L'affaire de Sakiet Sidi Youssef

19 février 1958
02m 04s
Réf. 00042

Notice

Résumé :

Le 8 février 1958, l'armée française bombarde le village tunisien de Sakiet Sidi Youssef qui abrite une base du FLN algérien.

Date de diffusion :
19 février 1958
Source :
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Éclairage

L'Armée de libération nationale (ALN) a fait de la Tunisie nouvellement indépendante une base arrière à partir de laquelle elle mène une guerre d'usure contre les troupes françaises. Excédé par la multiplication des incidents à la frontière, Paris fustige l'aide logistique apportée par la république tunisienne au FLN et invoque « un droit de suite » qui l'autoriserait à poursuivre les belligérants jusque sur son territoire. Le 8 février 1958, à la suite d'un nouvel accrochage, l'aviation française viole l'espace aérien tunisien et bombarde le village de Sakiet Sidi Youssef, où s'est installé un bataillon de l'ALN. Le bilan est extrêmement lourd en ce jour de marché : plus de 200 morts et blessés, dont de nombreux enfants.

L'événement est fortement médiatisé et suscite une condamnation internationale. Il inaugure une période de vives tensions entre la Tunisie et la France, comme le montrent les images des manifestations dans les rues de Tunis. Le président Bourguiba rappelle son ambassadeur à Paris et dépose une plainte devant l'ONU. Il organise le blocus des bases militaires françaises encore présentes dans le pays, dont il exige l'évacuation définitive. Les barrages qui se multiplient sur les routes illustrent ce climat de tensions.

Tout en prétendant adopter un point de vue équilibré (« Pour Tunis, le bombardement n'a fait à Sakiet que des victimes innocentes. Pour la France, ce fut une riposte légitime à une série d'attaques dont Sakiet était précisément une des bases de départ. »), le reportage laisse la meilleure part aux justifications françaises. Ainsi, le commentateur semble mettre en doute la spontanéité des manifestations populaires. La réutilisation de vues d'un reportage britannique introduit, toutefois, des éléments nouveaux dans le discours traditionnel de la presse filmée. Les combattants algériens sont généralement invisibles sur les écrans français. Dans leurs rares apparitions, ils sont représentés comme des bandits hirsutes et tout est mis en œuvre pour leur dénier le statut de soldat. Afin de justifier l'action de Sakiet Sidi Youssef, la France va recourir à des images qu'elle a jusqu'ici méthodiquement censurées : celles d'une armée algérienne organisée, avec un drapeau et un uniforme.

Morgan Corriou

Transcription

Journaliste
À Tunis, la journée de Sakieh a été marquée par les manifestations qui, dans l’esprit du gouvernement tunisien, étaient dirigées contre la présence des troupes françaises. Agitation populaire et action politique, tout a été mobilisé dans ce sens.
(Bruit)
Journaliste
Les délégués du Néo-Destour sont venus confirmer au président Bourguiba l’appui du parti. Et tandis que, sur les routes, des barrages étaient dressés, gardes nationaux et supplétifs contrôlaient la circulation des voitures.
(Musique)
Journaliste
Sakieh-Sidi Youssef, après le bombardement, montre ses blessures.
(Musique)
Journaliste
Pour Tunis, le bombardement n’a fait, à Sakieh, que des victimes innocentes. Pour la France, ce fut une riposte légitime à une série d’attaques, dont Sakieh était précisément une des bases de départ. Ici même, des groupes de FLN s’entraînaient. Ces images, d’origine britannique, prises au cours d'une de ses séances d’entraînement ont été filmées à Sakieh. Ici même, des commissaires politiques endoctrinaient les détachements.
(Musique)
Journaliste
De ces bâtiments, des groupes partaient vers la frontière toute proche et s’infiltraient en Algérie. Ces bâtiments, aujourd’hui, sont détruits. L’affaire de Sakiet est douloureuse comme le sont toutes celles qui, menées contre un objectif militaire, font des victimes parmi des innocents.
(Musique)