Manifestation d'Algériens à Paris contre les pouvoirs spéciaux [muet]
Notice
Ce document muet rend compte de la manifestation des immigrés algériens à Paris, à l'appel du MNA, contre le vote de la loi sur les pouvoirs spéciaux, alors en discussion à l'Assemblée nationale. Il montre l'important dispositif policier qui encadre et réprime la mobilisation.
Éclairage
Les élections législatives du 2 janvier 1956 ont vu la victoire du Front républicain formé par les socialistes et les radicaux. Le 1er février, l'Assemblée nationale investit le nouveau gouvernement tandis que le socialiste Guy Mollet est nommé président du Conseil. Le général Catroux devient ministre résident en Algérie, succédant ainsi à Jacques Soustelle. Mais la population européenne d'Alger ne l'entend pas ainsi. Le 2 février 1956, plus de 100 000 personnes clament leur attachement à Soustelle et leur hostilité à Catroux qu'ils soupçonnent de vouloir brader l'Algérie. Quatre jours plus tard, le 6 février 1956, des ultras, partisans de l'Algérie française, manifestent contre le nouveau gouvernement et divers projectiles atteignent Guy Mollet. Cette manifestation sera surnommée « la journée des tomates » et marque la conversion du nouveau président du Conseil vers la guerre.
C'est finalement Robert Lacoste qui est choisi comme ministre résident en Algérie. Il propose aux parlementaires un projet de loi visant à autoriser « le gouvernement à mettre en œuvre en Algérie un programme d'expansion économique, de progrès social et de réforme administrative, et l'habilitant à prendre toutes mesures exceptionnelles en vue du rétablissement de l'ordre, de la protection des personnes et des biens, et de la sauvegarde du territoire ».
Restituée dans ce reportage du Journal télévisé, la manifestation des Algériens à Paris a lieu le 9 mars 1956, c'est-à-dire le lendemain de l'ouverture du débat sur cette loi à l'Assemblée nationale.
C'est le parti messaliste, à cette date encore majoritaire au sein de l'immigration algérienne en métropole, qui organise ce rassemblement pour protester contre les pouvoirs spéciaux. Cette manifestation du MNA (Mouvement national algérien) se place dans la continuité des modes de mobilisation précédents. Avant la guerre d'indépendance, le MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) participe aux cortèges des 1er mai et 14 juillet. D'ailleurs, le 14 juillet 1953, la police tire sur les manifestants algériens place de la Nation, où on relèvera sept morts (six Algériens et un Français). Quelques mois avant cette manifestation du 9 mars 1956, les travailleurs immigrés s'étaient rassemblés le 30 juillet 1955 dans le quartier de la Goutte-d'Or (18ème arrondissement de Paris) pour protester contre l'état d'urgence en Algérie. D'autres rassemblements ont lieu également le 9 octobre 1955 à Paris et dans plusieurs grandes villes en province abritant une importante communauté immigrée algérienne.
C'est le cas également le 9 mars 1956, lors de cette manifestation contre les pouvoirs spéciaux et pour l'indépendance, réprimée par la police et désapprouvée par l'opinion. Un élu du Rassemblement des gauches républicaines déplore : « c'est la première fois dans notre histoire que 10 000 hommes ont pu manifester dans Paris contre la nation en demandant à en être séparés » (Danièle Tartakowsky, « Les manifestations de rue », in Jean-Pierre Rioux (dir.), La Guerre d'Algérie et les Français, Paris, Fayard, 1990, p.131-132)
Quatre jours après, le 12 mars, la loi sur les pouvoirs spéciaux est votée massivement par 455 voix pour, 76 contre.