Na San, une bataille dans la jungle

07 mai 1953
11m 50s
Réf. 01069

Notice

Résumé :

En automne 1952, le pays thaï est investi par le Viêt-minh. Après la chute de Nghia Lo, le général Salan riposte par la constitution d'un camp retranché à Na San, qui, de simple poste défensif, devient une véritable base opérationnelle.

Type de média :
Date de diffusion :
07 mai 1953
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Éclairage

Le document ici présenté, extrait des collections des Etablissements de Communication et de Production Audiovisuelle de la Défense (ECPAD, ex-SPCA, ex-SCA, ex-ECPA), a été tourné par les célèbres opérateurs militaires, André Lebon et Pierre Schoendoerffer comme le précise le générique de cette rubrique « Regards sur l'Indochine » des Actualités cinématographiques.

Il retrace les débuts de l'opération Lorraine et de la bataille de Na San (novembre 1952), bataille de tranchées menée en pays thaï comme le prouvent de nombreux plans de contextualisation ethno-géographique sur les environs du camp ainsi que des vues bien plus militaires sur l'installation de la base. Na San préfigure en bien des points stratégiques la bataille de Diên Biên Phu, mais à la différence fondamentale que la première fut remportée par le Corps Expéditionnaire Français d'Extrême-Orient (CEFEO). On remarque d'ailleurs que certaines images, tournées lors de la construction du camp puis de la bataille de Na San, furent par la suite utilisées par les autorités militaires pour illustrer la construction du camp puis la bataille de Diên Biên Phu.

A la tête des hommes de Na San, on retrouve à l'écran trois noms clefs de la guerre d'Indochine : le colonel Gilles à l'entrée de son poste de commandement ; le général Salan mis en scène dans son quartier général étudiant des cartes avant l'assaut ou sur le terrain près de sa jeep ou encore discutant sur le tarmac avec le général de Linarès.

Delphine Robic-Diaz

Transcription

(Musique)
Journaliste
Pays Thaï. Vu d’avion, c’est une succession chaotique et enchevêtrée de montagnes pelées ou chevelues, de vallées encaissées où bouillonnent les torrents. De loin en loin, un petit bassin, l’élargissement d’une vallée a permis aux hommes de s’établir et de vivre. Incapable d’obtenir un succès dans le delta tonkinois, où nos armes le clouaient au sol dès qu’il acceptait la bataille, le Viêt-Minh jugea plus rentable la conquête du Pays Thaï. Menée par trois divisions, appuyée par un important soutien de mortiers de 120, de canons de 75 sans recul ; l’offensive ennemie débute par l’assaut massif de Nghia Lo à l’abord du reste du Pays Thaï. Devant la supériorité numérique écrasante des assaillants, le Général Salan ayant ordonné le regroupement des garnisons des postes isolés ; décide de la création d’un corps tranché en un lieu choisi par lui sur lequel les colonnes ennemies seront attirées et viendront se briser.
(Musique)
Journaliste
Et pour la première fois, on entendit prononcer le nom de Na-San. Na-San, un aérodrome, une simple piste au bord de la route provinciale numéro 41, un petit poste semblable à tous ceux du Pays Thaï. Na-San, où le Général Salan a décidé d’amarrer sa manœuvre, devient du jour au lendemain le haut lieu de la bataille de jungle qui s’engage. C’est ici que sera assumée la couverture de la frontière proche du Laos, c’est ici que seront recueillies les garnisons des postes avancés ; c’est ici que nos forces organisées en hérisson attendront l’attaque ennemie. C’est ici enfin qu’après avoir brisé l’offensive adverse, nos troupes reprendront initiative. D’heure en heure, le paysage s’anime et se transforme. Armes, matériels, munitions, ravitaillement tombent du ciel. Et dans la poussière rouge qui fit surnommer Na-San le camp du drap d’or, s’engage une fiévreuse lutte contre la montre. Plus encore peut-être qu'au cours de la bataille qui allait suivre, ce fut pendant ces jours de labeur que se joua le sort de Na-San et celui du Pays Thaï tout entier. Jour et nuit, les travaux se poursuivent. Et le centre nerveux de ce corps immense, c’est le PC enterré du Colonel Gilles, Gilles massif, tout d’une pièce, inébranlable. La brousse défoncée, nivelée, brûlée fait place à des glacis qui se hérissent de barbelés. Déjà, les tranchées zèbrent de leurs zigzags les flancs des collines d’alentour.
(Musique)
Journaliste
Mais il faudra des jours encore pour faire de ces défenses improvisées une véritable forteresse.
(Musique)
Journaliste
Et pour écarter de Na-San le risque d’être attaqué avant que d’être prêt, le Général Salan lance nos forces mobiles sur les arrières de l’ennemi. Il s’agit de détruire les dépôts qu’il a constitués pour alimenter son offensive en Pays Thaï et aussi de l’obliger à distraire une partie des forces qu’il a engagées. C’est l’opération Lorraine qui, sous l’impulsion personnelle du Général De Linares, débute par le franchissement de la rivière noire.
(Musique)
Journaliste
La résistance ennemie est faible, mais les pluies, la boue ralentissent la progression de nos troupes.
(Musique)
Journaliste
Dès que le temps le permet, un lâcher massif de parachutistes est effectué à Phu-Doan, 3 000 hommes en deux heures. Simultanément, le Fleuve Rouge est franchi en force avec l’appui des dignes assauts de la marine et la protection de l’artillerie. Et l’avance se poursuit malgré des engagements de plus en plus vifs avec les troupes qu’à marche forcée, le Viêt-Minh a fait redescendre le Pays Thaï. Mais notre raid l’avait pris de vitesse. En dépit des engagements qui marquent le retour de la colonne ; Lorraine avait atteint le double objectif qu’elle se proposait, le Viêt-Minh n’avait pu empêcher la destruction de ses dépôts de munitions ; dépôts d’armes et de matériels dont certains tombèrent intacts entre nos mains. Et en dégarnissant d’une division son front d’attaque, il nous avait de plus donné le répit nécessaire à l’achèvement des défenses de Na-San. L’heure de l’assaut approchait. Il fallait dès lors savoir où se trouvait l’ennemi, situer ses axes d’attaque, connaître l’importance de ses effectifs.
(Musique)
Journaliste
Dans la région boisée et accidentée de la Rivière Noire, des commandos sont lancés en zone ennemie. Ils se déplacent hors des pistes connues, dans la jungle ou la forêt.
(Musique)
Journaliste
Leur mission n’est pas d’attaquer l’ennemi, mais de le suivre pas à pas et de renseigner le commandant sur chacun de ses mouvements.
(Musique)
Journaliste
Pendant de longs jours, parfois des semaines, ils mènent l’épuisante vie de brousse, aux aguets 24 heures sur 24 ; prêts à disparaître dès que l’ennemi les évente pour reprendre aussitôt leur faction.
(Musique)
Journaliste
De toute part maintenant, les unités repliées convergent sur Na-San.
(Musique)
Journaliste
Elles arrivent par la route, elles dévalent des pistes débouchant de la montagne après des marches interminables.
(Bruit)
Journaliste
Il aura fallu mener de durs combats retardateurs.
(Bruit)
Journaliste
L’ennemi dut arracher le terrain kilomètre après kilomètre, vallée par vallée, crête par crête, et perdit un temps précieux.
(Bruit)
Journaliste
Au rendez-vous de Na-San, nos forces de couverture se sont retrouvées.
(Musique)
Journaliste
Le camp retranché les attendait pour les accueillir, certes, mais en invités seulement. Demain, elles en seraient les défenseurs au même titre que les bataillons amenés du Delta. Et dans l’attente de l’assaut ennemi, cet assaut qu’il est maintenant obligé de lancer, s’achèvent les ultimes mises au point du dispositif. Les défenses légères du mois précédent ont fait place à une organisation en profondeur avec ses champs de mines et ses barbelés battus par des feux croisés.
(Musique)
Journaliste
La moindre position de tir est un abri solide, relié à l’ensemble de la position par des boyaux étroits, souvent même enterrés.
(Musique)
Journaliste
C’est vers Na-San que pendant cinq semaines, le Général Salan a dirigé un flot ininterrompu de matériel et d’armement. Il restait à honorer cette traite sur l'avenir, à confronter l’idée de manœuvre avec la réalité du fer et du feu et l’assaut se produisit. L’assaut se produisit dans la nuit du 30 novembre, acharné, aveugle, hurlant.
(Bruit)
Journaliste
Au lever du jour, l’ennemi avait réussi à prendre pied dans l’un des points d’appui du dispositif. L’après-midi même, une furieuse contre-attaque de nos éléments réservés l’en délogeait.
(Bruit)
Journaliste
Les jours suivants, l’ennemi lançait des nouvelles attaques généralisées contre nos positions.
(Bruit)
Journaliste
Grâce à la résolution farouche des défenseurs de Na-San, ces assauts furent brisés.
(Bruit)
Journaliste
Plus une seule de nos défenses ne fut entamée.
(Bruit)
Journaliste
Dans les barbelés, par centaines, les assaillants furent retrouvés après chaque assaut ; fauchés par le tir des mitrailleuses et de l’artillerie, pilonnés par les B26 de notre aviation et les appareils de l’aéronavale. L’armement tombé entre nos mains permet d’évaluer à 7 000 le nombre des hommes que perdit le Viêt-Minh dans ses assauts infructueux contre Na-San. Dès lors, il se replia en dehors de la portée de notre artillerie, et Na-San, position défensive, devint base opérationnelle. Du camp retranché, les patrouilles partent sonder le pays en de profondes reconnaissances ; coup d’arrêt au physique comme au moral, Na-San peut s’inscrire sur nos drapeaux comme une grande victoire. Pour le Viêt-Minh, la forteresse ancrée au milieu des montagnes pelées demeure une sanglante leçon. Elle fut plus encore une menace que nos bataillons firent peser sur lui au cœur de ce Pays Thaï, dont il pensait pouvoir s’emparer au cours d’une campagne éclair.
(Musique)