Tournage musclé dans la jungle pour Catherine Deneuve et Yves Montand

19 octobre 1975
10m 29s
Réf. 00422

Notice

Résumé :

Reportage autour du "Sauvage" de Jean-Paul Rappeneau. Catherine Deneuve et Yves Montand évoquent le problème du financement des films.

Type de média :
Date de diffusion :
19 octobre 1975
Source :

Transcription

(bruits)
Journaliste
Deux vedettes qui s'affichent : "Le Sauvage".
(bruits)
Journaliste
Catherine Deneuve, Yves Montant, un film de Jean Paul Rappeneau.
(bruits)
Jean-Paul Rappeneau
Alors, disons que "Le Sauvage", qui aurait pu être aussi un film sérieux, et qui sera un film de comédie, est un conte, une fable sur le thème de l'évasion.
Yves Montand
C'est un peu, si vous voulez, le fait que... Ce rêve qu'on a tous, en nous, finalement, qu'on ne met jamais en exécution, à savoir quitter, n'est-ce pas, la ville, pour pouvoir aller se réfugier sur une île déserte, au sens propre et au sens figuré. On essaye quelquefois et on sait très bien que c'est quasiment impossible, qu'on a besoin de la communauté, qu'on ne peut vivre qu'avec la communauté parce que c'est impossible, qu'on est ainsi fait, même si on a envie de tirer dans le tas, quelquefois. Alors, c'est un de ces hommes-là qui essaye d'échapper, justement, à cette forme de vie.
Jean-Paul Rappeneau
Mais les choses ne sont pas aussi simple. Alors, les aventures arrivent. Et en fait, cet homme qui croyait avoir échappé à tout, finalement, n'a échappé à rien. Et la liberté qu'il croit avoir conquise, elle est fausse, elle est truquée, et il lui faudra passer par un autre chemin pour retrouver une vraie liberté. Il la trouvera, bien entendu, à travers une femme, une femme qui est jouée par Catherine Deneuve et qui, croit-il, à un moment, menace la liberté qu'il a conquise. Et en fait, c'est elle qui lui apportera un véritable renouveau.
Catherine Deneuve
Laissez-moi rester. Je vous en prie, je ne sais pas où aller.
Yves Montand
Allez, venez.
Catherine Deneuve
Mais pourquoi ?
Yves Montand
Parce que. Allez, venez.
Catherine Deneuve
Non, lâchez-moi ! Salaud ! Espèce de salaud ! Ca ne m'étonne pas que vous soyez tous des salauds pareils ! C'est vrai que j'ai rarement autant bougé et aussi vite et aussi souvent, peut-être, que dans ce film-là, oui. J'entends par bouger, me déplacer à un rythme qui n'est plus ce que j'appelle un rythme naturel, de marche, aussi vive, soit-elle. Bouger, c'est ça, c'est se précipiter dans un bateau, se mettre à hurler brusquement, monter dans une voiture qui commence à démarrer, se battre avec quelqu'un, se faire battre, recevoir un coup, tomber. Enfin, des choses, disons, qui arrivent dans la vie, mais enfin, qui arrivent à un rythme moins précipité, en général. C'est le résultat qui est amusant. Des fois, aussi, le tournage est amusant parce qu'il se passe toujours des choses imprévues. Mais disons que dans l'ensemble, quand même, le résultat est plus intéressant que la chose elle-même, quand on la tourne parce que ça représente quand même... Enfin, surtout pour nous parce que nous avons tourné beaucoup au Venezuela et aux Bahamas. Donc, avec une température qui n'est plus tout à fait tempérée comme ici. Ca représente une petite performance physique, quand même, une fatigue. Alors, quand il faut continuer, quand même, à jouer la comédie et puis à bouger devant une caméra, c'est plus éprouvant. Je préfère le résultat quand le vois, enfin, surtout quand je le verrais monté, je préfère ça que vraiment de le faire. Mais enfin, c'est agréable aussi parce que ça me change.
Yves Montand
Un mois et demi en pleine jungle avec les serpents, les moustiques, les scorpions, qu'on peut trouver pratiquement sous ses pas, ce n'est pas tellement agréable. Alors, évidemment, c'est quand même, avant tout, pour nous, une forme d'aventure qui est pour distraire les gens et qui nous permet, nous, à continuer de jouer aux gendarmes et aux voleurs. Alors, évidemment, on ne tient pas compte de cette fatigue-là. Il ne faut pas en parler. On ne peut en parler qu'avec les profanes. Mais avec le téléspectateur, c'est assez difficile parce qu'il ne comprend pas quand un comédien ou une comédienne parle de fatigue. Il a envie de rire. Il n'a pas tout à fait tort, dans une certaine mesure.
(bruits]
Journaliste
Un petit exemple : qu'est-ce qui vous a paru le plus physiquement dur à tourner ?
Catherine Deneuve
Peut-être une scène de bagarre dans l'eau avec Yves. Et puis, les choses avec les voitures, parce que j'ai peur. J'ai peur de la vitesse, j'ai peur de ça. Mais je suis assez courageuse dans ces choses-là, quand même, je me lance. Je préfère toujours me lancer que d'évaluer bien mes chances, bien répéter les choses. Je suis plutôt quelqu'un qui me jette dans les choses. Il doit y avoir, je ne sais pas, un peu d'entêtement, d'orgueil. Surtout dans l'idée de faire les choses bien. Je viens de les accomplir quand même.
Interwiewé
[anglais]
Catherine Deneuve
Appuyez à fond ! Vite ! A fond !
Yves Montand
Mais je suis à fond ! Qu'est-ce que je peux faire ?
Catherine Deneuve
Plus vite !
Journaliste
Le tournage aura duré...
Jean-Paul Rappeneau
Seize semaines.
Journaliste
Pas seize semaines de grandes vacances ?
Jean-Paul Rappeneau
Du tout. Ca a été une aventure, oui, une aventure. Une aventure très compliquée et j'ai un peu l'impression d'avoir un peu mené une campagne militaire. Dans ces cas-là, on a un peu l'impression d'être un... oui, d'être un général d'armée. Un film, c'est un peu la guerre. ... Action !
Interwiewé
[espagnol]
(bruits)
Journaliste
Quatre mois de tournage, et au cinéma, comme ailleurs, il n'y a pas de miracle. "Le Sauvage", c'est une grosse entreprise, et c'est un film cher.
Interviewer
Et oui.
Yves Montand
Très cher, même.
Journaliste
Pensez-vous qu'un comédien doive penser à ce que coûte le film qu'il est en train de tourner ?
Yves Montand
Nous le pensons toujours, au départ. Très sincèrement. En tout cas, nous sommes quelques-uns à le penser. Nous ne tenons pas du tout à étrangler l'industrie du cinéma, d'abord parce que ça ne serait pas bien et puis on a envie de tourner, aussi. Ne serait-ce que sur ce plan-là, disons.
Catherine Deneuve
Je crois qu'aujourd'hui, les acteurs sont très concernés par ça. Pas par goût, je crois, ni par... parce que ce n'est tout à fait, quand même... Je ne dirais pas que les acteurs sont des enfants. Mais les acteurs, comme les metteurs en scènes, qui sont créateurs, disons, quand même, d'une certaine façon, d'une certaine partie du film, n'ont pas envie, pour ne pas sortir de la chose qu'ils font, peut-être par désinvolture, aussi, par manque de curiosité, ils ne se sentent pas tellement concernés, en principe, par le budget d'un film. En tous les cas, ne se sentaient pas, plutôt, parce qu'aujourd'hui, c'est différent. C'est différent parce que comme tout coûte plus cher, les films aussi, et qu'on a contraint, si vous voulez, je ne dirais pas par la force mais enfin on a quand même contraint un peu les acteurs et beaucoup de gens, d'ailleurs, qui participent au film, à être concernés par le budget. D'ailleurs, on ne peut pas demander à des gens, je veux dire, de faire des efforts sans leur expliquer pourquoi.
Yves Montand
Mais il se trouve que quelquefois, on se retrouve avec des producteurs qui ont les moyens. Et comme j'ai déjà dit plusieurs fois, je ne vois pas pourquoi je ferais cadeau à certains groupes financiers, qui eux, lorsqu'ils ont fait le maximum, ce que je leur souhaite, de recettes, ne nous appellent jamais pour partager les dividendes. Donc, je ne vois pas pourquoi pour un métier qui est quand même très aléatoire, je veux dire, qui peut passer très vite, même si quelquefois, on a la chance de pouvoir tenir à distance, quand on a les moyens de frapper, on frappe.
Catherine Deneuve
Même moi, j'ai remarqué, souvent, quand on parle des films, de plus en plus souvent, maintenant, on entend des acteurs parler de recettes, de sorties, de circuits, de recette première semaine, de sortie en province. Moi, je m'en rends compte même pour moi. Mais je m'en suis rendue compte beaucoup autour de moi, parce qu'on voit toujours mieux chez les autres que ce qu'on voit chez soi-même. Mais je crois que c'est normal, c'est dans l'ordre des choses. Alors, les acteurs deviendront, peut-être, plus graves, plus concernés. Ce que j'espère, c'est que même inconsciemment, ça ne se sente pas, quand même, quand on travaille. Moi, je sais que j'en suis consciente et que j'essaye de l'oublier quand j'arrive sur un plateau. Et je crois que quand le film me plaît particulièrement, comme celui-ci, je suis joyeuse d'aller travailler, je suis joyeuse quand j'entre sur le plateau. Et j'espère que les acteurs le resteront, joyeux ou concentrés, si vous voulez, d'une certaine façon. Chacun choisit la formule qu'il préfère, je veux dire, pour travailler. Mais j'espère surtout que cette façon d'être concerné par les choses concrètes d'un film, et la première chose étant le coût d'un film, ne leur enlèvera pas un côté enfantin, disons, dans leur façon de travailler, dans leur façon de concevoir les choses. Il n'y aura pas une espèce de gravité au fond de l'oeil qui serait malvenue.
(bruits)