Manifestation du 17 octobre 1961 [muet]

18 octobre 1961
02m 13s
Réf. 00063

Notice

Résumé :

[Document muet] Le 17 octobre 1961, la manifestation organisée par le FLN pour protester contre le couvre-feu imposé aux seuls Algériens et pour l'indépendance de l'Algérie, est violemment réprimée par les forces de police dirigées par le préfet de police Maurice Papon.

Date de diffusion :
18 octobre 1961
Source :
ORTF (Collection: JT 20H )
Personnalité(s) :

Éclairage

L'immigration algérienne en France représente à cette date près de 350 000 personnes et est grandement mobilisée, derrière le FLN, pour la lutte pour l'indépendance. Alors que les négociations entamées entre le Gouvernement provisoire de la République algérienne et le gouvernement français sont bloquées, la Fédération de France du FLN entend organiser au cœur de la capitale coloniale, au plus près des lieux du pouvoir politique, économique et culturel une démonstration de force, mais néanmoins non violente. Le mot d'ordre de la mobilisation circule rapidement au sein des quartiers à forte population algérienne, comme à Nanterre, Clichy ou Barbès, dans les usines, les cafés-restaurants, les hôtels meublés, les foyers de travailleurs... Au soir du mardi 17 octobre 1961, tous les immigrés algériens, femmes et enfants compris, rejoignent les lieux de rassemblement (les Grands Boulevards, la Concorde, le secteur Saint-Michel, Saint-Germain) sous une pluie battante pour défiler en nombre, malgré l'interdiction des autorités.

Cette grande manifestation des Algériens, encadrée par le FLN, a pour but de protester pacifiquement contre le couvre-feu discriminatoire imposé le 5 octobre aux seuls « Français musulmans d'Algérie » et de revendiquer au vu et au su de tous l'indépendance de l'Algérie.

Dès le début du rassemblement, les policiers chargent, matraquent, tabassent, tuent, jettent dans la Seine de nombreux manifestants dans un déchaînement de violence inouï. Les forces de l'ordre, dirigées par le préfet de police Maurice Papon, engagent plusieurs heures durant une répression féroce dans les rues de la capitale. 11 538 manifestants – sur un ensemble de 22 000 – sont arrêtés et pour beaucoup transférés, à l'aide d'autobus réquisitionnés auprès de la RATP, dans des centres, comme le Palais des Sports, le centre d'identification de Vincennes ou le stade de Coubertin. Ils y subissent les pires violences à l'abri des regards. Cette nuit sanglante marque l'apogée des violences et de la répression policières perpétrées contre l'immigration algérienne en France durant la guerre d'indépendance. Plus d'une centaine d'Algériens disparaissent la nuit du 17 au 18 octobre 1961 (Jim House, Neil MacMaster, Paris 1961. Algerians, state terror and memory, Oxford, Oxford University Press, 2006. Traduit aux éditions Tallandier, 2008, 542 p).

Le lendemain, le bilan officiel établit trois morts.

Ce sujet rassemble les seules images qui ont pu être tournées au moment de l'événement malgré l'interdiction des autorités. En dépit de la censure, la presse de l'époque ne reste pas totalement silencieuse. Les journaux engagés comme Vérité Liberté, L'Humanité et Les Temps modernes dénoncent la répression policière. La presse quotidienne à grand tirage, après avoir répercuté la version officielle, adopte un traitement plus nuancé face à l'ampleur des brutalités et l'afflux de témoignages. Un consensus se dégage pour dénoncer les « violences à froid » dont été victimes les Algériens. Cependant, le gouvernement français bloque toute commission d'enquête.

Dans l'indifférence générale, l'événement tombe rapidement dans l'oubli avant de resurgir dans un retour de mémoire plusieurs années après. Toutes les traces, images comme témoignages, sont sans équivoque. Elles rendent compte d'une terrible violence d'État, s'inspirant de méthodes de type colonial, déployée au cœur de la métropole contre les immigrés algériens soutenant pacifiquement la cause nationaliste pour l'indépendance.

Peggy Derder