalisateurs, du pain sur la planche pour les festivaliers.
Inconnu
Mais Cannes n'est pas qu'une immense salle de projection. C'est aussi un important Marché du Film, où producteurs et distributeurs se rencontrent, où des films se vendent et s'achètent, où des projets se créent. Fellini, tout en arpentant la Croisette, confie à Mel Ferrer les grandes lignes de son prochain film, "Roma". Quant à Claude Lelouch, il travaille chauqe jour au scénario de "L'Aventure, c'est l'aventure".
Claude Lelouch
C'est un marché au film, c'est une foire au film, je crois que c'est une grande affaire commerciale, parce que les gens se rencontrent, discutent, et préparent les projets de l'année prochaine, voyez... Mais je pense que les projets en cours ou les films terminés sont déjà faits, terminés. Je veux dire, au moment où on arrive à Cannes... D'abord, si on est acheteur de film, il ne faut pas venir à Cannes l'acheter, d'abord on le paye plus cher et enfin il y a des films qui se traitent, mais des films qui auraient eu du mal à se vendre à Paris ou dans d'autres villes, qui peuvent se vendre plus facilement ici, parce qu'il y a des gens qui sont venus ici pour acheter et qui ne veulent pas repartir bredouille, alors des fois, ils achètent un peu n'importe quoi.
Alain Beverini
L'aspect commercial et professionnel de ce festival ne doit pas nous faire oublier la compétition. Et cette année, nous n'avons pas à nous plaindre, les films de qualité sont nombreux. Ils nous viennent surtout de l'étranger, portés par un léger vent de contestation. Et s'il fallait faire un pronostic, nous choisirions "Johnny Got his Gun", premier film du scénariste Dalton Trumbo, plaidoyer contre la guerre, "Joe Hill", du suédois Bo Viderberg, et "Taking Off", de Milos Forman.
Claude Lelouch
Je pense que le Festival de Cannes est devenu maintenant un vrai festival du film, il s'est débarassé, il lui a fallu vingt-cinq ans pour se débarasser des starlettes, il lui a fallu vingt-cinq ans pour se débarasser de son folklore, et je pense que dans une dizaine d'années, alors ça sera complètement assaini, et ça sera vraiment un vrai festival de professionnels.
Alain Beverini
Alors, professionnels ou pas professionnels, il ne faut pas qu'il y ait de starlettes ? Il ne faut pas qu'il y ait de folklore ?
Claude Lelouch
Si, moi je n'ai rien contre les starlettes, j'aime bien les starlettes, mais enfin je veux dire qu'elles se sont un petit peu... Elles sont désespérées parce qu'elles se sont aperçu, en vingt-cinq ans, dans le fond, qu'on n'en avait pas tellement engagé beaucoup à Cannes, et qu'on les faisait venir pour enlever leur soutien-gorge, c'est tout, mais on ne leur faisait jamais faire de films. Alors, elles sont un petit peu déçues. Alors à la fin, ça s'est su, parmi les starlettes, alors maintenant elles ne viennent plus... C'est elles qui sont parties, nous on aime bien les starlettes. Moi je suis ravi, plus il y a de starlettes, plus je suis heureux ! Mais maintenant, je ne pense pas qu'on les fasse vraiment tourner... Non, elles ont dû subir de grosses déceptions.
Photographe
Regardez, Claudine !
Alain Beverini
Claudine Auger n'est certes plus une starlette, mais il est difficile d'éviter cet autre rituel de Cannes, la séance de photo. Le seul moyen : ne pas venir. Et il faut bien dire que les starlettes ne sont pas seules à déserter le festival, les stars, elles aussi.
Inconnu 1
Vous savez, le festival de Cannes, c'est un peu comme la télévision, c'est-à-dire qu'on en dit un mal fou, mais on ne peut pas vivre sans, c'est-à-dire que c'est quand même là où bat le coeur du cinéma. Dans le festival de Cannes, il y a déjà trois festivals, il y a le festival officiel, qui n'est pas forcément le plus magique ni le plus intéréssant, il y a la Quinzaine des Réalisateurs, où on voit tout ce qui est le cinéma, le vrai cinéma, qui est le cinéma de demain, même les acheteurs ne s'y trompent pas, ils se ruent maintenant pour voir les films, c'est quand même une situation qui a bougé, parce qu'avant c'était le cinéma officiel. Maintenant, il y a un cinéma parallèle, qui risque de rendre le cinéma officiel parallèle.
Alain Beverini
Parallèle ou non, le festival n'est pas encore terminé. Il lui reste encore cinq jours à vivre, cinq jours pendant lesquels seront projetés des films très importants et très attendus: "Mort à Venise" de Visconti, "The Go-Between" de Joseph Losey, et "Sacco et Vanzetti" de Montaldo.
Inconnu
Puis, ce seront les délibérations du jury, et enfin, le palmarès.